On disait du dossier relatif au conflit du Sahara occidental qu'il était enfoncé dans un incroyable statu quo, bien que ceux qui en ont décidé ne semblent pas avoir en compte les conséquences qui pouvaient en découler. Mais le Maroc, qui occupe ce territoire depuis 1975 contre l'avis même du Conseil de sécurité de l'ONU pour qui cette question relève de la décolonisation, vient de la propulser sur le devant de la scène, en décidant unilatéralement de retirer sa confiance à l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. L'Américain Christopher Ross occupe ce poste depuis 2009 et a pour mission de remettre sur les rails le processus de paix contrarié par le Maroc qui refuse d'appliquer un plan au bas duquel figure sa propre signature. Le Maroc est déjà à l'origine de la démission de James Baker, ancien chef de la diplomatie américaine qui avait le premier assumé cette mission dès février 1997. Les incidents se multiplient donc avec pour finalité de bloquer les travaux du Conseil de sécurité qui a prolongé, le 24 avril dernier, le mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara occidental) qui n'a, elle aussi, jamais été au bout de sa mission pourtant claire. Sans qu'il explicite ses accusations, le Maroc reproche à Christopher Ross des «décisions partiales et déséquilibrées», alors même que depuis que cette démarche a été adoptée, les différents envoyés spéciaux ont pour mission un mandat approuvé par le Conseil de sécurité et n'en rendent compte qu'au seul secrétaire général. Quant à la procédure suivie par le Maroc, c'est celle d'un communiqué transmis à la presse, puisque l'ONU ne semble pas avoir été saisie officiellement d'une telle décision. «Nous avons pris connaissance de cette information», a ainsi déclaré le porte-parole de l'ONU soulignant de manière tout aussi solennelle que Ban Ki-moon a «pleinement confiance» en son envoyé personnel. Une manière de rejeter ce qui a tout l'air d'un coup de force, à plus forte raison, venant d'un pays qui renie ses propres engagements, et entend s'opposer à l'application des résolutions internationales. Pour le Front Polisario, l'autre partie au conflit, et à ce titre également signataire de l'accord de paix, déclare que la décision marocaine est non seulement «infondée» et «arbitraire», mais elle est également «grave» et «injustifiée», tout en rappelant que dans sa résolution 2044 du 24 avril dernier, le Conseil de sécurité a considéré le statu quo inacceptable et a réaffirmé son soutien à M. Ross «quant à l'action qu'il mène pour faciliter les négociations entre les parties». Mais avant d'en arriver à ce vote de soutien, le Conseil avait entériné le rapport régulier du secrétaire général sur la question, où il est clairement indiqué que la Minurso éprouvait des difficultés à effectuer ses missions, précisant qu'elle n'est en mesure «ni d'exercer pleinement ses fonctions de surveillance, d'observation et de liaison liées au maintien de la paix, ni d'endiguer, de sa propre autorité, l'érosion de ses capacités de mettre en œuvre son mandat». Il avait également relevé que le principe de neutralité de la Minurso «est, depuis de nombreuses années, compromis par le Maroc». Ce qui avait alors amené le Conseil à insister, dans sa résolution, sur la nécessité d'une totale liberté de mouvement de cette mission. Considéré comme pays voisin, l'Algérie a réaffirmé son soutien à M. Ross. Récemment appelée par le Front Polisario à cesser de s'opposer à l'élargissement des prérogatives de la Minurso, la France qui vient d'élire un nouveau président de la République, élection suivie de la mise en place d'un nouveau gouvernement, a appelé à «un règlement rapide du différend» qui oppose Rabat à l'ONU tout en réitérant son appui au plan d'autonomie marocain, que l'ONU n'a jamais pris en considération, comme en atteste son soutien à son propre plan de paix prévoyant la tenue d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Tout comme ce plan, la résolution du mois dernier réitérant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, et le plein appui aux efforts déployés par Christopher Ross, a été endossée par l'ensemble des membres du Conseil de sécurité. Il revient alors à ce dernier, pour imposer ses décisions.