Les souvenirs fantastiques de Kigali, au Rwanda, où j'officiais en tant que responsable de l'organisation médicale du tournoi final des 9es Championnats d'Afrique des nations U17, resteront gravés dans ma mémoire pour de multiples raisons : historiques, géographiques, scientifiques et sportives… Parmi elles, l'image et la voix d'Almamy Kabele Camara (vice-président de la CAF), rappelant que la CAN U17 Rwanda 2011 avait vu l'introduction pour la première fois en Afrique de l'imagerie à résonance magnétique (IRM) pour contrôler avec précision l'âge exact et donc l'éligibilité des joueurs. «Tous les joueurs ont passé l'examen, a dit M. Kabele, et tous ont répondu aux critères de sélection, ce qui témoigne également de la parfaite compréhension et de la totale adhésion des associations nationales.» Quel magnifique aboutissement pour de nombreuses années de travail et de recherche. Mais de quoi s'agit-il exactement ? Pour mieux comprendre, il faut revenir aux règlements et quelques années en arrière… Conçu pour assurer la prééminence du fair-play et l'égalité des chances pour tous, le règlement de la compétition dissipe toute équivoque en la matière et stipule que «chaque association, membre participante, doit s'assurer que tous les joueurs de son équipe représentative ont un âge conforme». Il est arrivé par le passé, il n'y a pas si longtemps, que des joueurs, ayant dépassé la limite d'âge, participent à diverses compétitions de jeunes, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, bénéficiant souvent d'un avantage injuste en raison de leur plus grande maturité physique par rapport aux joueurs de la tranche d'âge concernée. Jusqu'à présent, le principal moyen de vérification de l'âge d'un joueur consistait à contrôler la date de naissance présentée sur son passeport - mais cette méthode ne s'avère pas toujours suffisante. Comment alors contourner la «souveraineté» d'un passeport ? Par ailleurs, nous savons que la participation de joueurs de plus de 17 ans n'est que rarement le fruit d'une mauvaise intention. Dans certains pays, les certificats de naissance sont imprécis, voire inexistants, et les joueurs ou les fédérations n'y peuvent rien. Du point de vue des moyens scientifiques à disposition, les tribunaux et les pédiatres savaient déjà analyser depuis plusieurs dizaines d'années les images du cartilage de croissance grâce aux rayons X, pour déterminer l'âge de manière du reste trop approximative. Les cartilages de croissance des os du squelette humain sont ouverts pendant la croissance et s'ossifient à différents stades en fonction de l'âge et de la maturité. Toutefois, pour des raisons d'éthique liées à l'exposition aux radiations, l'utilisation des rayons X pour déterminer l'âge des footballeurs est interdite. C'est une fois de plus du F-Marc (le centre d'évaluation et de recherche médicale de la FIFA) qu'est venue l'idée d'utiliser les examens par IRM, ceux-ci n'exposant pas les joueurs à des radiations et offrant des images détaillées et un meilleur contraste entre les différents tissus du corps que tous les autres systèmes utilisés en radiologie. C'est à la clinique Chahrazed (centre médical d'excellence de la FIFA à Alger) et aussi à Dakar, au Sénégal, que nous avons conduit notre part de ce programme avec le Dr Nabil Abed, brillant spécialiste algérien en imagerie médicale, en étroite collaboration avec le Pr Jiri Dvorak (FIFA Zurich), le Dr Gurchuran Singh (AFC-Kuala Lumpur)) et le Dr Raul Madero (Conmebol -Buenos Aires). Avec le F-Marc, nous avons réalisé une IRM des poignets à plus de 500 footballeurs de diverses origines (Suisse, Malaisie, Algérie, Argentine et Sénégal), tous âgés de 14 à 19 ans et munis de certificats de naissance attestés. Il fallait, en effet, comparer les résultats aux différents groupes ethniques. Nous avons ensuite défini un système de notation sur six points pour l'ossification du cartilage de croissance. Il a été démontré que, dans une population normale, il est très improbable que l'ossification complète survienne avant l'âge de 17 ans. En d'autres termes, si une IRM montre l'ossification complète du poignet d'un joueur, il y a 99,9% de certitudes que le joueur ait plus de 17 ans. C'est cela qui est vrai… et la seule vérité, puisque je confirme ici que cette méthode ne peut en aucun cas donner l'âge exact d'un joueur. La fiabilité de la méthode a été longuement testée entre différents lecteurs d'IRM, entre plusieurs lectures pour un même lecteur et entre image électronique (PACS) et image imprimée avec toujours des scores plus que convenables. L'IRM du poignet s'est avérée être une méthode simple, fiable, pertinente et non invasive pour déterminer l'âge des jeunes footballeurs. Nous pouvons identifier les joueurs trop âgés dans les compétitions U17 sans soumettre l'individu à un risque de radiation, ce qui représente une aide considérable pour les associations membres et la FIFA. La méthode a ensuite été éprouvée sur le terrain. Avec le F-Marc, nous avons participé ainsi à l'examen, par IRM du poignet, de joueurs choisis de manière aléatoire lors des Coupes du monde U17 de la FIFA 2003, 2005 et 2007 et 2009. Nous avons également utilisé cette méthode avec succès en terre africaine. D'abord en 2009 à Alger, à l'occasion de la CAN U17. Comme décidé au préalable, ce fut une opération «pilote» non publiable, très riche en enseignements… Ce fut enfin l'expérience du Rwanda lors de la CAN 2011, que nous avons évoquée en introduction, qui a permis de démontrer la faisabilité de la méthode partout sur le continent. Dans les compétitions à venir, qui concernent cette catégorie, CAN 2013 au Maroc puis CM 2013 aux Emirats arabes unis, nous encourageons et soutenons les fédérations participantes à réaliser leurs propres examens par IRM avant le tournoi afin de s'assurer que tous leurs joueurs respectent bien la limite d'âge.