Conseiller et proche collaborateur du colonel-major Elhadji Ag Gamou, un des acteurs de la rébellion touareg de 1990, Fahad Ag Al Mahmoud affirme, dans l'entretien qu'il nous a accordé, que deux principes guident le Mouvement républicain pour la restauration de l'Azawad (MRRA) : l'unité du Mali et la guerre contre les organisations intégristes comme Al Qaîda et Ançar Eddine. -Vous êtes le conseiller et proche collaborateur d'Elhadji Ag Gamou, avec lequel vous êtes en train de mettre sur pied le Mouvement républicain pour la restauration de l'Azawad (MRRA). Comment allez-vous restaurer l'Azawad ? En fait, nous ne sommes qu'à la phase de préparation. Nous agissons au sein de la société de l'Azawad pour regrouper toutes les forces et les sensibilités qui veulent que leur région ne soit pas séparée du Mali, mais aussi qu'elle soit débarrassée des groupes salafistes d'Al Qaîda. Ces gens sont très nombreux. Ils se comptent par milliers. Il suffit juste de mettre à leur disposition un cadre dans lequel ils peuvent s'engager. Le colonel-major Elhadji Ag Gamou représente l'aile militaire de ce mouvement, alors que d'autres cadres et moi incarnons la partie politique. Nous voulons un Nord laïc où toutes les religions seront respectées. -Votre revendication est donc le retour au Mali et non une autonomie politique… Nous ne voulons pas nous séparer ni politiquement ni militairement de Bamako. Notre ambition est de donner aux cadres de l'Azawad la possibilité de gérer les communes, les départements et les structures de base du Nord. Ce sont ces personnes, représentatives de la communauté, qui géreront également les projets de développement de la région. L'idée est celle d'une grande partie de la population. -Comment allez-vous faire aboutir vos revendications sachant qu'à Bamako, les responsables ne sont pas légitimes eu égard au coup d'Etat du 22 mars dernier, et au Nord, le MNLA n'est pas seul sur le terrain ? Nous avons déjà discuté avec le facilitateur de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui semblait très intéressé par nos objectifs. A Bamako, il y a aussi le représentant de l'armée ; il est ce qu'il est, mais il n'en demeure pas moins qu'il reste un interlocuteur inévitable. Au Nord, nous nous sommes entretenus avec le responsable du MNLA et nous avons rallié à notre mouvement un grand nombre de mécontents de la région de l'Azawad. -Justement le chef de l'état-major militaire, Mohamed Ag Najiim, dit avoir parlé à Elhadji Ag Gamou, et que ce dernier lui aurait exprimé sa volonté à revenir au mouvement. Qu'en est-il au juste ? Effectivement, Mohamed Ag Najiim a parlé au téléphone, en ma présence, avec Ag Gamou, sur la situation au Nord et la possibilité de fédérer les forces. Il voulait unifier les rangs pour parler d'une seule voix. Cependant, Ag Gamou a exigé une seule condition. Il a demandé à Ag Najiim de lancer l'offensive militaire contre Ançar Eddine et les groupes d'Al Qaîda. Il semblait impuissant face à ces groupes. Depuis, c'est le silence radio. Peut-être qu'il était de bonne foi. Mais la vérité est que le MNLA ne peut rien faire contre ces organisations. Il est totalement dépassé par leurs agissements et les problèmes qu'elles créent avec la population. -Pourtant, le MNLA a dénoncé les agissements d'Ançar Eddine et exigé d'Al Qaîda de quitter le nord du Mali… Ces propos sont destinés à l'Occident. Sur le terrain, nous savons que la région est fractionnée entre le MNLA, avec une composante majoritaire de Maliens revenus de Libye, le groupe Ançar Eddine structuré autour de Touareg et de Maures, une AQMI constituée de Touareg et un Mujao composé d'Arabes africains. Le découpage est très bien fait. Les groupes se rendent service et chacun d'eux respecte l'autre. Le problème, c'est qu'Al Qaîda et le Mujao sont aujourd'hui puissamment armés. Avant l'occupation du Nord, leur objectif était de s'attaquer à la Mauritanie, parce que l'Algérie était trop risquée pour ses troupes. Aujourd'hui, celles-ci présentent ouvertement l'Algérie comme cible prioritaire. Elles ont les moyens humains et matériels nécessaires pour mener la guerre au plus puissant pays de la région. Al Qaîda et ses démembrements ont réussi à créer une vraie base arrière étalée sur les deux tiers du territoire malien. -Pensez-vous qu'entre Ançar Eddine et Al Qaîda, il n'y a pas de différence ? Ils appartiennent à l'internationale salafiste et ont le même objectif. Celui d'imposer la charia à la population du nord du Mali. Parfois, ils utilisent les moyens financiers et parfois la force, mais nous savons tous que dans l'Azawad, la liberté du culte a de tout temps été respectée. La majorité de la population est, certes, musulmane, mais cela ne veut pas dire qu'elle est intégriste ou adepte d'Ançar Eddine.Plus grave, nous avons la preuve qu'Ançar Eddine reçoit ses ordres du chef d'Al Qaîda, alors je ne peux croire qu'il puisse y avoir une différence entre ces groupes. -Mais pas avec le MNLA ? Le MNLA ne contrôle rien sur le terrain. Il se déclare maître du Nord, alors que les prises d'otages par les groupes d'Al Qaîda se poursuivent. Le jour où il combattra réellement Al Qaîda et ses démembrements, nous serons prêts à l'aider. -Comment comptez-vous vous mobiliser pour affronter Ançar Eddine ou Al Qaîda, sachant que ces groupes sont puissamment armés ? Pour nous, ces deux groupes et encore moins le MNLA ne constituent pas une force de frappe. Si le Nord a été occupé c'est uniquement parce que, bien avant le putsch, les militaires avaient déserté les casernes. Ils ne voulaient pas se battre. En fait, ces militaires en avaient marre de voir à chaque fois leurs collègues officiers se rebeller contre l'Etat, puis revenir avec le même grade commander la caserne qu'ils avaient désertée. Ils ont vécu ces situations lors des trois rébellions de ces deux dernières décennies. Le coup d'Etat du 22 mars dernier leur a facilité la tâche pour contrôler le terrain. Ce qui nous pose problème aujourd'hui, c'est que tous les militaires se sont retirés du Nord et peu sont postés à Mopti, qui reste la limite de l'Azawad. -Est-ce qu'à Bamako, les putschistes sont favorables à votre mouvement ? Il y a une bonne collaboration avec l'armée malienne, dont la majorité tient à l'unité du Mali. Sur le terrain, ils sont des milliers à nous avoir exprimé leur soutien. Ils veulent être juste outillés pour aller combattre au Nord pour le récupérer des mains des groupes salafistes. -Des informations ont fait état de la présence de Ag Gamou au Niger, puis à Bamako, pour des contacts avec les militaires. Est-ce vrai ? Elhadji Ag Gamou n'est ni à Bamako ni au Niger. Pour l'instant, il est en train de faire tout pour rallier au mouvement tous ceux qui se retrouvent dans nos revendications. Notre aile politique est constituée de républicains, d'anciens ministres, d'universitaires, de cadres supérieurs et de simples citoyens qui veulent revenir à un Mali uni, un Nord débarrassé des groupes salafistes et engagé dans la voie de la construction et du développement.