Alors qu'une réunion regroupant l'ensemble des cadres du MNLA se prépare, AQMI s'invite au combat pour brouiller les cartes. Achebrache (Nord du Mali). De notre envoyée spéciale La proclamation de l'indépendance de l'Etat de l'Azawad s'est faite hier à Gao, tôt dans la matinée, par Billal Ag Acherif, secrétaire général du MNLA. Sur le terrain, la joie n'est pas à l'ordre du jour. Toute l'attention est focalisée sur cette vaste opération de chasse à AQMI, lancée en concertation avec l'Algérie après l'enlèvement du consul d'Algérie, de cinq de ses fonctionnaires et du représentant de la communauté algérienne à Gao.C'est hier, vers 2 h du matin, après une réunion restreinte que les dirigeants du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), que Billal Ag Acherif, secrétaire général du mouvement, a proclamé, dans une déclaration, l'indépendance de l'Azawad avec comme capitale la ville de Gao. Cette annonce devait être faite à l'issue d'une réunion de tous les cadres du mouvement, jeudi ou vendredi, soit une semaine après la prise de contrôle de tout le territoire de l'Azawad par les combattants. Néanmoins, l'enlèvement du consul d'Algérie à Gao, du vice-consul, du chargé de l'état civil, des deux responsables des transmissions et de la sécurité ainsi que du représentant de la communauté algérienne à Gao a tout chamboulé. L'attention est maintenant braquée sur le sort des otages détenus par AQMI depuis jeudi matin. «La priorité des priorités est maintenant de retrouver les otages sains et saufs. Tous nos combattants sur le terrain sont mobilisés depuis l'annonce de l'enlèvement des diplomates. Nous sommes en contact direct avec les autorités algériennes pour coordonner nos efforts dans le but de clore rapidement cet épisode», a déclaré le chef d'état-major militaire du MNLA devenu, depuis hier, le chef d'état-major de l'Azawad. Rien pour l'instant n'indique que les preneurs d'otages faisaient partie de la colonne d'une centaine de véhicules 4X4 en majorité des Toyota Station, venue du territoire de l'Azawad. Mais rien n'est sûr. Hier en début d'après-midi, d'autres nouvelles, toujours non confirmées, annonçaient une probable libération des otages. Ces rumeurs rendent le climat encore plus tendu au sein du Mouvement, alors que les conditions de cet enlèvement restent très confuses. Certains cadres du MNLA, avec lesquels nous nous sommes entretenus à Achabrach, au nord-est du Mali, affirment que le siège du consulat a été assiégé par un groupe venu à bord d'une dizaine de 4X4. «L'opération a été très rapide», nous explique un cadre du MNLA, qui ajoute que le cortège a quitté la ville de Gao vers une destination inconnue. Au niveau de la direction du MNLA, la discrétion est de mise pour, nous affirme-t-on, «des raisons de sécurité». A Gao, les gens ne savent pas qui est qui. Ils ne différencient plus les membres d'AQMI de ceux du groupe Ançar Eddine dirigé Iyad Ag Ghaly, dont les accointances avec Al Qaîda sont un secret de Polichinelle. Même si, pour l'instant, la présence de Ançar Eddine est tolérée pour «des considérations tactiques», il n'en demeure pas moins que l'idéologie qu'il véhicule suscite de vives inquiétudes, non seulement chez la population, mais également au sein du MNLA. La sortie d'hier de Iyad, avec cette phrase assassine pour beaucoup de cadres : «Mon combat est pour la République islamique et non la libération de l'Azawad», a été reçue comme une douche froide. Et rien n'indique que Iyad Ag Ghaly puisse revenir sur ses positions en dépit des mises en garde du premier responsable du Mouvement, à savoir Mohamed Ag Najjim, chef de l'état-major militaire. Une chose est certaine : la confiance entre Iyad et de nombreux dirigeants du MNLA semble rompue. Raison qui expliquerait probablement, diront certains de ses proches, le retrait de son bras droit, cheikh Ag Aouessa, un homme très influent au sein de sa communauté touareg des Ifoghas, implantée au nord-est de Kidal. En tout état de cause, l'enlèvement de la délégation consulaire algérienne de Gao a provoqué une onde de choc au sein de la population du nord. Il faut dire que jusqu'à hier, seule la ville de Tombouctou restait plus ou moins maîtrisée. A Kidal et Gao, c'est carrément la psychose. La peur d'une autre attaque hante les esprits au point où certains préfèrent tenter des deals avec AQMI plutôt que d'ouvrir un front avec ceux qu'ils disent «plus puissants et plus aguerris sur le terrain pour l'instant». Selon eux, «l'Etat de l'Azawad est encore embryonnaire. Il ne peut faire face à une telle organisation qu'avec l'aide d'autres puissances». C'est pour dire que la situation au nord du Mali est devenue encore plus complexe et plus confuse, même si les chefs du MNLA se déclarent prêts à affronter les 2000 à 3000 hommes armés que compte envoyer la Communauté économique des chefs d'Etat de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Cette menace ne fait pas reculer d'un iota le Mouvement qui, malgré les courants qui le traversent, a finalement annoncé la proclamation de l'indépendance. Dans ce cadre, il a été annoncé la désignation d'un comité exécutif dirigé par Mahmoud Ag Ali, d'un Conseil de la révolutionnaire ayant pour responsable Abdelkrim Ag Tahar, d'un Conseil consultatif dirigé par Mahamed Ag Tahadou, d'un état-major de l'armée de libération commandé par Mohamed Ag Najiim et de cinq bureaux régionaux sous la direction de Abdelkrim Ag Tayeb. (voir ci-dessous la déclaration intégrale).