S'il fallait redorer le blason du cinéma africain, La Pirogue, long métrage fiction de Moussa Touré (Sénégal) l'a déjà fait d'une manière brillante. Cannes De notre envoyé spécial Précédé de bruits flatteurs dès le premier jour du festival, La Pirogue, montré dans la section officielle, Un certain regard a reçu un accueil enthousiaste, une standing ovation de plusieurs minutes, dimanche matin à la salle du Debussy qui était archi comble. Voici l'histoire : c'est un village de pêcheurs près de Dakar, d'où partent des pirogues à destination des îles Canaries, en terre d'Espagne. Des pirogues où s'entassent des harraga de différentes ethnies fuyant le continent, où leur avenir est bien mal assuré. Ces traversées sont, comme dans le cas des barques maghrébines, souvent meurtrières. Dans le film de Moussa Touré, ceux qui partent ne parlent pas la même langue, n'ont pas la même religion, certains n'ont jamais vu la mer et tous ne savent pas nager. Les Touccouleurs, les Peuls et les Wolofs sont du voyage et la proximité est une dure épreuve. Tous rêvent de réussite financière, avec au retour l'achat d'une voiture et la construction d'une maison. D'autres veulent devenir footballeurs ou musiciens. Pour tous, là-bas c'est bien mieux qu'ici. Au milieu de l'océan, surgit une tempête, le GPS est tombé à l'eau, une partie des harraga périt, ceux qui restent ne doivent leur salut qu'à la Croix-Rouge espagnole qui les sauve et les rapatrie. Le film de Moussa Touré a fait courir tout le monde à Cannes. Le bouche-à-oreille a bien marché. Le réalisateur a franchi tous les obstacles du manque d'argent et de la censure pour faire cette œuvre captivante qui nous émeut profondément sur des hommes fous d'espoir perdus au milieu de la mer cruelle. Like Someone In Love de Abbas Kiarostami, œuvre singulière, attachante, tournée à Tokyo, nous plonge dans un état mystérieux et romanesque à la fois. Tout fonctionne avec brio : l'image, la musique, le jeu des acteurs dans cette rencontre d'un vieux professeur de sociologie avec une jeune étudiante qui confond Darwin et Durkheim. Loin de Téhéran, le talent de Kiarostami reste intact et son histoire japonaise déjoue toutes les attentes des spectateurs. La séquence d'ouverture dans un café huppé, la ronde autour d'une statue en face de la gare où attend une vieille dame, c'est un condensé du mystère et la beauté de Tokyo. Le récit ne quitte pas le terrain de l'énigme jusqu'au retournement final où une pierre lancée contre la fenêtre du professeur clôt brusquement cette histoire qu'on garde longtemps en mémoire. Une comédie pagnolesque tournée à Glasgow, La part des anges, de Ken Loach, a donné la chance aux journalistes de sourire un peu, de respirer après tant de drames vus à l'écran. Pour Ken Loach, le cinéma a la vertu d'aborder des sujets sérieux (les rapports de classe, le chômage, l'injustice) avec humour. Le simple fait de montrer dans la séquence d'ouverture le tribunal des flagrants délits nous apporte une vision grotesque, caricaturale de ce qui se passe dans le royaume de Sa Majesté britannique. Ken Loach nous dit aussi qu'il n'y a jamais de fatalité. Car voici le portrait d'un jeune homme qui a tout contre lui et qui, par son intelligence et sa volonté a réussi à surmonter son héritage social et toutes les calamités de la vie.