Peut-on soupçonner la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, d'être très économe dans la gestion de l'argent alloué à son secteur ? Certainement pas, quand on se rappelle les milliards de dinars engloutis par des manifestations dont l'Algérie se serait passée volontiers. A elles seules, «Algérie, capitale de la culture arabe» et «Tlemcen, capitale de la culture islamique» ont englouti de quoi construire au moins cinq CHU ultramodernes. Passant sur le Panaf' 2009 et, avant lui, l'«Année de l'Algérie en France» qui auront saigné le budget de l'Etat, Mme Toumi peut se targuer d'avoir dépensé plus que tous ses prédécesseurs depuis l'indépendance. L'indépendance justement : madame la ministre a invité ses collaborateurs, jeudi dernier, à concocter un programme à la fois «logique, rationnel et cohérent afin d'éviter de fournir des efforts vainement, de perdre du temps et de dépenser trop d'argent» dans les festivités du cinquantenaire. On ne peut passer sous silence ce soudain retour du sens de la mesure. Pour une fois, notre ministre de la Culture veut serrer un peu les cordons de la bourse. C'est une excellente décision qu'il faudrait saluer, sauf qu'elle est un peu tardive et même inopportune. En retard, parce que pendant une décennie, le régime s'est payé une formidable opération de marketing politique à coups de milliards de dinars, qu'il a conditionnée dans un emballage faussement culturel. Les Algériens n'y ont vu que du feu, à l'exception du Panaf' qui a nous a fait découvrir non sans plaisir l'Afrique. En revanche, une faune de boîtes de com', d'agences d'audiovisuel et de sociétés d'édition ont jailli de nulle part pour prendre leur part du gâteau. C'est peut-être la plaie sur laquelle Mme Toumi a voulu mettre le doigt quand elle recommande de «ne pas dépenser trop d'argent». Une petite digression qui sonne comme un SOS inaudible de la part d'une ministre qui attire l'attention sur ces «requins» de la com' qui s'apprêtent à piquer du nez dans la mangeoire de la République pour ravir le butin réservé au souvenir de notre indépendance. A qui profitent donc ces festivités budgétivores à n'en plus finir ? Bonne question à laquelle Mme Toumi gagnerait à répondre ou, à tout le moins, indiquer des pistes. Un solde de tout compte doit être fait dans ce domaine des manifestations culturelles à forts relents politiques. Mme Toumi a certainement raison de vouloir rationaliser les dépenses liées à la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance car, on s'en doute, des rapaces tapis dans l'ombre y trouveront une occasion en or pour s'enrichir sur le dos de la mémoire nationale à coups de slogans ronflants, d'affiches patriotardes, de documentaires grandiloquents et autres produits dérivés de la Révolution. La facture sera certainement salée pour le contribuable ; la qualité sans doute bien modeste, comme d'habitude, par rapport à l'épopée du 5 juillet 1962. Déjà que les autorités sont contrariées par ce cinquantenaire qui tombe mal cette année avec la double élection en France et en Algérie et ce souci existentiel de survire au Printemps arabe. A moins que Mme Toumi n'ait fait que transmettre un ordre venu «d'en haut» de faire du 50e anniversaire de l'indépendance un non-événement ou presque. Mourad Medelci avait promis aux députés français que la célébration se fera «sans aucun esprit revanchard». Traduit en chiffres : ce sera une fête d'indépendance pas trop chère…