Lorsque le vol de la TAP, la compagnie aérienne portugaise, en provenance d'Alger survole le lit du Tage pour se mettre sur sa trajectoire d'atterrissage, le moyen-courrier laisse découvrir par les hublots, à la centaine de passagers, une ville éclatée et éclatante baignée par les eaux dorées de l'océan Atlantique. Lisbonne (Portugal) De notre envoyé spécial Petite excursion aérienne à basse altitude avant de toucher terre au dessus d'une cité marquée de façon visible par les vestiges d'un passé glorieux dont la prospérité, c'est connu, allait grandir avec les voyages de Vasco de Gama. Jalouse de son passé, Lisbonne allait nous révéler une urbanité ancienne et chaleureuse où les maisons agrippées les unes aux autres donnaient l'impression de vouloir gravir les pentes plus ou moins abruptes sur lesquelles elles étaient juchées. Petites maisonnettes anciennes dont la particularité est qu'elles trahissaient volontairement la richesse de leurs occupants par le pavoisement de leurs murs. Des façades plaquées d'éléments de faïence savamment ornée donnent aux demeures, par l'entremise même d'une signature artistique indéniable, l'image d'une réussite sociale pimpante de ses résidents. En arpentant le quartier médiéval et pittoresque de l'Alfama (tiré du nom arabe Al Hamma qui signifie «source d'eau chaude»), qui va des bords du Tage jusqu'au rempart du Château Sao Jorge, les nombreux touristes s'agglutinent sur de petits tramways appelés sentimentalement les «amarelos» (jaunes) dont on se demande si, aussi lourdement lestés, ils ne vont pas dégringoler. Ces petits engins (dont la mise en service date du début du siècle dernier) affrontent les dénivellations les plus abruptes, vous font presque toucher les maisons tant les ruelles sont d'une étroitesse extrême. Des similitudes urbanistiques héritées des temps anciens existent avec certaines vieilles villes algériennes, mais là s'arrête la comparaison tant le tracé des ruelles d'Alfama, pensé et réalisé à l'origine par les Arabes, sont, elles d'une harmonie délicieuse, bordées d'accotements propres en escaliers et de balcons fleuris d'où s'évadent des senteurs de plats épicés. Comme tout bon touriste, l'attrait de la gastronomie est recherché comme un élément indéniable de la connaissance des cultures locales. La cuisine lisbonnine est influencée par le Tage et l'océan Atlantique tant le poisson s'invite depuis des temps immémoriaux dans les plats des autochtones. Deux de ses plats les plus typiques sont composés de morue (rôtie ou cuite) ou de sardines grillées, mais la sole frite, l'araignée de mer ou la langouste vous sont également proposés dans les menus. Où donc trouver de bons établissements culinaires à Lisbonne ? La réponse du réceptionniste de l'hôtel nous fait sourire : «Vous prenez le métro en direction de la Baixa (un autre quartier de la ville renfermant les places les plus célèbres) et vous descendez à la station Restaurant», tout simplement… Une artère de Lisbonne, voisine du quartier Rossio, se nomme donc la place des restaurateurs. Sur place, dans cette artère fleurant bon l'huile d'olive, l'anchois et les épices qui ont fait un temps la gloire des navigateurs portugais de légende, entre deux restaurants se trouve inévitablement un restaurant. Tout ce que Lisbonne accueille ponctuellement comme touristes qui se retrouvent en début de soirée dans cet espace agréable, se pavanant au milieu des innombrables terrasses sont invités gentiment, mais énergiquement, à y prendre place par des rabatteurs maison. De temps à autre, le fado, sorte de musique et de paroles populaires parfois nostalgiques et tristes, souvent joué sur un air de fête, constitue un arrière-fond sonore qui transperce la profondeur de la nuit. Donc, avec les plaisirs gustatifs du palais, l'oreille n'est pas en reste… Une ville moderne Du Chiado, au Carmo et du Carmo au haut quartier en passant par le quartier de Benfica, la décoration des accotements est unique et constitue une des originalités de la capitale portugaise. Les trottoirs sont d'une conception unique dans toute la ville et constitués d'une mosaïque de pierres de diverses couleurs délicatement agencées donnant au serpentin pédestre une harmonie sans faille. Toutes les places de la ville, notamment la célèbre place du commerce qui s'ouvre au prolongement de la Baixa et les nombreux squares et jardins publics en sont pourvus, donnant à l'ensemble une projection visuelle agréable à l'œil. Mais Lisbonne a aussi aspiré à devenir une ville moderne et s'est relancée depuis la tenue de l'exposition universelle de 1998 dans des projets immobiliers et institutionnels qui ont façonné son extension à l'Est vers Bélem et sur le prolongement des stations de villégiature célèbres telles qu'Estoril ou Caiscas. Le désenclavement de la rive opposée du Tage a été rendu possible par la réalisation du pont Vasco de Gama (long de 17 km dont 12 surplombant l'estuaire). De nouvelles perspectives urbanistiques y sont projetées. Il serait fastidieux d'énumérer, à travers cette carte postale par nous rapportée sans exagération, toutes les belles choses que nous avons vues, les bons moments que nous avons vécus dans une ville qui mérite le détour. Car la capitale lusitanienne n'est pas une destination pour les Algériens en quête de découverte et en mal de dépaysement. Eloignée des grands axes européens, Lisbonne n'est pourtant qu'à 90 minutes de vol d'Alger et un séjour d'une semaine suffit à la conquérir et être conquis par ses atours, surtout pour y rencontrer des gens d'une grande gentillesse et d'une hospitalité que nous ne trouvons que rarement dans d'autres pays européens.