La côte du Kenya recèle quelques-uns des plus beaux sites archéologiques d'Afrique orientale. Témoignage d'une culture tournée vers les échanges maritimes à travers l'océan Indien, les ruines de ces cités, autrefois prestigieuses, n'ont été redécouvertes que depuis une cinquantaine d'années. Témoignages des voyageurs et géographes antiques Etymologiquement, «wa-swahili» signifie «ceux du Sahel» ou «ceux du rivage» en arabe. Toutefois, les géographes arabes préféraient le terme de «Zandj», à l'origine obscure, qui désignait pour eux les habitants des côtes africaines de l'océan Indien. A l'inverse de l'océan Atlantique, qui forma jusqu'au XVe siècle une barrière infranchissable, l'océan Indien constitua depuis l'Antiquité une zone privilégiée de contacts maritimes entre l'Afrique noire et l'Asie : le Moyen-Orient par la mer Rouge et le golfe Arabique, l'Inde et l'Extrême-Orient en suivant les moussons. Le Périple de la mer Erythrée, recueil alexandrin d'instructions nautiques rédigé entre 70 et 150, est l'un des textes les plus précieux sur l'Antiquité. Il décrit la côte et les escales, de la mer Rouge au marché de Rhapta, sans doute situé sur la côte de l'actuelle Tanzanie. La Géographie de Claude Ptolémée, écrite vers 150, reprise et corrigée sous sa forme définitive au IVe siècle, et la Cosmographie chrétienne du moine grec Cosmas Indicopleustes, rédigée au VIe siècle, donnent également de nombreux renseignements. La myrrhe, les gommes aromatiques, l'ivoire, les cornes de rhinocéros ou l'écaille de tortue sont quelques-unes des marchandises exportées à cette époque. S'y ajouteront plus tard, venant des régions plus méridionales, l'ébène, le fer, le cuivre ou l'or. L'Islam en Afrique de l'Est L'Islam apparaît, globalement, en Afrique noire avec la conquête de l'Egypte par les Arabes au VIIe siècle. Il se propagea, ensuite, vers le Sud, en Nubie. Il pénétra aussi par l'Ethiopie et sa côte, qui n'est séparée de l'Arabie que par la mer Rouge. La religion musulmane s'étendit, alors, sur toute la côte de l'Afrique orientale, véhiculée par les marchands arabes. Dès le IXe siècle, les navires marchands musulmans fréquentent la côte des «Zandjs». Les Arabes ont appelé la région «Zandj El Bar», le pays des Noirs, dont le nom actuel de Zanzibar est dérivé. Ils ont fondé des comptoirs commerciaux prospères sur toute la côte de Mogadiscio à Kilwa. Ils ont construit des maisons en pierre de corail aux portes de bois sculptés d'inspiration indienne, élevé des mosquées, des bains, des palais. Chaque ville, gouvernée par son sultan, rivalisait avec les autres et ce n'étaient que luttes d'influence entre elles. L'Islam se généralisa aussi dans l'intérieur du continent parmi la plupart des tribus locales. Jusqu'à la conquête portugaise au XVIe siècle, par la route maritime du Cap, la domination arabe sur l'océan Indien resta incontestée. Les voyageurs y développent le commerce de l'or et de l'ivoire et finissent par s'implanter sur la côte et les îles. De cette implantation, naît une civilisation, la civilisation swahilie, issue du métissage entre Arabes et Africains, dont l'Islam est la religion. Cette civilisation élabore sa propre langue, le swahili, écrit en caractères arabes sur une base grammaticale africaine bantoue, avec plus de 40 % du vocabulaire empruntés à l'arabe et au persan. Les Etats marchands swahilis commercent dans tout l'océan Indien et vont jusqu'aux Comores et Madagascar, où l'Islam s'implante aux XIe et XIIe siècles. Ils entretiennent d'étroites relations avec l'Inde et la Chine. Lamu fut parmi les plus riches et brillants comptoirs musulmans et l'archipel demeure encore le principal centre régional d'études musulmanes. Même si l'Islam de cette région demeure marqué par des emprunts locaux, c'est la règle musulmane classique qui y reste pratiquée. Cette règle marque la vie sociale, notamment au niveau de la condition de la femme. Apports des chroniqueurs arabo-musulmans Durant l'époque médiévale, les voyageurs arabes ont laissé des descriptions précises de la côte africaine. Exemples : Né à Bagdad à la fin du IXe siècle, Al-Massoudi embarque avec des marins d'Oman sur la périlleuse mer de Zandj. Il livre dans son livre, les Prairies d'or (Mouroudj Ed-Dheheb), de nombreuses informations sur les rivages de l'océan Indien et sur le royaume de Waqlimi, «qui produit en abondance or et autres merveilles». Les écrits du géographe Al-Idrisi au XIIe siècle et du grand voyageur Ibn Battuta au XIVe siècle constituent deux autres sources historiques de première importance. Plus inattendus sont les témoignages des navigateurs chinois. A partir du XIIe siècle, sous les Song, le commerce dans l'océan Indien s'intensifie pour atteindre sa plus grande expansion sous les Ming. En 1414, une ambassade de la ville de Malindi, sur la côte de l'actuel Kenya, amène avec elle à la cour de Chine un étrange animal «rappelant le chameau par la forme» et dont la «tête est placée très haut» : c'est une girafe. En 1417-1419 et 1431-1433, l'amiral Cheng Ho, musulman du Yunnan, connu dans l'historiographie chinoise sous le nom de «l'Eunuque aux trois joyaux», conduit deux grandes expéditions sur la côte africaine et parvient à Malindi plus de quatre-vingt ans avant Vasco de Gama.