Dans deux semaines, les Egyptiens auront un nouveau Président, le premier librement élu. Mais entre les frustrations des révolutionnaires et le verdict du procès Moubarak, le climat de campagne se détériore. L'élection présidentielle égyptienne n'a pas dit son dernier mot. Si la campagne électorale a repris hier sur fond de violence entre partisans des deux candidats, la Haute Cour constitutionnelle ne s'est toujours pas prononcée sur la validité de la candidature de l'ancien Premier ministre de Hosni Moubarak, Ahmed Chafiq. L'armée quant à elle annonce la fin de l'Etat d'urgence, dans le scepticisme général. Les rebondissements n'en finissent plus. A l'issue du premier tour, les médias prévoyaient un duel entre Amr Moussa, ancien secrétaire de la Ligue arabe, et Abdel Moneim Aboul Foutouh, islamiste modéré. Finalement, ce sera Ahmed Chafiq, représentant du régime déchu, contre Mohammed Morsi, représentant des Frères musulmans, organisation interdite sous l'ère Moubarak. Pour les anonymes de la place Tahrir comme pour les Coptes, ce choix n'en est pas un. Mais pour les analystes politiques, c'est la clareté du discours qui a primé, comme en témoigne la troisième position de Hamdeen Sabbahi, représentant de la révolution et des forces non islamistes. Les trois hommes ont ouvertement assumé leur étiquette politique, contrairement à leurs adversaires. Rassurer Aujourd'hui, les deux vainqueurs du premier tour ont compris qu'il fallait rassurer. Les promesses affluent. Pas question de reconduire l'ancien régime ou de s'ingérer dans les procès en cours pour Ahmed Chafiq qui assure qu'il adoptera les «principes de la révolution du 25 janvier». De leur côté, les Frères musulmans ont affirmé hier ne pas être opposés ni à la formation d'une «institution présidentielle» comptant des personnalités coptes comme conseillers du Président, ni à la constitution d'un gouvernement de coalition. L'idée d'un regroupement des partis politiques contre les représentants de l'ancien système semble dominer. Selon Helmi Al Djazzar, membre du Parti pour la liberté et la justice, les négociations se poursuivaient hier encore entre les forces politiques et le candidat Mohamed Morsi pour former «un front révolutionnaire». Des manifestations sont prévues aujourd'hui pour revendiquer l'application de la loi dite «d'isolement politique des symboles de l'ancien régime», ce qui conduirait à l'exclusion d'Ahmed Chafiq du second tour de la présidentielle. Une justice indépendante Dans ce contexte, la justice doit donner l'impression qu'elle est indépendante au risque de nouvelles violences. Or, hier, un tribunal a condamné quatre policiers à trois ans de prison pour avoir torturé à mort un manifestant arrêté. Une peine qui paraît faible. La tension existante pourrait être également exacerbée par le verdict du procès de Hosni Moubarak, attendu demain. L'ancien Président égyptien est accusé de corruption et d'implication dans la mort de plus de 800 manifestants, tués au début de l'année 2011 pendant la révolte. Mais il pourrait être acquitté, faute de preuves. Malgré la trentaine d'audiences, les témoins appelés à la barre par l'accusation ont eu tendance à disculper l'ancien chef d'Etat. L'un, officier de police, a dit avoir reçu l'ordre de traiter les manifestants comme des frères. Plusieurs autres ont assuré avoir eu pour instructions de ne pas porter d'armes pendant les manifestations. Un autre encore, ancien adjoint de Habib El-Adli, ministre de l'Intérieur à l'heure de la Révolution, a déclaré que ce dernier avait ordonné de n'utiliser que du gaz lacrymogène et des canons à eau lors du jour le plus meurtrier du soulèvement.