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Site touristique à l'abandon
Tala Guilef
Publié dans El Watan le 02 - 03 - 2006

Le site montagneux de Tala Guilef est enchanteur. La nature est généreuse, mais il faut prendre son courage à deux mains pour s'y rendre.
L'endroit porte encore les séquelles de la décennie noire, et le spectre des actes terroristes hante toujours les esprits. Cependant, de nombreux visiteurs, téméraires, défient la peur dans l'espoir de passer des moments de repos et de détente. L'appel de la nature est tellement fort que les gens ne se soucient guère de l'état impraticable de la route et du manque de structures d'accueil. Les touristes sont là, en dépit du manque de tous les services de l'ordre. La station climatique de Tala Guilef était réputée surtout pour ses deux hôtels : El Arz et Iguider - aujourd'hui à l'abandon - incendiés respectivement le 20 janvier 1995 et le 31 mai 2000. Depuis, cette partie du Parc national du Djurdjura est tombée dans l'oubli. L'installation d'un détachement de la police communale et d'une unité de l'ANP, après les attaques contre ce complexe de l'Entreprise de gestion touristique du centre (EGTC) a certainement apporté un réconfort. La présence actuelle de manière permanente des agents de la police communale est rassurante. En cette journée de la mi-février, des dizaines de voitures immatriculées à Alger arpentent les routes sinueuses et non carrossables. A quelques pas de ce qui reste de l'hôtel Iguider, des agents de la police communale dressent un barrage fixe. Le chef des agents de la police demande à chaque chauffeur leur permis de conduire et le dépose sur une table à côté d'une vingtaine d'autres. « C'est pour votre sécurité, la nôtre et celle de tous les visiteurs. En faisant ces contrôles, nous savons qui est là et en cas de disparition ou autres problèmes, l'identification est très rapide », s'excuse-t-il. L'accueil est cordial. Le plaisir de recevoir des journalistes dans cette immensité silencieuse du Djurdjura est perceptible. « Durant les week-ends, nous recevons jusqu'à 300 personnes qui viennent passer la journée », dit-il encore. Les dizaines de corbeilles installées sur le bord de la route principale et des sentiers sont remplies de déchets. Signe frappant que les lieux sont régulièrement fréquentés. « Les visiteurs, dans un élan de civisme et de protection de la nature les utilisent. Cela fait plaisir aux agents des services forestiers dépendant du parc du Djurdjura qui sont très actifs », argumente un jeune habitué des lieux. L'accès à l'intérieur des deux hôtels nous a été interdit par les agents de la sécurité. Des écriteaux sur des supports en dur bâtis l'année dernière par les agents du Parc national du Djurdjura appellent à la prise de conscience. « La jeunesse algérienne serait surprise d'apprendre l'existence de la panthère dans notre région (la dernière a été abattue en 1958 dans les gorges de Kherata) et de l'ours brun au fond d'une grotte dans le Djurdjura. Ensemble, évitons la disparition des espèces restantes ». Les employés du parc ont nettoyé une superficie de 80 h de forêts, outre le désherbage, les arbres sont élagués à 2,5 m de hauteur. C'est une mesure de prévention contre les incendies, signale-t-on. Le dense tissu forestier, essentiellement constitué de cèdres et de pin d'Alep, contraste avec l'éclatante blancheur de la neige. Les endroits les plus bas sont recouverts d'une couche de 60 cm, alors que sur les hauteurs la couche est plus épaisse. De loin, apparaissent les pylônes rouillés et ce qui reste des télésièges complètement décomposés et hors d'usage. Autant de vestiges qui rappellent la belle époque où l'endroit était littéralement envahi par des touristes étrangers.
UN PARADIS, ... SANS INFRASTRUCTURES
Aujourd'hui, partir à Tala Guilef relève d'une gageure, non pas pour des raisons de sécurité, mais pour manque d'infrastructures. Ce n'est pas l'avis des nombreux visiteurs. La famille Benmaâmar est au complet. Père, mère et enfants s'adonnent au plaisir du pique-nique en plein air et pouvoir rouler sur un tapis de neige. « On est déjà venu ici, et on revient pratiquement chaque week-end. Nous trouvons une nature à l'état brut, mais il manque les moyens nécessaires pour une agréable journée. Il n'y a ni restaurant ni même des bancs pour s'asseoir. Mais j'appelle les gens à venir. C'est merveilleux ! », s'exclame Mme Benmaâmar, cadre à Sonelgaz. Ceux qui viennent sans nourriture repartent, car il faut parcourir des kilomètres pour trouver où pouvoir se restaurer. Et comme la route est impraticable, les gens préfèrent quitter les lieux plutôt que prévu. Avant la déferlante terroriste, les deux hôtels ne désemplissaient pas. Ils étaient 70 employés dans les deux établissements hôteliers et ne sont plus aujourd'hui que 20, la majorité a été affectée vers d'autres structures de l'EGTC. En s'enfonçant dans la forêt, on découvre les manèges pour enfants, rongés par la rouille. Tala Guilef présente pourtant une carte de visite bien fournie : des cèdres millénaires, le lac Goulmime, le gouffre du léopard qui a une profondeur de 1059 m et dont le fond n'est pas encore atteint. El Arz et Iguider totalisent 526 lits. Pour le premier, les dégâts sont estimés à 120 millions de dinars et sa dégradation continue au fil des jours. Laissera-t-on à l'abandon les deux structures ? Les réhabiliter demande des milliards de dinars. Sollicité à ce sujet, M. Drirèche, directeur de l'unité, affirme : « Je ne peux rien vous dire à propos de leur réhabilitation et de leur réouverture. Pour toute information, il faudrait se rapprocher de la direction générale qui se trouve à Alger ». Contrairement au massif du Djurdjura, majestueux et fier, les hommes se dérobent devant les moindres sollicitations. Abandonnée par l'EGTC, la station climatique de Tala Guilef voit son avenir s'assombrir. Pourtant, les touristes s'y accrochent toujours.


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