Alors que les Etats-Unis ont indiqué hier qu'ils étaient prêts à soutenir une action contraignante de l'ONU contre la Syrie, dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies comme l'a demandé la Ligue arabe, la Russie continue à maintenir sa ligne dure même si elle a commencé à prendre ses distances avec le président Bachar Al Assad. Aux yeux de certains experts, Moscou pourrait lâcher le chef de l'Etat syrien, considéré par l'opposition en Syrie et les Occidentaux comme le principal obstacle à un règlement politique, sans pour autant lâcher le régime syrien. «Assad est passé au second plan, et c'est maintenant la question syrienne qui est une affaire de principe», explique à la presse l'analyste Alexeï Malachenko, de l'antenne du Centre Carnegie à Moscou. «La Russie n'arrive pas à obtenir quelque chose de lui, il n'écoute pas et pousse la Russie à la confrontation avec l'Occident», que Moscou ne souhaite pas, ajoute M. Malachenko. Parallèlement, la Russie refuse toute sanction visant le régime syrien et a déjà bloqué – avec son allié chinois – deux résolutions proposées par les Occidentaux au Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la répression en Syrie. A l'issue, hier, d'une visite à Pékin du président Vladimir Poutine, la Russie et la Chine se sont une nouvelle fois déclarées «résolument opposées à des tentatives en vue de régler la crise en Syrie par le moyen d'une intervention militaire étrangère, de même qu'en vue d'imposer (...) un changement de régime». La position russe s'expliquerait ainsi par le fait que Moscou estime que l'opposition au régime est composée au moins en partie de «terroristes» et que la communauté internationale devrait insister sur l'application du plan de sortie de crise de l'émissaire de la Ligue arabe et de l'ONU, Kofi Annan, resté jusqu'ici lettre morte. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui accompagne le président Poutine en Chine, a, à ce propos, mis en garde hier contre les conséquences d'une éventuelle intervention extérieure en Syrie. «(Les groupes de l'opposition) en dehors de la Syrie appellent de plus en plus la communauté internationale à bombarder le régime d'Al Assad, à renverser le régime. C'est très risqué, je dirais même que cela peut conduire la région à la catastrophe», a déclaré M. Lavrov. La Russie, tout comme la Chine, redoute un scénario libyen. Moscou avait donné son feu vert aux frappes de l'OTAN en Libye avant de juger que les forces occidentales avaient outrepassé leur mandat consistant à protéger les populations civiles. La Russie s'estime confortée dans son analyse après notamment le débordement du conflit syrien sur le Liban voisin. Le soulèvement syrien exacerbe les tensions au Liban, qui a connu 30 ans d'hégémonie syrienne et reste profondément divisé entre adversaires et partisans de Bachar Al Assad. Hier encore, des accrochages ont opposés des soldats syriens et des habitants d'une région libanaise à la frontière de la Syrie. Ces affrontements à la roquette et à la mitrailleuse se sont déroulés dans le secteur de Kherbet Daoud, dans la région d'Ersal. Ils ont éclaté après la mort d'un Libanais tué à l'aube par des soldats syriens dans ce même secteur situé dans une région montagneuse accidentée. Trois autres personnes ont été blessées. Selon l'Agence nationale d'information (ANI), ces Libanais tentaient d'entrer en territoire syrien via le secteur de Kherbet Daoud, quand ils ont été la cible de tirs. La plupart des habitants d'Ersal sont des partisans de la révolte lancée en Syrie en mars 2011 contre le régime de Bachar Al Assad.