Journaliste à Radio France Internationale et écrivain, Yahia Belaskri est en Asie centrale (Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizistan) pour participer au raid Brest-Pékin-Qingdao. Retrouvez chaque semaine dans El Watan Week-end son carnet de route. Une escale de six heures à Saint-Pétersbourg, puis un vol de nuit dans un Boeing 757 bondé, bébés en pleurs, femmes aux robes colorées, hommes portant sacs et valises en cabine, on s'apostrophe, on rigole, quelques mots plus haut, je ne comprends pas, mais l'avion décolle. Il est 1h25 du matin. La compagnie ouzbek chouchoute ses passagers, quasiment tous des nationaux qui rentrent dans leur pays : entrée, repas chaud, du plov, le plat national, riz, carottes et bœuf : délicieux ! Boissons et gâteux à volonté. Waou ! Il est 6h45 quand l'avion atterrit sur le tarmac de la ville de Boukhara. Ah Boukhara ! Que n'ai-je entendu parler d'elle ! Il me faut affronter les formalités de police, simples, mais longues car il n'y a que deux guichets. On pousse, se place, se lance des regards en coin, on arrive. Puis il faut récupérer les bagages et encore un goulot d'étranglement : un à un, on passe devant des jeunes agents qui vérifient que chaque bagage appartient à la personne qui le tient. C'est la fin ? Non, la douane. Passeport. Français ? J'ai pas répondu que la deuxième question arrive : Yahia, muslim ? Oui, oui, d'Algérie. Soulagement du douanier qui arbore un large sourire. «Kouch Kelibziz !», bienvenue me lance-t-il. «Rahmat !» que je remercie. Et me voilà en voiture, parti à la conquête de Boukhara, centre rayonnant de l'islam au IXe siècle avec la dynastie samanide qui périclitera avant de renaître au XVe avec les Turcs. Larges avenues, propres, petits immeubles qui ne dépassent pas deux étages couleur terre. Et arrive… l'enchantement ! Ville de canaux et de réservoirs, parsemée d'ombre pour ne pas fondre au soleil, truffée de médrassas, ces universités où l'on étudiait aussi bien la religion que les mathématiques, la philosophie et l'astrologie. Epoustouflant ! Et les mosquées ? Vous n'avez rien vu de pareil, impossible. Et la vie ? Elle coule, doucement, en paix. Ici, nulle agressivité, ni ostentation, rien que la tolérance, l'ouverture aux autres reçus avec égard et générosité. Et c'est Samarcande, la ville de Tamerlan, dit Timour le Grand. Il a régné 35 ans, guerroyé 35 ans, bâti 35 ans ! Une ville où l'enchantement laisse place à l'émerveillement. Que ne vous conterai-je de mes découvertes ! Par où commencer ? Place Registon où trônent les deux grandes medersas et la grande mosquée constituant un ensemble architectural exceptionnel. Mosquée où l'on ne prie pas aujourd'hui, une partie est musée et une autre boutiques pour les artisans. Et la nécropole, la plus belle d'Asie centrale. Et la mosquée de Bibi Khanoum, l'une des femmes de Timour le Grand. Ce jour-là, à Samarcande, c'est une famille ouzbek qui m'invite à dîner. Au menu : des plats à n'en plus finir, samsas, pâte feuilletée à la viande, salades diverses, fruits secs, enfin le plov, le plat national – gouteux ! – thé, coca, eau gazeuse et… vodka !