Entre les transporteurs, décidés à faire valoir leur droit à la liberté des prix, l'administration qui refuse de plier à «l'atteinte à la loi» et les usagers décidés à refuser ce qu'ils considèrent comme «un diktat», la solution prend des allures Kafkaienne. La grève des transports en commun, observée dans le périmètre urbain de la ville de Béjaïa, depuis une semaine, s'est radicalement durcie depuis jeudi dernier avec le retrait de la circulation de la quasi-totalité de la flotte de bus en service. Hormis la ligne reliant le quartier Smina à la Porte Sarrasine et les navettes habituelles mais peu suffisantes (20 bus) de l'ETUB (Entreprise des transports urbains de Béjaïa), le réseau s'est soudainement paralysé, laissant en bordure de route des milliers d'usagers, à la fois impuissants et furieux. A l'origine de cette montée au créneau, l'augmentation du prix du ticket urbain de 10 à 15 dinars décidée unilatéralement et subitement par les trois syndicats du secteur et qui, sitôt mise en application, a provoqué des réactions d'hostilités en chaîne, et de l'administration, qui a jugé la démarche illégale car «en porte à faux avec la réglementation», et des usagers sortis spontanément dans la rue pour s'y opposer ou refuser de payer le prix à bord des bus. Dans plusieurs quartiers, des jeunes ont du installer des barrages filtrants à l'aide de bacs à ordures et autres objets hétéroclites sur la chaussée pour empêcher les bus de circuler. Si bien que devant l'intransigeance de la direction des transports et la menace de confrontation avec le public, les syndicats ont préféré «battre en retraite». «On n'est pas en grève, on a juste mis en stationnement nos bus», a déclaré sur l'antenne de la Radio locale, Riad Boudrâa, président du syndicat de l'Union Nationale Algérienne des Transporteurs, qui justifie cette hausse par «l'importance des charges auxquelles butent les transporteurs», lesquelles, y voit-il, ont «réduit drastiquement» leur revenu. «De plus, la hausse n'est pas imposante. C'est quoi 15 dinars. Ca ne paie même pas un café, alors qu'en parallèle tout a augmenté, qu'il s'agisse de pneumatiques, de lubrifiants etc.» a-t-il ajouté, notant que «le tarif de 10 dinars n'a pas subi de variations depuis plus d'une décennie, alors qu'ailleurs, dans toutes les grandes villes du pays, le prix est passé à 15 dinars». Un argumentaire qui visiblement n'accroche pas l'adhésion, ni des usagers, ni de leur représentant. Mohamed Bedjou, président de l'association de la cité douanière en est de cela, estimant qu'au demeurant «la crise est générale. Elle affecte tout le monde mais tout particulièrement les franges défavorisées». «Comment va s'en sortir quelqu'un qui touche le SMIG ? Avec 3 ou 4 enfants à charge, il va consacrer, désormais, la moitié de son revenu, pour le transport familial. C'est injuste, c'est immoral», s'est-t-il révolté. Au fait, au-delà de ces considérations foncièrement vénales, d'aucuns s'opposent à cette «crue», à cause de la qualité «peu reluisante des prestations offertes». «L'hygiène, les surcharges courantes, le non respect des arrêts, les excès de vitesse, la cigarette et le café dans le bus ….On ne peut pas dire, que les voyages à bord des bus sont synonymes d'exemplarité», se désole Hacène, fonctionnaire, qui pourtant ne recourent au transport en commun qu'occasionnellement. «Franchement, quand je le fais c'est parce que je ne peux pas faire autrement». Quoiqu'il en soit, le durcissement de cette grève, alimente toutes les colères dont l'issue, n'est pas prête de connaître son épilogue. Entre les transporteurs, décidés à faire valoir leur droit à la liberté des prix, l'administration qui refuse de plier à «l'atteinte à la loi» et les usagers décidés à refuser ce qu'ils considèrent comme «un diktat», la solution prend des allures Kafkaienne. Ironie du sort, elle intervient en plein hommage, à Azzedine Medjoubi et Boubekeur Mekhoukh, deux grands artistes disparus, dont le destin s'est scellé, autour d'une pièce théatrale fétiche : Hafila Tassir… Peut être à réécrire. Hafila la tassir.