Dans notre édition de la semaine passée, nous avons abordé le volet formation des enseignants. Nous avons choisi l'avis autorisé d'un enseignant toujours sur la brèche, malgré sa retraite administrative. Son riche parcours est éloquent et son point de vue utile. Kader Abboub a débuté sa carrière en 1970 : instituteur, PEM puis conseiller d'éducation dans les ITE de Béchar et d'Oran jusqu'en 1986, il a été tour à tour PES de français puis formateur et directeur des études au Centre régional de formation des cadres de l'éducation d'Oran (CRFC) jusqu'en 1997. En retraite depuis juin 2004, il est activement engagé dans la vie associative depuis 1997. Quels sont les besoins urgents des enseignants algériens dans le domaine professionnel ? Les besoins varient en fonction du profil d'entrée, de l'ancienneté dans la carrière et du type de formation initiale reçue. En résumé, et dans l'urgence, deux tendances se dessinent actuellement : Des enseignants qui dépassent souvent la quarantaine et qui ont reçu une formation initiale (école normale, ITE) qui leur a permis jusqu'à présent d'avoir une bonne maîtrise de la classe. Mais certaines de leurs connaissances sont devenues obsolètes avec l'usure du temps. Ils ont besoin d'une mise à jour en didactique de la matière et d'un soubassement théorique rénové et adapté aux changements induits par la réforme en cours. Des jeunes diplômés des universités qui doivent être formés au métier d'enseignant avec une prise en charge judicieuse en pédagogie, didactique de la matière, techniques de classe etc. Encadrés par des formateurs expérimentés, eux-mêmes formés ou recyclés pour être dans l'air du temps, ces jeunes enseignants imprimeront (peut-être) une dynamique nouvelle à un système essoufflé, arrivé au bout de ses contradictions. Il se dit que le critère de la vocation est essentiel pour embrasser le métier d'enseignant, est-il possible de réhabiliter ce critère en Algérie ? Enseigner est devenu, de nos jours, un métier avant d'être une vocation. Comme pour tout métier, il faudrait, à mon humble avis, avoir d'abord certaines prédispositions : ou on aime ce qu'on fait ou on n'aime pas. Il faudrait ensuite poser le problème du statut social de l'enseignant dans notre société pour arriver enfin à la professionnalisation de ce métier : qu'a-t-on fait jusqu'à présent pour le rendre plus attrayant et moins pénible, en un mot plus gratifiant. Où sont nos parangons ? Que veut-on faire de notre école ? Ces questions et d'autres enfin résolues, peut-être pourrions-nous alors parler de vocation (s). En collaboration avec l'UFC, le ministère de l'Education nationale vient de lancer une opération de formation à distance. Quelle est votre appréciation ? Quoi de mieux qu'un bon proverbe pour résumer la situation : « Il y a loin de la coupe aux lèvres ». Un enseignant écrasé par une surcharge horaire ou un effectif pléthorique, noyé dans des problèmes dus à un environnement plus ou moins hostile etc., peut-il valablement se prendre en charge lui-même et à distance ? En a-t-il les moyens, la volonté et les aptitudes ? Il faudrait peut-être revoir le dispositif avec plus de réalisme et surtout plus de pragmatisme et le renégocier avec tous les partenaires, en tenant compte des contraintes objectives. Car sans adhésion des concernés, tout projet aussi noble soit-il se trouve fatalement dévoyé et donc voué à l'échec. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille rester les bras croisés. On pourrait proposer des alternatives plus efficientes : pour donner plus de chances à un grand nombre d'éducateurs, ne faudrait-il pas lever les contraintes d'âge et de titre, en validant les années d'expérience professionnelle, faire suivre des groupes restreints d'enseignants inscrits à ce type de formation par des tuteurs formés à l'enseignement à distance, penser à une flexibilité des horaires et surtout valoriser le diplôme obtenu (incidence sur le salaire et la promotion). Généraliser le dispositif à tout le reste du personnel qui ne doit pas rester en décalage par rapport aux mutations profondes de l'école. Votre mot de la fin ? Vouloir confiner des enseignants dans un ghetto de médiocrité, sous prétexte qu'ils n'ont pas besoin d'un savoir académique qui leur fait cruellement défaut aujourd'hui, relève d'une myopie intellectuelle sévère ou d'un calcul sournois teinté d'un paternalisme de mauvais aloi. Un tel comportement ne cache-t-il pas en réalité autre chose ? Une façon d'étouffer dans l'œuf toute velléité de promotion amplement méritée pour beaucoup d'enseignants ou... une forme de mandarinat qui ne dit pas son nom. [email protected]