Le Collectif citoyen pour la réédification de la nation algérienne, qui milite pour un «Etat de la citoyenneté», emmené par l'un de ses initiateurs, le général à la retraite Mohand-Tahar Yala, poursuit ses tournées à travers le territoire à la rencontre des acteurs de la société civile. - Que devient le Collectif citoyen pour la réédification de la nation algérienne après cette période marquée par les élections législatives ? Comme vous le savez, les dernières élections législatives n'étaient pas inscrites dans notre agenda. Nous considérions que, compte tenu des règles du jeu établies, les leviers de commande pour hisser l'Algérie et lui donner une puissance en adéquation avec son formidable potentiel – ces leviers de commande ne se situent pas au niveau de l'Assemblée populaire nationale. La force et la puissance de l'Algérie de demain sont notre première et restent notre dernière préoccupation. Comment y parvenir ? Par l'instauration d'un Etat de citoyenneté. Nous en sommes convaincus aujourd'hui plus qu'hier. Quant au collectif, il continue à inscrire ses actions dans le moyen terme, en poursuivant ses périple à travers le territoire national à la rencontre de la société civile, en échangeant les idées autour du concept de citoyenneté, en enrichissant son projet par des données sociologiques et des repères historiques et enfin en préparant la structuration du mouvement. Par ailleurs le collectif continue à susciter un grand élan de solidarité ou de sympathie et à être sollicité pour des adhésions ou pour participer aux nombreux travaux que nous comptons lancer dans tous les domaines. C'est la raison pour laquelle nous sommes convaincus aujourd'hui plus qu'hier.
- Ces derniers temps le concept de «citoyenneté» est repris par beaucoup d'acteurs du paysage politique national. Qu'en pensez-vous ? Je ne pense que du bien. Lorsque dans un écrit publié en avril 2011 j'avais parlé d'une nécessaire mobilisation du peuple dans un mouvement national de citoyenneté pour la sauvegarde de l'Algérie, je ne savais pas que ce mot allait prendre une telle ampleur dans les débats politiques. Pour certains, il s'agit peut-être d'un concept à la mode, mais pour la majorité, je pense qu'il y a une prise de conscience et une réelle conviction que c'est le seul projet de société qui puisse rassembler le peuple algérien aujourd'hui extrêmement divisé. Je voudrais rappeler dans ce contexte le débat organisé il y a quelques jours par le quotidien El Watan Week-end sur le thème «rompre avec la violence, construire la citoyenneté» ou un des intervenants principaux a déclaré que «le combat aujourd'hui est celui de la citoyenneté et non de la démocratie formelle». Cela est parfaitement exact, il faut rompre avec la division des Algériens pour rompre avec la violence et rassembler le peuple autour de la citoyenneté pour réussir la construction d'un pays fort. Nous ne sommes donc pas dans l'erreur. Un Etat de citoyenneté est porteur de grandes espérances. Le concept de citoyenneté est un concept moderne, un projet de société qui n'est appliqué que dans quelques pays qui figurent parmi les plus prospères de la planète.
- Ce concept est-il applicable à l'Algérie ? Bien sûr, ce concept est applicable à notre pays, parce que la citoyenneté, qui fait appel à l'organisation associative locale, n'est pas en contradiction avec l'organisation traditionnelle de l'Algérie en milieu rural. Dans toute l'Algérie, sauf dans les milieux urbains pollués par la présence étrangère ou les systèmes importés, le principe des dj'maâ (assemblée des sages) s'apparentait plus à la citoyenneté moderne qu'aux organisations féodales de l'époque. (C'est le colonialisme qui a introduit le féodalisme en Algérie avec ses bachagha et qiad). C'est une organisation qui est encore présente dans la ruralité algérienne, notamment à travers les associations de village. C'est par exemple cet ancrage historique qui a toujours fait refuser à notre société l'hérédité politique. Notre mouvement s'inscrit par conséquent dans le prolongement des traditions algériennes du vivre ensemble avec, bien sûr, les ingrédients que le XXIe siècle impose : un Etat fort, émanation de la souveraineté du peuple avec des pouvoirs forts et responsables, une opposition forte et crédible, un système judiciaire indépendant des autres pouvoirs, une presse crédible écoutée et prise en compte et une société civile participative. Nous retrouvons des applications contemporaines de cette citoyenneté traditionnelle dans la communauté du M'zab. Les affaires sociales et économiques de la cité y sont gérées de façon harmonieuse avec des mécanismes idoines qui donnent le vrai sens à la souveraineté du peuple où chacun a un rôle et se sent concerné par les affaires publiques. Au centre géographique du pays, nous avons un modèle qui, généralisé et modernisé, ferait de l'Algérie une véritable école à l'échelle de la planète. Par ailleurs, tout le monde sait que la citoyenneté n'est pas en contradiction avec notre religion : le premier pacte de citoyenneté n'a-t-il pas été édicté par le Prophète (QSSSL) à son entrée à Médine ? Non seulement ce concept est applicable, mais il est absolument nécessaire et vital. Nécessaire et vital parce notre pays est menacé de l'extérieur dans son intégrité, il fait partie de la ligne des pays menacés par le morcellement de la Corne de l'Afrique à la Mauritanie. Nécessaire et vital parce que sa souveraineté est déjà largement entamée par la mondialisation conçue au profit du fort et aux dépens du faible. Pire que cela, dans toutes les relations politiques, diplomatiques et surtout économiques internationales, au lieu de jouer «gagnant- gagnant», notre pays a adopté la posture de perdantmême quand le partenaire est classé parmi les pays faibles. Ce concept est nécessaire parce qu'il faut tout faire pour quitter le domaine des pays en voie de sous développement. C'est une véritable lutte qu'il faut engager pour rassembler le peuple algérien pour l'intérêt de l'Algérie. Mais il s'agit d'une lutte juste et à ce titre, elle finira par triompher.
La lutte pour un état de citoyenneté est une lutte juste parce que : - Partout en Algérie le concept est accueilli avec espoir. L'idée a germé partout où elle a été semée. Les adversaires de la citoyenneté se recrutent essentiellement parmi ceux qui ont des intérêts mal acquis. - Le concept n'est pas en contradiction avec l'organisation traditionnelle de notre société - Le système en place a montré ses limites et nous sommes à la veille d'une discontinuité majeure porteuse de tous les périls et, seulement avec la citoyenneté, de tous les espoirs.
Yala Mohand-Tahar. Ex-commandant des forces navales Email :[email protected]