Le Maroc, qui occupe le Sahara occidental depuis 1975, vient de lancer un bien curieux appel à l'ONU. Si c'est bien la première fois que Rabat prend une telle initiative, c'est parce qu'il n'a jamais recouru à l'Organisation internationale, et l'autre fait majeur, c'est que son auteur a défié cette même organisation qui tente justement de rendre justice au peuple sahraoui. C'est pourtant bien cette formule qu'utilise le Maroc, en appelant l'ONU à lui «rendre justice» dans le dossier sahraoui. «Le dossier du Sahara est entre les mains du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, afin de rendre justice au Maroc et de redresser le processus de négociations», a ainsi affirmé le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi. Remarquons cette notion de Sahara comme si ce territoire avait porté un tel nom, alors même que l'ONU ainsi que l'ensemble de la communauté internationale parlent de Sahara occidental. Quant à l'affaire proprement dite, et à supposer qu'il y en ait réellement une, l'ONU n'étant nullement de cet avis, elle concerne le mandat de l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, depuis que le Maroc a décidé de lui retirer sa confiance. Pour avoir fait son travail, c'est-à-dire exploré les voies pouvant mener à l'application des résolutions de l'ONU prévoyant toutes l'exercice par le peuple du Sahara occidental de son droit à l'autodétermination. Bien entendu, le Maroc s'y oppose jusque dans l'appel qu'il vient d'adresser à l'ONU, en soulignant que sa décision concernant M. Ross «a été dictée par le devoir de défendre sa souveraineté nationale sur ses territoires», ajoutant même que le diplomate américain «ne réunit plus les conditions nécessaires lui permettant d'assurer le succès des négociations sur le Sahara». Une question qu'il est bien le seul à considérer comme telle, car en ce qui concerne M. Ross, aussi bien l'ONU que les Etats-Unis et d'autres capitales lui ont maintenu leur confiance, déjugeant ainsi Rabat. Quant à son rôle, il s'agit de mettre en œuvre le processus d'autodétermination du peuple sahraoui, pourtant approuvé par le royaume du Maroc dans l'accord conclu avec le Front Polisario, et endossé en 1990 par le Conseil de sécurité dans le cadre de la résolution 690. Depuis 1991, qui devait être l'année du référendum d'autodétermination du peuple sahraoui, le Maroc tente de se désengager de ce processus, l'ONU lui opposant une fin de non-recevoir. Plus que cela, l'ONU, par la voix de son conseiller juridique, rappelle les fondements de ce conflit et qualifie le Maroc de puissance occupante. Plus personne ne fait alors attention au reste, l'essentiel étant dit, et il est important que des organisations internationales se soient emparées de cette affaire, rappelant le Maroc à ses obligations, et même leurs pays respectifs, à aider un peuple à recouvrer ses droits nationaux, sinon à ne pas être les complices d'une injustice.