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Pour une évaluation du coût de l'isolationnisme «syrien» de l'Algérie
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Publié dans El Watan le 25 - 06 - 2012

La Banque mondiale a organisé à Rabat la semaine dernière son grand séminaire régional sur la transition et la gouvernance dans la zone Afrique du Nord. La Banque africaine de développement, BAD, a tenu au début du mois son assemblée générale annuelle à Arusha en Tanzanie. Le sommet Chine-Afrique de la coopération a eu lieu à Tunis il y a quinze jours. Les grands forums multilatéraux n'intéressent pas Alger. Qui n'en abrite aucun. Pourtant, l'Algérie est le premier bailleur de fonds de la région pour la Banque mondiale et la BAD. Et le chiffre d'affaires de la Chine chez le président Bouteflika est supérieur au total des revenus de Pékin dans l'ensemble de l'Afrique du Nord. Non, l'Algérie n'a pas besoin du monde et de ses institutions.
Il ne s'agit pas là de mouvements altermondialistes – le forum social maghrébin et a fortiori africain ne s'est jamais tenu en Algérie – ou d'une quelconque activité d'ONG critiques vis-à-vis des gouvernements. Encore non. Juste des institutions et des cadres internationaux les plus statutaires. Ou la quote-part de l'actionnaire algérien est très appréciée. Mais ou le retour sur investissement n'est jamais recherché par un gouvernement en marge du monde. Retour sur investissement ? Accueillir des forums tous azimuts, travaille l'image du pays. Elle est désastreuse en 2012. Vue de loin, l'Algérie est la Syrie du Maghreb.
Délais intemporels pour l'obtention des visas, filtrage sécuritaire digne de la guerre froide dans l'octroi du droit de venir parler dans un colloque en Algérie, tracas administratifs sans fin pour les organisateurs. Le syndrome n'est pas propre à la filière des conférences et autres symposiums internationaux à héberger en Algérie. Il a gagné le monde de l'entreprise. Celui où la réactivité est requise tous les jours. Sonatrach, elle-même, n'est pas épargnée par le grand retour de Big Brother.
Le premier groupe de la région a centralisé la fonction d'invitation à l'international auprès du cabinet du PDG. Un héritage de Nordine Cherouati, séquelle du déluge des affaires. Conséquence, si le directeur d'une unité du complexe d'Arzew veut organiser un cycle de formation sur les nouvelles techniques d'enlèvement du GNL à partir des docks de haute mer, il ne peut inviter aucun formateur de l'étranger. Pas avant que sa demande ne passe par une demi-douzaine d'instances avant d'atterrir au cabinet du PDG. Sans parler des rendez-vous commerciaux où les opportunités d'affaires se perdent.
L'accentuation de la mise sous tutelle sécuritaire du relationnel économique de l'Algérie avec le monde a un coût. Et pas seulement un coût d'image. Le gouvernement marocain a réussi à vendre durant les trois jours du séminaire de Rabat sur la gouvernance son programme de réformes institutionnelles aux présents. Sans l'air de rien. Redevabilité dans l'usage des budgets, transparence dans les transactions, lutte contre la corruption, déconcentration de l'administration publique, consultation des populations, politique citoyenne participative, approche «genderisée» des politiques publiques : leçons bien apprises sur tout le spectre des règles de bonne gouvernance. La réalité du terrain est bien sûr toujours une autre histoire. Elle est édulcorée dans les salons feutrés des palaces. Prévus pour cet usage. Car les coorganisateurs qui accueillent séminaires et colloques ont de fait une rente de situation. Leur point de vue officiel sera le mieux exposé. Dans le cas marocain, il rassure sur le long terme du pays. Sans l'air de rien. Dans la semaine l'avionneur Canadien Bombardier a annoncé son implantation au Maroc pour s'attaquer au marché régional. Les chéquiers dans la région ?
A Alger bien sûr. Le lobbying d'affaires dans les instances multilatérales est un travail d'orfèvre. Que l'âme spartiate de la gouvernance algérienne droguée à l'émanation d'hydrocarbures ne connaît pas. Le régime de Benali a même réussi à prolonger artificiellement le «miracle tunisien» de près d'une décennie rien qu'en vendant, dans les salles de conférences de Hammamet, des «Powerpoint» factices. Les officiels algériens vont très peu dans les forums. Et ne les reçoivent pas. Aucun besoin d'apprendre, de convaincre, de se comparer. L'isolement intellectuel et opérationnel dans lequel ils ont placé leur pays compte ses préjudices en jours-travail. La Banque africaine de développement (BAD) vient d'annuler une activité sur le renforcement des capacités des PME en Algérie pour une raison obscure.
En fait, pour la même raison que toujours. Alger décourage toute initiative d'ouverture, d'insertion dans les réseaux mondiaux des bonnes pratiques. La Tunisie révolutionnaire continue d'accueillir régulièrement un nombre de colloques, de séminaires et de forums sans commune mesure avec sa taille et son poids économique. La Libye s'apprête déjà à émerger sur ce créneau du rayonnement de la concertation multilatérale et civique. L'Algérie est une idée pure. Elle ne se mélange pas. Elle paye. C'est tout.


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