Les politiques d'expansion budgétaire et de soutien à la croissance par la dépense publique ont atteint leurs limites. L'inefficience des investissements de l'Etat met à mal l'équilibre budgétaire sans pour autant stimuler la croissance. La structure actuelle du budget et le niveau des dépenses, notamment des dépenses courantes au caractère incompressible, ne peuvent être soutenus que par un cours du baril supérieur à 110 ou 115 dollars. Tranchant avec l'optimisme béat qui habille d'usage la présentation annuelle de l'évolution économique et financière de l'Algérie, le panel de cadres de la Banque centrale, qui animait hier une conférence de presse, appelle à la prudence. Une prudence qui n'est pas le corollaire de pessimisme mais empreinte de réalisme. D'autant que l'épargne publique constituant les stocks du Fonds de régulation des recettes, doté de plus de 5300 milliards de dinars, est le bas de laine susceptible de supporter des déficits aussi importants que de celui de 2009 lors du retournement du marché pétrolier pendant encore au moins une décennie. Un argument qui éloigne le spectre de l'austérité au sens large du terme, mais qui laisse toute la place à un contrôle plus rigoureux de la dépense publique. D'ailleurs, Djamel Benbelkacem, directeur conseiller auprès de la Banque d'Algérie, a insisté hier sur le fait que la fragilité des équilibres budgétaires n'empêche en rien une diversification de l'économie stimulée par la dépense publique, pour peu que celle-ci soit ciblée et efficiente. C'est là justement le cœur du problème. Car si les premières années de la décennie ont été marquées par une expansion des dépenses d'équipement, on assiste depuis 2009 à l'inversement de la tendance. Depuis le choc pétrolier et ses conséquences en termes de creusement du déficit budgétaire, un tour de vis a été opéré grâce à «un contrôle plus rigoureux des dépenses liées aux programmes d'investissement publics». Les effets sur la croissance n'ont pas tardé à se faire sentir. La décélération dans le secteur du BTP et de la demande de l'administration publique couplée à la récession enregistrée dans le secteur des hydrocarbures induite par les politiques de désinvestissement sous l'ère Khelil ont engendré une baisse de la croissance globale. D'ailleurs, cela n'est que le reflet d'une économie dépendante des hydrocarbures de par la prédominance de l'énergie, des services marchands et des services de l'administration publique, l'industrie n'ayant qu'une part marginale dans le PIB. Une dépendance qui se reflète aussi au niveau de la couverture, à hauteur de 109%, des dépenses courantes par les recettes de la fiscalité pétrolière, lesquelles prennent une part prépondérante dans les recettes globales. Plus inquiétant, les recettes de la fiscalité ordinaire, qui se réduisent comme peau de chagrin du fait des la baisse continue des droits de douane et de l'élargissement de l'économie informelle, ne couvrent que 45,4% des dépenses de fonctionnement. Les responsables de la Banque d'Algérie n'ont pas non plus manqué de critiquer l'effet pervers de l'expansion budgétaire sur l'inflation. Ils expliquent ainsi l'accélération du rythme de l'inflation par l'association de plusieurs éléments : l'expansion budgétaire, la hausse des salaires et, par ricochet, de la demande dans un contexte de faible productivité, en plus des effets de l'inflation importée induite par la hausse des cours des produits de base sur les marchés mondiaux.