Le rapport de 2011 sur l'évolution économique et monétaire en Algérie, dont les grands axes ont été communiqués dimanche dernier par les responsables de la Banque d'Algérie, est venu rendre clairs les éléments ayant entraîné la poussée inflationniste connue durant l'exercice écoulé. Le mouvement ascendant des prix s'est vérifié durant les cinq premiers mois de 2012, puisque l'indice des prix à la consommation a connu, d'après la dernière livraison statistique de l'ONS, une forte hausse estimée à 9,4% de janvier à mai 2012, comparé à la même période en 2011. Dans le rapport de 2011 de la Banque d'Algérie, il est surtout mentionné que la forte croissance de la masse monétaire, la hausse – parfois à deux chiffres – des salaires, le défaut de concurrence des marchés ainsi que l'élasticité des importations étaient en somme à l'origine de cette tension inflationniste dans laquelle s'était empêtré le pays en 2011. Précision : les enquêtes menées par la plus haute autorité monétaire ont abouti à la conclusion selon laquelle 63% de l'inflation est expliquée par l'expansion monétaire. Les mouvements du taux de change effectif nominal sont à l'origine de 7% de la hausse des prix ressentie en 2011, tandis que l'inflation importée contribue à hauteur de 21% et la hausse des prix à la production industrielle agroalimentaire intervient pour 9% de l'inflation totale. Ces facteurs, à l'origine de la hausse du taux d'inflation, ne sont aucunement élucidés par le dernier rapport de l'ONS sur l'inflation. L'organisme officiel de l'information statistique se contente, comme à l'accoutumée, de prendre les raccourcis de facteurs conjoncturels, dont l'augmentation sur le marché mondial de certaines denrées. Les facteurs fondamentaux qui, eux, créent une tendance qui dure sont souvent mis à l'écart par les calculettes de l'ONS. Appelé par nos soins au besoin de démystifier le contenu de la dernière note statistique de l'ONS, Liès Kerrar, président du cabinet d'expertise financière Humilis, a estimé que «le chiffre de 6,9% cité dans la dépêche APS qui a répercuté le rapport de l'ONS ne correspond pas à l'inflation. D'abord il concerne Alger et non toute l'Algérie». En outre, Liès Kerrar nous explique qu'«à fin mai 2012, l'inflation nationale annuelle, c'est-à-dire les variations des prix entre mai 2011 et mai 2012, est de 9,3%. Cela veut dire, qu'à la fin mai, les prix, selon l'indice calculé par l'ONS, étaient plus élevés de 9,3% par rapport à la même date l'année précédente». Décidément, les écarts ne sont aucunement des moindres et les non-dits du rapport de l'ONS dissimulent certaines autres difficultés de l'économie algérienne. Si l'on s'amuse à calculer le niveau de l'inflation par un recours au raisonnement mathématique le plus simple en la matière, c'est-à-dire comparer le niveau des prix par rapport au même mois de l'année précédente, il ressort ainsi que l'inflation se situe dans une fourchette comprise entre 9 et 12% depuis janvier 2012. En 2011, elle se situait, d'après les explications du président de Humilis Finances, dans une fourchette de 4 à 8%. «Après avoir connu près d'une décennie (jusqu'à 2009) d'inflation affichée contenue en dessous de 5%, celle-ci a dépassé pour la première fois 10% cette année», précise encore notre interlocuteur. Pour revenir aux facteurs fondamentaux qui sont à l'origine de cette progression ascendante du taux d'inflation, le gouvernement a contribué, par certaines de ses mesures, à la hausse de l'inflation par les coûts. «Une série de mesures ont augmenté le coût des importations, que ce soient les frais supplémentaires directs relatifs au crédit documentaire (0,4 à 1,3%), la taxe à l'importation des services (3%) ou ceux liés aux autres démarches relatives à l'importation (certificat de conformité par exemple) ainsi que l'augmentation induite du besoin de fonds de roulement. Compte tenu de la part importante des importations, cette augmentation des coûts à l'importation a eu un effet domino sur les coûts et les marges des produits et services locaux», dira Liès Kerrar. En outre, la masse monétaire, qui a augmenté de 24% en 2011 – beaucoup plus que l'augmentation des richesses du pays – n'a fait qu'aggraver les dégâts. «C'est le résultat de la hausse des salaires et des autres transferts sans lien avec l'augmentation de productivité», commente M. Kerrar. C'est dire que le rapport de l'ONS n'est, tout compte fait, qu'un tableau de bord privé des voyants les plus primordiaux au fonctionnement de l'économie.