Le Ramadhan arrive. Les ménages algériens doivent subir, l'espace d'un mois, les conséquences de la hausse vertigineuse des prix des produits alimentaires pour satisfaire les «caprices gastronomiques» de la famille. En l'absence d'une politique de régulation et de protection des consommateurs, les chefs de famille se retrouvent, cette année encore, livrés à eux-mêmes. Petit aperçu de l'épreuve que doivent subir les ménages. Courgettes, carottes, pommes de terre, tomates, oignons, viande… sont des ingrédients indispensables pour la «confection» de la table du f'tour durant le mois de Ramadhan. A une dizaine de jours de ce rendez-vous annuel, l'acquisition de ces produits est la bête noire des chefs de famille qui sont déjà à la recherche d'un plan de secours pour échapper aux hausses vertigineuses des prix. Des légumes de saison sont affichés deux fois plus chers qu'ils ne l'étaient il y a quelques jours. La courgette, qui était cédée à 40 DA, est passée à 70 et 80 DA/kg dans la plupart des marchés de la capitale. La carotte dépasse les 90DA/kg au niveau des marchés réputés être les moins chers d'Alger. Les poivrons sont à 120 DA/kg, les haricots verts sont proposés entre 110 et 150 DA/kg, selon la fraîcheur du légume. Seul le prix de la tomate est resté «raisonnable» à 35 DA/kg. Comme de coutume, les prix connaissent une envolée «sans raison» à la veille du Ramadhan. «Si durant des années, on nous ressasse des arguments relatifs au climat et à l'indisponibilité des produits, il n'y a rien qui justifie aujourd'hui cette flambée. Les prix sont passés du simple au double, voire au triple. Ce sont pourtant des légumes de saison», s'indigne un père de famille. Les fruits restent hors de portée à part la pastèque qui est à 35 DA/kg, les autres fruits de saison sont inaccessibles pour les familles à revenus moyens. Les chefs de famille se contentent de contempler les belles pêches, bien parfumées mais hors de portée à 120 Da/kg, les prunes à 160DA/180DA et les bananes qui ont repris leur tendance haussière. Après une «chute» de leur prix, ayant atteint 100 DA, mais cela n'a pas duré longtemps, les voilà de nouveau à plus de 130 DA/kg. Le melon est également hors de portée, la variété la moins chère dépasse 150 DA/kg. Le kilo de pois chiches est à 270 DA/kg, la viande rouge à 1200 DA/kg, le poulet à 350 DA/kg, en moyenne au niveau des marchés de proximité. En attendant un miracle… C'est devenu une habitude depuis quelques années, les prix s'envolent à l'approche du mois sacré. Les ménages s'attendent donc à une saignée et essayent de trouver le moyen d'amortir le choc. Tiraillés entre la nécessité de fournir les produits nécessaires pour la préparation d'un repas «équilibré» pour la famille comme le veut la tradition, et l'appétit insatiable des teneurs des ficelles du marché, les ménages sont donc la seule victime. Le gouvernement assiste, inerte, indifférent et démissionnaire face à cette saignée. «Comme chaque année, les responsables vont nous annoncer des chiffres concernant les budgets dépensés pour le couffin de Ramadhan. Ils vont nous embobiner avec des promesses de plafonner les prix de certains produits, histoire de calmer les tensions, mais une fois le mois de piété passé, tout le monde oublie, et l'année d'après, on recommence.» C'est ainsi que décrit une mère de famille la gestion par les pouvoirs publics des problèmes liés à l'anarchie du marché. «Il faudrait un miracle pour que le marché algérien soit aux normes, c'est-à-dire obéissant uniquement aux règles de l'offre et de la demande», soutient un jeune commerçant. Les représentants des commerçants pointent du doigt «l'absence d'une volonté politique» pour la régulation du marché.L'impuissance du gouvernement face au marché informel renseigne sur le long chemin que l'Algérien doit encore parcourir, avant de pouvoir rompre avec les pratiques maffieuses, dont les conséquences sont néfastes sur le budget des ménages. Depuis le recul concernant l'utilisation du chèque et l'annulation de l'obligation de facture pour les transactions commerciales, au lendemain des émeutes de janvier 2011, aucune décision n'a été prise pour renforcer la régulation. C'est l'anarchie totale, tous les espaces publics sont squattés, les villes étouffent sous l'informel et «le gouvernement est en vacances», fait remarquer un père de famille, hésitant à demander 3 kilos de pommes de terre. L'UGCAA a pointé du doigt l'insuffisance de marchés de proximité, encourageant les pratiques informelles et l'absence de rigueur concernant la traçabilité des produits, engendrant la multiplication des mandataires et autres intervenants, avec davantage de marges bénéficiaires avant que le produit n'atterrisse chez les détaillants. Le Ramadhan en milliards L'UGCAA a réalisé une étude du marché et consommation durant le mois de Ramadhan. Cette étude a été réalisée sur la base de réponses fournies par un échantillon de commerçants installés dans plusieurs wilayas et les statistiques concernant les ventes durant le mois sacré des années précédentes, explique M. Boulenouar, porte-parole de l'UGCAA. Une hausse de 20% est attendue pour les fruits et légumes et certains autres produits de large consommation, dont les prix sont libres, et ce, lors de la première semaine de Ramadhan. Le retour à la normale se fera progressivement à partir de la deuxième dizaine du mois sacré. Selon cette étude, les Algériens consommeront 1,2 milliard de baguettes de pain, ce qui représente 11 milliards de dinars. Pour le lait, le volume de consommation atteindra 120 millions de litres, soit 3 milliards de dinars. La consommation de viandes avoisinera les 70 000 tonnes, soit 70 milliards de dinars, et 500 millions d'œufs (4,5 milliards de dinars), selon la même source. L'UGCAA prévoit aussi une consommation de 50 millions de kilos de dattes pour une valeur de 25 milliards de dinars, et deux millions de quintaux de pomme de terre, pour 10 milliards de dinars. Mais 5% des quantités achetées iront à la poubelle ; selon l'étude de l'UGCAA, 50 millions de baguettes de pain seront jetées…