«Pour moi, c'était un choix délibéré. J'étais chômeur, j'avais besoin d'argent pour aider ma famille et aussi par amour pour ma patrie.» Akli avait 24 ans quand il a pris la décision de combattre les terroristes islamistes ayant fait de Bouira un des fiefs du GIA. La wilaya regroupe 98 détachements avec un effectif dépassant les 3900 éléments. Natif du village de Mergueb, dans la commune de Aïn Turk, à 7 km à l'ouest de Bouira, Akli a rejoint les gardes communaux après avoir bouclé deux années du service national dans le sud du pays. De retour de la grande marche organisée par des milliers de gardes communaux à Alger, lundi dernier, il nous confie ne rien regretter. «Même sans contrepartie, je continuerai à lutter contre les terroristes. Comment ne pas prendre des armes alors que ces sanguinaires ont assassiné onze personnes de mon village natal dans une embuscade qui leur a été tendue à 6h du matin, il y a plus de dix ans.» Avec un salaire ne dépassant pas les 20 000 DA, Akli est toujours célibataire. «La seule chose dont j'ai bénéficié de l'Etat algérien, qui continue encore d'ignorer nos droits, était une aide financière dans le cadre de l'habitat rural. J'ai bénéficié des 700 000 DA, mais mon logement n'est pas encore fini, les matériaux de construction coûtent très cher. J'ai huit membres de ma famille à charge. Quand j'ai décidé de rejoindre la garde communale, ma mère s'était opposée à cette idée. Elle m'a toujours conseillé de tout abandonner et de partir vivre ailleurs. Mais c'était un choix pour moi et pour mon pays», répète-t-il avec plus de détermination. Illettrés Arezki, un autre garde communal. Il a été obligé de déposer sa démission en 2007, après avoir passé 5 ans dans le détachement de la garde communale de Saïd Abid, dans la commune de Aïn Lahdjar. «Quand j'ai déposé mon dossier de recrutement à la délégation de la garde communale de Bouira, le délégué avait vérifié une seule pièce, celle relative au service national. Les autres pièces ont été négligées, puisqu'ils avaient besoin de ceux qui maîtrisaient les manœuvres des armes, que ce soit des gens instruits ou bien des illettrés.» Il a été obligé de démissionner par crainte de poursuites judiciaires parce qu'une commission a été dépêchée d'Alger pour procéder à la vérification des dossiers de gardes communaux. «J'avoue que j'ai falsifié un certificat de scolarité durant cette période, mais je n'ai pas voulu finir en prison, j'ai déposé ma démission», avoue Arezki, avec regret et qui se retrouve maintenant manœuvre dans un chantier de bâtiment. Madjid, âgé de 41 ans, vient de Boumenezel, dans la commune d'Ath Laksar, au sud de Bouira. Il a rejoint la garde communale le 1er juillet 1998. Ratissages «Avant, j'étais en stage dans les rangs de la police, mais j'ai été obligé de l'abandonner pour des raisons familiales», évoque Madjid. Après quelques années au chômage, il décide de rejoindre le détachement de Saïd Abid dans la commune de Aïn Lahdjar. «C'est avec un extrait de naissance que j'ai été recruté comme garde communal avant qu'on exige de moi de compléter mon dossier après plusieurs années de service.» A l'instar des autres éléments, Madjid participait à des opérations de ratissage, d'embuscades, des perquisitions et des barrages fixes de la gendarmerie et de l'ANP. « J'ai participé à des opérations de ratissage réussies. Je me souviens qu'en 1999, nous avions même escorté de hauts responsables, y compris le wali de Bouira. Ils (les autorités, ndlr) préféraient l'escorte de la garde communale à celle des gendarmes, puisque nous, nous connaissons mieux la région.» Contrairement aux miliaires, les gardes communaux passaient des jours et des nuits dans les maquis, dans des opérations de ratissage à Tikjda, Tamelhat, Zbarbar et autres régions. En guise de repas : une seule baguette de pain et un sachet de lait. Boualem avait 43 ans lorsqu'il a rejoint les rangs de la garde communale dès le début de sa création en 1994 dans la commune d'Ath Laâziz, au nord de Bouira. «Nous étions 24 au début et nous sommes passés progressivement à 43.» Indemnités C'est dans les maquis de Tizi Oudjaboub que les collègues de Boualem menaient leurs opérations de ratissage, encadrés par des officiers de l'ANP. Aujourd'hui, les gardes communaux ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas mieux considérés. Fateh Bouamriren fait partie des gardes communaux victimes d'accident de travail. «Ils m'ont tout bonnement licencié de mon poste et je perçois actuellement une indemnité de 11 000 DA», raconte-t-il. D'autres agents partis en retraite vivent aussi dans la précarité. Leurs indemnités ne dépassent pas les 18 000 DA. Depuis l'an dernier, plus de dix mouvements de protestation ont été enregistrés dans plusieurs régions du pays, notamment à Alger et Bouira. «Ils veulent rayer notre dossier, mais continuerons notre combat jusqu'au bout. Hier, nous étions face à un terrorisme islamiste et maintenant face à un terrorisme administratif !», s'emporte le délégué national Aliouat Lahlou, un des membres actifs de ce mouvement. «J'étais volontaire, c'est vrai. Mais le pays était en crise, et il fallait les armes pour combattre les hordes sanguinaires et protéger le pays, résume Slimane, représentant de la garde communale de Bouira, 35 ans, universitaire (bac+3). C'était aussi de l'autodéfense, nous avons fait le travail du gendarme et du militaire, nous étions une force auxiliaire à toutes les forces de sécurité. Aujourd'hui, alors que la paix est revenue, tout le monde a obtenu des droits. Je réclame aussi les miens.»