Les combats coïncident avec le 12e anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Bachar Al Assad, après le décès de son père. Alors que l'émissaire de l'ONU, Kofi Annan, s'est dit hier convaincu que la situation en Syrie avait désormais atteint un «point critique», les opposants au régime de Bachar Al Assad ont annoncé au même moment le début de «la bataille pour la libération de Damas». Depuis dimanche soir, les combats dans la capitale syrienne, qualifiés par l'opposition de «tournant» dans la révolte lancée au mois de mars 2011, se déroulent dans plusieurs quartiers, notamment à Midane. Les rebelles avaient, en tout cas, annoncé lundi soir qu'ils contrôlaient ce secteur de Damas ainsi que celui de Tadamoun. Ces combats coïncident avec le 12e anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Bachar Al Assad, après le décès de son père. Preuve probablement que le régime en place est en train de faire face à une forte pression dans son propre fief, Bachar Al Assad a ordonné qu'une partie des troupes régulières, actuellement stationnées dans le Golan (près d'Israël), soit rappelée en renforts à Damas et dans les villes de l'intérieur du pays pour mater la rébellion. L'information a été confirmée, hier, par les services secrets israéliens qui guettent la région comme l'on surveillerait du lait sur le feu. Le chef du renseignement militaire israélien, le général Aviv Kochavi, a relevé en outre une «irakisation» du pays, avec sa fragmentation en secteurs contrôlés par différents groupes militaires ou tribaux, et «un afflux de militants d'Al Qaîda et du Djihad mondial vers la Syrie». Le régime ne «survivra pas», a estimé encore le général Kochavi, sans avancer d'échéance, ajoutant que ses alliés, «le Hezbollah et l'Iran, se préparaient aux suites de la chute d' Al Assad». Damas rappelle ses troupes stationnées dans le Golan Du côté de la rébellion, on se montre aussi plus optimiste que jamais. «Nous avons transféré la bataille de la province à la capitale. Nous avons un plan clair pour contrôler tout Damas», affirme le colonel Kassem Saadeddine, porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL) en Syrie. «Attendez-vous à des surprises», avertit-il. Composée essentiellement de déserteurs et de civils armés et ne disposant que d'armes légères, l'ASL sait cependant, au regard surtout de la puissance de feu dont dispose encore l'armée régulière, qu'il ne sera pas facile de déloger Bachar Al Assad. Le commandant de l'ASL s'attend, ainsi, à ce que le pouvoir syrien use de tous les moyens pour écraser la rébellion. Des hélicoptères sont d'ailleurs entrés, hier, pour la première fois en action, mitraillant des quartiers hostiles au régime. Un responsable militaire à Damas a, de son côté, tenté de minimiser les faits. Il a affirmé à la presse internationale que l'armée «contrôlait la situation et pourchassait les terroristes réfugiés dans des appartements et des mosquées» de quartiers de Damas. L'armée, soutient une autre source militaire, est entrée à Midane et encercle la mosquée Zine Al Abidine. Elle a donné un ultimatum aux habitants de quitter les lieux avant un assaut imminent. Les soldats seraient aussi entrés avant l'aube à Tadamoun (sud), où restent encore «quelques poches de résistance». Dans le reste du pays, l'ASL mène des attaques systématiques de tous les postes de contrôle du pays, afin de paralyser l'armée du régime et de provoquer de nouvelles défections. Ce plan basé sur le harcèlement des troupes régulières connaît visiblement déjà quelques succès, puisqu'un général et de nombreux autres officiers et soldats ont fait défection et sont passés en Turquie lundi dernier. Le rythme des arrivées sur le sol turc de réfugiés fuyant le conflit s'est, aussi, accentué. Selon un diplomate turc, cela porte à 18 le nombre de défections de généraux en Turquie depuis mars 2011.Le dernier bilan de réfugiés, annoncé samedi dernier par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, était de 40 000 environ. Russes et Occidentaux au seuil d'une confrontation aiguë Sur le front diplomatique, l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, Kofi Annan, s'est entretenu durant la journée d'hier avec le président Vladimir Poutine, qui lui a assuré en retour que la Russie allait «tout faire» pour soutenir ses efforts. «Depuis le tout début, depuis les premières mesures, nous soutenons et continuons de soutenir vos efforts visant à rétablir la paix civile», a-t-il ajouté. Moscou, qui a déjà bloqué deux résolutions occidentales contraignantes envers la Syrie depuis le début en mars 2011 du conflit, a de nouveau empêché, avec Pékin, lundi dernier au Conseil de Sécurité, toute condamnation du gouvernement syrien, notamment pour le massacre de Treimsa. Ce blocage fait, d'ailleurs, que Russes et Occidentaux sont aujourd'hui au seuil d'une confrontation aiguë sur la Syrie, un sujet sur lequel le Kremlin a fixé à ses diplomates une ligne dure, a estimé hier la presse russe. «La Russie et l'Occident sont au seuil d'une confrontation aiguë sur la Syrie», écrit le quotidien Kommersant. «Selon nos informations, c'est le Kremlin avant tout qui insiste pour une ligne dure sur la Syrie», écrit encore ce journal. «A la veille des entretiens entre l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe, Kofi Annan, et le président Vladimir Poutine, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a fait une série de déclarations d'une dureté sans précédent», rappelle Kommersant. M. Lavrov a accusé les Occidentaux de «chantage» et répété le refus de Moscou de toute ingérence pouvant chasser Bachar Al Assad, arguant du droit international, rappelle le journal. Kommersant affirme que, lors d'une réunion la semaine dernière avec les diplomates russes, Vladimir Poutine leur a ordonné de «défendre le droit international, quoi qu'il en coûte». La difficulté, justement, de la communauté internationale à s'entendre sur une sortie de crise a pour effet d'exposer la Syrie aux pires scénarios.