C'est la première fois dans l'histoire que les colonisés offrent la nationalité et tous les droits aux anciens colonisateurs (référence faite à la déclaration du 1er Novembre et aux résolutions du Congrès de la Soummam)», déclare Pierre Chaulet dans le film Ils ont rejoint le front, du réalisateur français Jean Asselmeyer mettant, par ailleurs, en avant le rôle joué par Abane Ramdane dans l'unification des rangs de toutes les tendances politiques du mouvement national autour d'un objectif commun : l'indépendance du pays. Ce film, projeté samedi à la Cinémathèque d'Oran, a suscité un débat animé par le réalisateur lui-même. Comme Pierre Chaulet, d'autres Algériens issus de la communauté européenne ont préféré se battre du côté des Algériens autochtones. Ce n'était pas la majorité de la communauté dite «pied-noir» qui s'est engagée, mais pour certains d'entre eux la question du choix du camp auquel il fallait adhérer au lendemain du déclenchement de l'insurrection du 1er Novembre ne se posait même pas. Il y en a même qui ont payé de leur vie cet engagement, à l'exemple du mathématicien, Fernand Yveton (guillotiné), ou Henry Maillot, qui a déserté avec un chargement d'armes au profit de l'Armée de libération nationale et auxquels le film rend hommage. «Ce n'était pas une guerre religieuse ni une guerre ethnique, mais une bataille contre l'injustice et la colonisation», explique le réalisateur pour mieux situer ses motivations de cinéaste. «Je ne suis pas pied-noir, je n'ai pas été appelé au moment de la guerre d'Algérie (même si plus tard j'ai refusé de faire mon service militaire), mais c'est pour rendre hommage à tous ces gens, qui contre l'avis dominant de leur communauté, ont préféré être du côté des justes, que j'ai fait ce film», ajoute Jean Asselmeyer qui s'intéresse également au présent en donnant la parole à l'association d'amitié France-El Djazaïr, représentée par son président, Bernard Deschamps, un message pour une relation saine et un partenariat équitable entre les deux pays. A noter que cette association est née au lendemain de la promulgation de loi française de février 2005 et la vague de protestations qui s'en est suivie au sujet du prétendu rôle positif de la colonisation. L'engagement des «Européens» en faveur de l'indépendance est parfois motivé par des considérations idéologiques comme ceux du Parti communiste algérien et ses Combattants de la libération (CDL), qui ont rejoint le FLN, mais aussi pour des considérations humaines, comme en atteste le témoignage émouvant d'Annie Steiner. Loin de toute considération partisane, elle ne cesse pas de répéter : «J'ai toujours été du côté des humiliés.» Elle n'a pas la double nationalité (comprendre qu'elle n'a que l'algérienne) et quand on lui pose la question : «Durant les années difficiles de la décennie noire, avez-vous pensé à quitter le pays, avez-vous eu peur ?», elle répond : «Nous avions tous eu peur... mais jamais je n'ai pensé à quitter mon pays.» La caméra du cinéaste s'est longuement attardée à Belcourt, un quartier d'Alger, un des fiefs du mouvement national pour discuter avec des anciens militants, notamment autour de Felix Colozzi, un fidaï, ancien syndicaliste. «Au mois de mai 1956, le lieutenant Allouache est venu nous voir pour intégrer les combattants de la libération, on a formé le groupe du Champ de manœuvres avec Guerroudj, Faroudjia, Castel et d'autres», devait-il déclarer dans un entretien accordé précédemment (février 2010) à El Watan avant de raconter les affres de la prison et les tortures qu'il a subies plus tard. La Révolution algérienne a eu un retentissement international, en témoigne l'adhésion de militants de contrées improbables, bien mise en évidence dans le film, comme l'Argentin Roberto Muniz de la gauche péroniste. Aujourd'hui Algérien à part entière, il a d'abord organisé des actions pour faire connaître la cause algérienne dans son pays d'origine, avant de rejoindre la lutte et débarquer au Maroc pour devenir, en sa qualité d'ajusteur métallurgiste, fabricant d'armes pour le compte de l'ALN. Dans le camp où il était, il y avait aussi des révolutionnaires de plusieurs autres nationalités : Hollande, Grèce, Chypre, Allemagne, etc. Le mot de la fin est donné à Frantz Fanon par le biais d'une citation de ce grand théoricien de la décolonisation. Un film pour la mémoire qui, sans prétention, contribue à une meilleure connaissance de l'histoire appelée à être continuellement enrichie.