Ragaillardi par le veto mis, jeudi, par la Russie et la Chine, à une résolution occidentale le menaçant de nouvelles sanctions, le régime syrien a lancé ces dernières heures une vaste offensive pour reprendre les quartiers de Damas contrôlés par les rebelles et venger les quatre hauts responsables de son appareil sécuritaire tués mercredi dans la capitale dans un attentat kamikaze revendiqué par l'Armée syrienne libre (ASL). Une opération similaire a été lancée à Alep, deuxième ville du pays, où les rebelles occupent de nombreuses positions. De violents combats ont éclaté dans plusieurs quartiers de la ville, les premiers du genre. Il s'agit d'un deuxième front qui semble s'ouvrir dans ce conflit décrit désormais comme une «guerre civile». Bachar Al Assad a assuré qu'il ne reculera devant rien pour prouver qu'il reste encore le maître des lieux, quitte à réduire une partie de Damas en cendres. Touchées au cœur, les autorités syriennes avaient déjà prévenu jeudi que les combats «se poursuivraient jusqu'à l'anéantissement à Damas des ‘terroristes' (rebelles, ndlr)». «Jusqu'à présent, l'armée avait fait preuve de retenue, mais depuis l'attentat, elle est décidée à utiliser toutes les armes en sa possession pour en finir avec les terroristes», avaient-elles ajouté en allusion à l'attentat de mercredi contre le cercle rapproché du président Bachar Al Assad dans lequel ont péri quatre de ses plus proches collaborateurs. Le chef de la Sécurité nationale syrienne, Hicham Ikhtiar, blessé mercredi dans cet attentat, a fini, en effet, par succomber hier à ses blessures. Malgré l'escalade, le président Bachar Al Assad ne semble pas prêt à céder le pouvoir, aux mains de sa famille depuis 40 ans. La télévision d'Etat a ainsi rapidement démenti des propos attribués à l'ambassadeur russe à Paris selon lesquels il accepterait de partir «de manière civilisée». 300 morts en 24 heures Après de violents combats, l'armée a repris hier à l'aube le contrôle du quartier de Midan. Les quartiers de Barzé (nord-est) et de Jobar (est de Damas) ont été également intensivement bombardés par l'artillerie lourde et des tirs d'obus de mortier. Une offensive d'envergure était également est en cours à Kafar Soussé. La journée d'hier a été particulièrement sanglante. Plus de 300 personnes, en majorité des civils, ont péri jeudi dans la répression et les combats qui font rage à travers la Syrie, le bilan le plus lourd en 16 mois de révolte, selon un décompte de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) publié hier. Au moins 139 civils, 98 soldats et 65 rebelles ont été tués, selon cette ONG basée en Grande-Bretagne. «Il s'agit du bilan le plus lourd depuis le début de la révolte, que ce soit pour les civils, les rebelles ou les soldats», a indiqué à la presse Rami Abdel Rahmane, président de l'OSDH. Le bilan le plus élevé a été enregistré à Damas et sa province avec notamment 47 civils et 23 rebelles tués. Parallèlement à la contre-offensive, la télévision syrienne a mis en place une stratégie de propagande pour saper le moral des rebelles. Durant le gros de la journée d'hier, elle a diffusé des images de centaines de prisonniers menottés, accroupis, tête tournée vers le mur, ainsi que des stocks d'armes : kalachnikovs, mitrailleuses lourdes et lance-roquettes. Auparavant, la télévision d'Etat avait montré les corps ensanglantés d'hommes munis de kalachnikovs dans le quartier de Qaboun, dans l'est de la capitale syrienne. De crainte d'être pris en étau par les combats, des milliers syriens fuient leur pays. La porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU a déclaré hier à Genève, lors d'un point presse, que près 30 000 d'entre eux ont fui au Liban durant les dernières 48 heures. «Des milliers de Syriens ont traversé la frontière du Liban hier. Selon les informations, ils sont entre 8500 à 30 000 qui ont passé cette frontière au cours des dernières 48 heures», a-t-elle déclaré. «Les Syriens fuient aussi vers la Turquie, la Jordanie, l'Irak, mais il y a un véritable exode vers le Liban», a-t-elle ajouté. La semaine dernière, le HCR estimait à 1 million les personnes déplacées à l'intérieur du pays depuis l'éclatement du conflit. Le HCR a par ailleurs fait part de son inquiétude concernant les réfugiés irakiens vivant à Damas. La bataille s'envenime entre Russes et Occidentaux Malgré un imposant déploiement de forces dans les grandes villes, quelques dizaines d'opposants ont bravé la peur pour sortir dans la rue à Damas et à Alep après la prière du vendredi pour dénoncer Bachar Al Assad et son régime. «Des manifestants sont sortis de plusieurs mosquées à Midane» à Damas, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Selon Rami Abdel Rahmane, président de l'OSDH, il s'agissait de manifestations courtes et de faible ampleur. Les forces de l'ordre ont, par contre, ouvert le feu sur eux à Alep, selon une ONG. Le slogan des manifestants était «Le Ramadhan de la victoire sera écrit à Damas», en allusion à la «bataille de libération» de la capitale syrienne lancée en début de semaine par les rebelles. Au plan diplomatique, la bataille s'envenime entre Russes et Occidentaux qui veulent son départ, avec un nouveau projet de résolution sur le sort de la mission d'observation de l'ONU dont le mandat a expiré hier. «Nous soutiendrons (ce projet) dans la mesure où nous avons participé à sa réalisation avec les Pakistanais», a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov. L'autre projet, présenté par Londres, prolonge de 30 jours la mission d'observation, mais précise qu'ensuite elle ne pourra être prolongée que si le régime retire ses armes lourdes. Pour momentanément contourner l'écueil russe et chinois et donner l'impression qu'elle ne reste pas les bras croisés, l'Union européenne va examiner dès lundi de nouvelles sanctions contre le régime Al Assad, dont le renforcement de l'embargo sur les armes. Cette résolution ne devrait toutefois pas influer sur le cours des événements, puisque les alliés de Bachar Al Assad que sont la Russie et la Chine, l'ignoreront encore superbement.