Après avoir échoué, la semaine dernière, dans leur tentative de prendre Damas, les opposants au régime de Bachar Al Assad ont annoncé, hier, le début de «la bataille pour la libération» d'Alep. Pour rallier à leur cause les habitants de la deuxième ville de Syrie, les chefs de l'Armée syrienne libre (ASL) se sont engagés à protéger les minorités, notamment chrétiennes et alaouites, dont est issu Bachar Al Assad. Cantonnées dans une attitude attentiste, les minorités chrétiennes, kurdes et alaouites hésitent encore à s'engager avec l'opposition. Dans une vidéo postée sur YouTube, le colonel Abdel Jabbar Al Okaidi, commandant du conseil militaire de l'ASL pour la province d'Alep (nord), a proclamé «le lancement de l'opération visant à libérer Alep des mains tachées de sang de la clique d'Al Assad». Il a assuré que l'ASL s'engageait à «protéger les civils», notamment «les minorités» (chrétiens, Arméniens, Assyriens, Kurdes, alaouites, chiites et autres) dans cette province. Des combats opposent depuis vendredi, dans cette ville, les forces loyalistes aux insurgés de l'ASL qui ont notamment pris le contrôle du quartier de Salaheddine. Dans la capitale syrienne, où les unités de l'armée ont regagné du terrain vendredi à la faveur d'une contre-offensive, les affrontements violents se concentrent surtout dans les quartiers de Barzé (nord-est), Roukneddine (nord) et Mazzé (ouest), selon des témoignages d'opposants. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), l'armée a déployé des chars dans Barzé où deux hélicoptères sont entrés en action. Rumeurs et propagande L'agence officielle Sana a, quant à elle, annoncé que les troupes régulières avaient «nettoyé» le quartier de Qaboune (est) et tué ou arrêté un grand nombre de «terroristes» – appellation adoptée par les autorités, qui ne reconnaissent pas le mouvement de contestation, pour désigner les rebelles et opposants. La télévision publique a, par contre, démenti des bombardements d'hélicoptères à Damas : «Ceci est totalement infondé, la situation à Damas est normale, mais les forces de l'ordre poursuivent les terroristes dans certaines rues de la capitale avec la coopération des habitants.» Dans le centre de Damas, où la circulation était fluide, les agents de sécurité ont intensifié leur présence, inspectant les voitures et contrôlant les identités, selon des habitants. La même source avance que la population a du mal à se ravitailler. Malgré qu'il ne semble pas encore avoir dit son dernier mot, le pouvoir du président Bachar Al Assad apparaît néanmoins grandement fragilisé après les violents combats à Damas et la mort de quatre de ses proches collaborateurs. De nombreuses défections sont également signalées dans son appareil sécuritaire. La diplomatie turque a annoncé hier la désertion d'un 25e général syrien. Par ailleurs, il s'avère de plus en plus que l'attentat perpétré mercredi dernier à Damas contre le siège de la sécurité syrienne aurait été, selon les quotidiens Al Akhbar et Al Quds, préparé par des services étrangers, turcs ou jordaniens, qui ont réussi à retourner un proche collaborateur du patron des services syriens. La guerre de l'ombre bat son plein Comme dans le cas de la Libye il y a un an, le travail de «l'ombre» destiné à faire chuter Bachar Al Assad et son régime devrait ainsi aller en s'amplifiant. L'hypothèse est d'autant plus probable depuis l'annonce par les Américains de leur décision de commencer à travailler «hors ONU».Dans le même ordre d'idées, le gouvernement français a appelé samedi l'opposition à se préparer à diriger la Syrie. La guerre est donc ouverte sur tous les fronts. En plus des batailles engagées pour la prise des grandes villes syriennes, les frontières de la Syrie avec l'Irak et la Turquie sont devenues l'objet de convoitises de la part des protagonistes. Les rebelles contrôlent désormais un poste-frontière vital avec l'Irak, celui de Boukamal, et trois (Bab Al Hawa, Al Salama et Jarabulus) avec la Turquie. Ceux avec le Liban et la Jordanie restent sous contrôle du régime. L'aggravation, ces derniers jours, de la crise syrienne a eu un impact catastrophique sur les populations civiles qui fuient par milliers le pays. L'OSDH a indiqué que rien que pour la journée de samedi, 164 personnes ont été tuées. Plus de 19 000 personnes, dont la plupart des civils, ont été tuées dans les violences qui secouent la Syrie depuis la mi-mars 2011, a ajouté hier l'organisme installé à Londres. Parmi les victimes figurent également 4861 soldats de l'armée syrienne régulière et 949 déserteurs tués dans les violences et les combats. Sur le front diplomatique, le dossier syrien fait toujours du surplace. ` Alors que l'ONU vient de prolonger de 30 jours sa mission d'observateurs dans le pays, la Ligue arabe a tenu hier soir deux réunions au niveau ministériel à Doha pour examiner la situation au Syrie et préparer la transition dans le pays. Les deux réunions – celle du comité ministériel arabe chargé du suivi de la crise syrienne et celle du Conseil plénier des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe pour examiner les derniers développements liés au dossier syrien – se tiendront sous la présidence du Premier ministre qatari, cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani, dont le pays finance et arme, avec l'Arabie Saoudite, l'opposition syrienne.