Même s'il est encore trop tôt pour enterrer le régime syrien, il n'en demeure pas moins qu'en coulisses, les Occidentaux intensifient les manœuvres pour préparer l'après-Al Assad. But prioritaire de la mission : éviter à la Syrie de sombrer dans l'anarchie ou de se retrouver dans un désert institutionnel. En Europe comme aux Etats-Unis, on ne veut en aucun cas avoir affaire à un remake de ce qui s'est produit en Irak ou en Libye après la chute de Saddam Hussein et de Mouammar El Gueddafi. Pour limiter les règlements de comptes anti-alaouites, dont seraient victimes les membres de la minorité qui soutient le clan Al Assad, le groupe des amis de la Syrie aurait ainsi commencé à prendre contact avec les instances religieuses sunnites en Egypte pour qu'elles incitent les cadres sunnites de la rébellion à «une attitude responsable». Pour pallier le vide politique et sécuritaire, Washington et Londres semblent privilégier la création d'une sorte de conseil suprême des forces armées, regroupant les généraux déserteurs et ceux qui sont toujours en service. Cette structure aurait à gérer une période transitoire à l'issue de laquelle seraient organisées des élections et rédiger un projet de Constitution. Cette option s'inspire des travaux sur la transition du médiateur international, Kofi Annan, et des recommandations adoptées par l'ensemble de l'opposition lors de sa dernière réunion au Caire, début juillet. A ce propos, l'on considère que le général Manaf Tlass, haut gradé de la Garde républicaine, qui a quitté Damas pour la France il y a trois semaines, pourrait jouer un rôle central. Les Occidentaux misent beaucoup sur lui pour travailler à la mise en place d'un «commandement militaire renforcé» de l'Armée syrienne libre (ASL), pour y intégrer les autres généraux qui, comme lui, ont récemment fait défection. Les Américains et les Britanniques pensent que les bonnes relations de Manaf Tlass avec les généraux syriens peuvent permettre à l'armée de garantir la stabilité et la sécurité pendant une phase de transition. Pour éviter tout flottement après le départ de Bachar Al Assad et de son clan, les Français travaillent sur une seconde option. Ils préféreraient voir d'abord l'opposition et l'ASL former rapidement un gouvernement de transition dans lequel seraient inclus le Conseil national syrien. Les Français sont rejoints dans leur desideratum par le Qatar et l'Arabie Saoudite. Pas plus loin que dimanche dernier, le Premier ministre qatari, Cheikh Hamad Ben Jassam Al Thani, a appelé l'opposition et l'ASL à mettre en place un gouvernement de transition. Pour le moment, personne ne sait laquelle des deux options sera retenue. La CIA aveugle en Syrie Davantage préoccupés par les questions de sécurité, les Américains ne tiennent cependant pas à donner trop de place aux islamistes. Sur le terrain, les groupes intégristes ou même djihadistes s'affranchissent de plus en plus de la tutelle de l'ASL, alors que des accrochages meurtriers sont signalés entre leaders de ces deux mouvances rivales. Cette situation inquiète les Américains d'autant que des lacunes dans la collecte de renseignements en Syrie entravent les efforts de Washington visant à accélérer la chute du régime de Bachar Al Assad et à conclure des alliances avec l'opposition sur le terrain. Selon le Washington Post, qui a interrogé des responsables de services des renseignements américains et étrangers, la CIA n'est pas parvenue à établir une présence en Syrie, à l'inverse de ce qu'elle était arrivée à faire lors des révolutions en Egypte et en Libye. Les services des renseignements américains doivent se contenter «d'intercepter des communications et d'observer le conflit à distance», ajoute le journal.Depuis la fermeture de l'ambassade des Etats-Unis à Damas en début d'année, la CIA ne dispose que d'une poignée d'agents aux frontières syriennes. Elle dépend largement de ses homologues en Jordanie et en Turquie pour récolter des renseignements à l'intérieur de la Syrie, rapporte le journal. Ces lacunes empêchent l'administration Obama de s'y retrouver dans une crise qui présente le risque de voir des mouvements islamistes ou des sympathisants d'Al Qaîda prendre le pouvoir à Damas.