La région de Jijel et la communauté universitaire, notamment celle de Constantine, viennent de perdre l'un de leurs meilleurs enseignants de sociologie et d'histoire. Un universitaire qui s'est par ailleurs sérieusement intéressé à l'histoire algérienne contemporaine. Abderahim Sekfali, ou le «maître», comme on aime le nommer à Jijel, est décédé le mardi 10 juillet à Constantine et inhumé le lendemain à Jijel. Né en 1942 à Jijel, le «maître» était enseignant à la faculté de droit et de sciences politiques de l'université de Jijel, ainsi qu'à la faculté des sciences humaines et sociales (département d'histoire) de l'université Mentouri de Constantine. Après une licence de sociologie, il obtiendra une maîtrise d'histoire, avant de soutenir, en 1982, à l'université de Provence Aix-Marseille, une thèse de doctorat 3e cycle sur le rôle des instituteurs dans la vie politique et sociale du département de Constantine de 1919 à 1939. En 1993, il est docteur ès lettres et sciences humaines à la même université. Touché par sa disparition, un de ses anciens étudiants, actuellement chercheur en France, Kamel-Eddine Benhamouda, fera le témoignage suivant : «Il aimait la recherche, la lecture au bord de la mer, la gastronomie jijelienne, la corniche et ses plages et le malouf, notamment la chanson Salah Bey de Mohamed Tahar Fergani. Outre une grande culture, le maître était partisan d'une écriture objective de l'histoire ; il était aimable et doté d'un grand esprit de tolérance.» Fervent partisan du dialogue entre les cultures et les civilisations, il a encadré des dizaines d'étudiants chercheurs, tout en menant des recherches sur l'histoire politique et sociale de la région de Jijel et du Constantinois. On retiendra ses travaux sur la saga des maîtres d'école et médersiens du Constantinois (Les maîtres des écoles primaires de l'enseignement public dans le département de Constantine, de 1890 à 1939, publié en 1993). En 1982 déjà, il avait travaillé sur Le rôle des instituteurs dans la vie politique et sociale du département de Constantine de 1930 à 1939. Cinq ans plus tard, il reviendra avec un autre travail sur L'enseignement primaire dans le Constantinois (1890-1939). Il a consacré 25 ans à la confection d'un dictionnaire biographique et bibliographique des maîtres d'école du Constantinois 1850-1950. Ce dictionnaire était en cours de préparation, de même qu'un ouvrage sur Médersat El Hayet de Jijel. Il a été, par ailleurs, l'auteur d'excellents travaux sur les hommes du Rachidi, le journal de Jijel, bastion du mouvement Jeune Algérien, publié en mai 1999 sur la revue d'histoire maghrébine. Le Rachidi, faut-il le rappeler, était un journal indigène qui vit le jour le 6 janvier 1911 avant de disparaître à l'issue du numéro du 13 novembre 1914. Les luttes syndicales des liégeurs et dockers à Jijel ont été au centre de l'ouvrage publié en 2010, intitulé Grèves et luttes syndicales à Djidjelli (Jijel) et sa région, 1936-1939, en plus de recherches sur La campagne contre les instituteurs ‘‘rouges'' à Constantine en 1928, ou encore Maîtres d'école et syndicalisme dans le Constantinois. Rendant hommage au «maître», l'universitaire Fodil Boumala écrira sur sa page Facebook : «Je considérais le maître comme mon Wikipédia personnel à chaque fois que j'avais besoin d'informations générales, ou même de détails à propos d'histoire, de culture, d'anthropologie à l'époque coloniale ou relative à l'Algérie post-indépendante».