Si Amar Saïd Boulifa est un auteur de la région de Kabylie. En dehors des cercles vraiment initiés, peu de gens le connaissent. Pourtant, les livres de Si Amar Saïd Boulifa sont d'une importance capitale pour qui chercherait à connaître l'histoire de notre pays à travers la Kabylie ou qui voudrait apprendre la langue berbère. Afin de contribuer à le faire sortir, un tant soit peu, de l'anonymat, l'association culturelle «Issegh» de Souamaâ, présidée par le maire de cette région, Mohand Boukhtouche, a initié une série de colloques dont les thèmes ont trait à la vie et à surtout à l'oeuvre de Boulifa. La deuxième édition du colloque sur Boulifa s'est tenue cette semaine à la Maison de la culture de Tizi Ouzou. Ce colloque a pu avoir lieu grâce à l'apport de la direction de la culture de cette wilaya. Comme objet principal du colloque, les organisateurs ont voulu se pencher, cette fois-ci, sur Boulifa et l'écriture de l'histoire. A cet effet, l'association «Issegh» de Souamaâ a programmé huit communications qui se sont étalées sur deux journées. Parmi les communicants conviés à ce rendez-vous culturel, il y a eu l'un des neveux de l'écrivain, à savoir Younès Boulifa. Ce dernier a animé une communication ayant pour objet: «Aperçu sur la vie et l'oeuvre de Boulifa». Après avoir retracé les différentes étapes de la vie de Boulifa, Younes Boulifa s'est attardé sur l'oeuvre de son oncle et la façon dont elle est éditée actuellement. L'intervenant a déploré l'absence d'éditeurs professionnels à même de prendre en charge l'édition de la totalité des livres écrits par Boulifa. Le livre le plus important de ce dernier, à savoir «Le Djurdjura à travers l'Histoire, depuis l'Antiquité jusqu'à 1830», a été publié pour la première fois en 1925, à Alger. Il n'y a que cet écrit qui est actuellement disponible dans les librairies grâce à une initiative des éditions Berti. Boulifa a pourtant été l'un des premiers sinon le premier à avoir jeté les jalons de la transcription moderne de la langue kabyle en ayant publié plusieurs ouvrages sur la question. Parmi ses livres, on peut signaler: «Une première année de langue kabyle» et «Méthodes de langue kabyle, cours de deuxième année». Boulifa est aussi l'auteur de plusieurs autres livres comme: «Mémoire sur l'enseignement des indigènes de l'Algérie», «Recueil de poésie kabyle», «Manuscrits berbères du Maroc» «Textes berbères en dialectes de l'Atlas marocain», etc.Vu l'importance de l'apport de Boulifa à la culture et à la langue kabyles, plusieurs universitaires se sont penchés sur son oeuvre et ont publié des ouvrages à son sujet. C'est le cas de M.Redjala qui a écrit «Boulifa, le prosateur kabyle», M.Aouadi (Boulifa, un écrivain d'expression kabyle), Jean Dejeux (dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française)...Boulifa est le précurseur de la relance du processus de réhabilitation de la langue amazighe. Le chercheur et auteur du premier dictionnaire de langue kabyle, J.L.Dallet a souligné en évoquant Boulifa: «Pour sa langue, il semble avoir fait le premier un effort d'analyse rationnelle avec les moyens et les méthodes de son temps.» Actuellement, malgré son importance, Boulifa n'est enseigné que dans les départements de langue et culture amazighes des universités de Béjaïa, Tizi Ouzou et Bouira, mais dans aucune autre université algérienne, ni dans les manuels scolaires. Le colloque initié par l'association «Issegh» de Souamaâ a été donc l'occasion pour revisiter cet auteur né en 1861 au village de Adeni, près de Larbba Nath Irathen. Il eut la chance de fréquenter les bancs de la première école française ouverte dans sa région en 1875. Il devint instituteur après une longue formation et un stage à l'Ecole normale de Bouzaréah. Ce qui était un prestige à l'époque. «De par ses compétences et ses connaissances en langue française, il devint répétiteur de berbère à l'Ecole normale en 1890 puis à la Faculté des lettres d'Alger. Boulifa se présentait comme professeur de berbère et ce qui ressort de son testament daté du 20 octobre 1914», écrit l'universitaire Hamid Bilek dans la revue «Timuzgha» du Haut Commissariat à l'amazighité. Boulifa a consacré toute sa vie à la recherche dans la langue, l'Histoire, l'archéologie et la sociologie. Il fut l'un des premiers algériens à élaborer des méthodes d'enseignement de langue amazighe, en publiant les deux ouvrages suscités. Aussi, Boulifa dépeint dans ses écrits, un tableau exhaustif de la situation sociale de la Kabylie du XIVe siècle. Boulifa a été le premier, bien avant Mouloud Mammeri et Mouloud Feraoun, à avoir sauvé de l'oubli les poèmes de Si Mohand Ou Mhand, devenu une référence en Kabylie. Boulifa a été aussi historien et archéologue grâce, notamment à son livre «Le Djurdjura à travers l'Histoire». Cet ouvrage est utilisé comme base de référence dans toutes les recherches qui s'effectuent sur l'Histoire de la Kabylie. «Boulifa a versé dans le domaine passionnant de l'archéologie avec la découverte de l'inscription libyque d'Ifigha en 1909. Il a eu un engouement et un amour pour cette science et approfondi ses investigations lui ayant permis d'aboutir à des découvertes de valeurs inestimables dans la région d'Azazga, à Souamaâ, à Djemaâ Saharidj, Dellys et Azeffoun ainsi qu'à Tigzirt», ajoute encore Hamid Bilek. D'autres universitaires ont apporté des éclairages lors du colloque organisé par l'association «Issegh» de Souamaâ, à savoir Abdennour Abdesselam, Saïd Chemakh, Amar Nabti, Zineddine Kacimi, Omar Kerdja, Chabane Ali-Ahmed et Djamel Aït Iften. D'autres universitaires de la région et d'ailleurs auraient pu apporter un plus car maitrisant le sujet. Mohand Boukhtouche, président de l'association «Issegh» de Souamaâ, nous a confié que plusieurs chercheurs ayant été conviés à ce colloque ont décliné leur invitation.