Plus de doute. C'est le général Manaf Tlass, haut gradé de la Garde républicaine, ayant quitté Damas pour la France, il y a deux semaines, qui a été choisi par les Occidentaux pour jouer un rôle central dans l'après-Al Assad. Retranché jusque-là dans un profond mutisme, il a appelé hier les Syriens à «s'unir (...) pour construire une nouvelle Syrie». Il s'agissait, en effet, de sa première déclaration publique depuis sa défection le 6 juillet. Les jours du régime syrien sont-ils désormais comptés ? Lui emboîtant le pas, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton – dont le pays a indiqué au début de la semaine qu'il allait agir hors ONU pour contourner l'écueil russe et chinois – a, en tout cas, appelé à «travailler étroitement avec l'opposition parce qu'elle gagne de plus en plus de terrain». Les Occidentaux semblent ainsi miser beaucoup sur ce général sunnite qui se trouve être un ancien ami d'enfance de Bachar Al Assad pour travailler à la mise en place d'un «commandement militaire renforcé» de l'Armée syrienne libre (ASL) dans lequel seraient intégrés les autres généraux qui ont fait défection. Les Américains et les Britanniques pensent que les bonnes relations de Manaf Tlass avec les généraux syriens peuvent permettre à l'armée de garantir la stabilité et la sécurité pendant une phase de transition. Une transition que les militaires auraient à gérer. Toujours dans l'optique d'une éventuelle chute du régime de Bachar Al Assad et afin d'éviter un flottement institutionnel prolongé, un groupe d'une cinquantaine d'opposants syriens s'est aussi d'ores et déjà mis à Berlin à la rédaction d'une nouvelle Constitution. Des observateurs de l'ONU quittent la Syrie Ce groupe, a annoncé hier la Fondation sciences et politique (SWP) qui l'aide, est composé d'anciens généraux, d'experts économiques et juridiques, et de représentants de toutes les composantes ethniques ou religieuses de la Syrie. Ce sont le Conseil national syrien (CNS) et d'autres groupes de résistants qui ont choisi les membres de ce groupe de travail. Ce projet a été initié par l'Institut américain pour la Paix (USIP). Le résultat de leurs travaux devrait être présenté publiquement début août. Il pourrait servir de base de discussions en cas de transition politique en Syrie, a expliqué le directeur de la SWP, Volker Perthes, cité dans le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Si les textes fondateurs de «la nouvelle Syrie» paraissent donc en bonne voie, sur le terrain la partie est toutefois encore loin d'être gagnée par l'opposition. Alors que la moitié des 300 observateurs de l'ONU, dont le mandat s'achève dans moins d'un mois, ont déjà quitté la Syrie, l'armée syrienne et les opposants au régime de Bachar Al Assad ont envoyé hier des troupes vers Alep où se joue une bataille décisive entre eux. Deuxième ville de Syrie et poumon économique du pays, Alep est restée au départ à l'écart de la révolte. La ville a néanmoins sombré depuis vendredi dans un conflit ouvert entre le régime de Bachar Al Assad et l'Armée syrienne libre (ASL). «Des centaines de rebelles venus de tout le nord de la Syrie arrivent à Alep» pour «la bataille décisive», indique le correspondant d'un journal syrien dans la ville, précisant qu'«une dizaine de quartiers périphériques» sont toujours aux mains des insurgés. Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), indique de son côté que depuis 48 heures, l'armée envoie des renforts «par la route internationale Damas-Alep», faisant état de deux attaques rebelles contre des convois militaires pour retarder leur arrivée. Si Alep tombe, «le régime est fini et les deux adversaires le savent», estime M. Rami. Parallèlement, le régime s'employait à écraser les dernières poches de résistance dans la capitale Damas. Devant la cruauté des combats, Amnesty International a appelé hier les forces régulières et les rebelles à cesser leurs «exécutions sommaires», faisant état «d'informations selon lesquelles les deux parties achèvent de façon délibérée et illégale» leurs prisonniers. Plus de 19 000 personnes ont, selon l'OSDH, déjà perdu la vie depuis mars 2011.