Les pays arabes et occidentaux réunis à Paris ont demandé hier au Conseil de sécurité de l'ONU d'adopter une résolution contraignante comportant une menace de sanctions contre Damas, au moment où le monde apprenait la défection d'un très haut gradé proche de Bachar al-Assad. Alors que s'ouvrait la conférence, la défection il y a trois jours du général Mounaf Tlass, ami d'enfance du président syrien, était annoncée à Damas par une source proche du pouvoir. Il s'agit de l'officier supérieur le plus prestigieux à faire défection depuis le début en mars 2011 de la révolte contre Bachar al-Assad. A Paris, la centaine de pays occidentaux et arabes et organisations, réunis pour la troisième fois au sein du groupe des Amis du peuple syrien, ont en tête de leurs conclusions «tenu à souligner que Bachar al-Assad devait abandonner le pouvoir». Dans ce cadre, ils demandent au Conseil de sécurité de «jouer son rôle (...) en adoptant d'urgence» une résolution «sous chapitre VII» pour faire appliquer les accords internationaux sur une transition politique. Le chapitre VII de la charte de l'ONU ouvre la voie à des sanctions ou même au recours à la force en cas de non respect de la résolution. Les conclusions de vendredi limitent à ce stade les moyens de pression à la menace de sanctions «n'impliquant pas l'emploi de la force armée» en vertu de l'article 41 de la charte de l'ONU. Mais l'article 42 indique que si le Conseil de sécurité estime que les mesures prises par l'article précédent sont «inadéquates», il peut recourir à l'usage de la force. Le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle a expliqué que des mesures militaires seraient discutées «peut-être dans d'autres réunions, si la mise en œuvre des sanctions n'aboutit pas aux progrès qu'elles auraient dû avoir». Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU se sont entendus samedi dernier à Genève sur la proposition de la formation d'un gouvernement de transition en Syrie et, sur la nécessité d'appliquer le plan de l'émissaire international Kofi Annan, qui prévoit notamment une trêve jamais entrée en vigueur. Mais les Occidentaux d'un côté, la Russie et la Chine de l'autre, divergent sur l'interprétation à donner à l'accord de Genève: Moscou et Pékin maintiennent qu'il revient aux Syriens de déterminer leur avenir ; alors que pour les Occidentaux ce document implique le départ de Bachar al-Assad. Puisque les Russes et les Chinois acceptent le plan Annan et l'accord de Genève, qui en découle, ils doivent accepter que la Syrie puisse être sanctionnée si elle ne s'y conforme pas, estiment ainsi les Occidentaux. Il est tout à fait nécessaire de saisir à nouveau le Conseil de sécurité et d'exiger une mise place du plan de Genève auquel Russie et Chine ont souscrit», a argué la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton. Dotées d'un droit de veto au Conseil de sécurité, la Chine et la Russie ont bloqué jusqu'à présent, toute action internationale résolue contre le pouvoir de Bachar al-Assad. Aucune sanction de l'ONU n'a ainsi pu être décidée, et les mesures de rétorsion prises contre Damas l'ont été par l'Union européenne, les Etats-Unis ou la Ligue arabe, ce qui réduit leur portée. Paris et Washington s'en sont pris hier à Moscou et Pékin accusés par Hillary Clinton de «bloquer les progrès» sur le dossier syrien. «Je veux m'adresser à ceux qui ne sont pas là. Au moment où nous en sommes de la crise syrienne, il n'est plus contestable que cette crise est devenue une menace pour la paix et la sécurité internationale», a averti le président français François Hollande, qui a ouvert les débats, cherchant à réfuter l'argument russe de la non-ingérence dans les affaires d'un pays. La Russie a balayé ces critiques. «Nous rejetons catégoriquement la formulation selon laquelle la Russie soutient le régime de Bachar al-Assad», a dit le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, cité par les agences russes à Moscou. Les « Amis du peuple syrien » ont par ailleurs annoncé leur décision «d'accroître massivement l'aide à l'opposition» syrienne notamment avec «des moyens de communication pour leur permettre de communiquer de façon plus sûre entre eux et avec l'extérieur du pays». Ils ont aussi appelé les opposants, qui cette semaine ont encore étalé au grand jour leurs divisions, à «continuer de se concentrer sur leurs objectifs communs». Alors que les efforts diplomatiques n'ont jusqu'ici pas payé, de plus en plus d'analystes estiment que c'est la situation sur le terrain qui changera la donne. «Le régime est en train de tomber, de perdre le contrôle du territoire», a affirmé le chef du Conseil national syrien (CNS, opposition) Abdel Basset Sayda. Sans aller jusque-là, des responsables européens considèrent que le rapport de force entre les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) et le pouvoir a évolué depuis quelques semaines sur le terrain, tandis que les désertions d'officiers syriens se sont multipliées, à l'image de la dernière en date, celle de Mounaf Tlass. Selon le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, le général se dirigeait hier vers Paris sans qu'on soit certain que ce soit sa destination finale. Le CNS a tout de même demandé à une intervention militaire étrangère. «Il faut prendre toutes les mesures afin d'établir une zone d'exclusion aérienne et des corridors humanitaires», a martelé son président. En près de 16 mois de conflit le bilan de la répression et des combats s'élève à plus de 16.500 morts, essentiellement des civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).