«A chaque Ramadhan, Bouteflika nous lâche ces délinquants», s'offusque un citoyen à la rue Khelifa Boukhalfa. Violences, rixes, bagarres, agressions ponctuent chaque année le mois de Ramadhan. Depuis son intronisation à la tête de l'Etat, le président Abdelaziz Bouteflika, conformément à ses prérogatives, promulgue des décrets de grâce présidentielle au profit des détenus à chaque occasion «nationale» ou «religieuse». Un «pardon» qui lui a valu, à en croire certains ex-détenus, «une popularité et une estime parmi la population carcérale». Pour les citoyens que nous avons interrogés un peu partout dans les quartiers d'Alger, «ça ne peut plus continuer ainsi, ces délinquants avant de commettre leur délit savent que leur séjour en prison sera court du fait de la grâce présidentielle», clament-ils. Un sursis accordé aux «récidivistes» et autres repris de justice qui n'hésitent pas à semer la terreur et la violence dans les villes et villages. Un état de fait que même les policiers en faction ne supportent plus : «Nous assistons, chaque mois du Ramadhan, à une recrudescence des actes de criminalité et de délinquance dans la capitale, nous remarquons que les auteurs des bagarres et des agressions dans Alger ne sont pour la plupart que des repris de justice. Sitôt relâchés après la grâce présidentielle, ils sont renvoyés en prison», explique un officier de police lors de l'arrestation d'un «repris de justice» au marché algérois Clauzel. Et de poursuivre son analyse : «Vous savez, la rue pour eux n'est qu'un prolongement des différends et autres guerres de leadership entres les délinquants à l'intérieur de la prison. Une fois sortis, ils se livrent à une vraie guerre de gangs, ce qu'on appelle dans le jargon des prisonniers ‘‘les complots ou lahssayaf'' (règlements de compte). Pour cela, ils n'hésitent pas à mobiliser les jeunes de leur quartier contre ceux d'autres quartiers et à utiliser des armes blanches et autres armes interdites, comme les pompes à gaz ou encore récemment les chiens dangereux comme les pitbulls ou les rottweilers.» Son collègue pousse l'analyse plus loin : «Il s'agit parfois de rixe simulée, en d'autres termes, la police est obligée d'intervenir, cela permet aux trafiquants et autres vendeurs de drogue de passer leur marchandise en grande quantité dans leur cachot, étant donné qu'un grand nombre de policiers interviennent dans le même endroit.» Citoyens et policiers sont donc livrés à la même situation, ils font face aux agissements de ces hordes de délinquants et ils partagent le même avis : la grâce présidentielle est en partie la cause de la recrudescence de la délinquance en ce mois de Ramadhan. Pourtant, le Rassemblement national démocratique (RND), du Premier ministre Ahmed Ouyahia, était le seul parti politique algérien à avoir plaidé dans son programme électoral lors des dernières législatives d'agir «au Parlement pour le durcissement des lois réprimant la grande criminalité et nous militerons pour une forte réduction des grâces cycliques», pouvait-on lire au chapitre V du programme du RND. En attendant la traduction des promesses en faits concrets, la délinquance, dans toutes ces formes, continue de faire des victimes sur fond de clémence présidentielle.