Le salon de l'automobile d'Alger remplit plusieurs fonctions chaque printemps. Il indique, en éclaireur avant les autres, la cote d'intérêt du reste du monde pour l'Algérie. Pour son marché qui s'entend. Les constructeurs d'automobiles arrivent souvent bien avant les autres fournisseurs et renvoient la température d'une économie. De ce côté-là, tout baigne. Inutile de brandir les chiffres, les 120 000 véhicules neufs ont été doublés sans clignotants en 2005, et si l'on excepte l'absence inexplicable du voisin espagnol Seat, toutes les marques familières aux Algériens sont implantées dans le pays. Mais le salon de l'automobile est aussi un baromètre de la consommation, bien plus parlant que celui du livre en septembre, ou de celui de la foire de la production nationale quelque part entre les deux. Le lieu par excellence où l'on peut étalonner son pouvoir d'achat dans la moyenne durée. Moyenne durée ? C'est le délai du crédit automobile, 48 mois au mieux. Un banquier avertit prévenait l'autre jour que la pression sur les salaires est plus alimentée depuis deux ans par l'endettement des ménages que par l'inflation. Bien vu. Les clients qui ont dopé le marché automobile du neuf sont des grévistes en puissance dans leur corporation sous-payée au lycée ou à la faculté. Les derniers modèles du segment des citadines familiales de cinq portes : comme le nouveau Rio de Kia, la nouvelle Sirion de Daihatsu ou le Swift de Suzuki gravitent, pour le meilleur niveau de finition, juste en dessous du million de dinars. Tout le monde ne veut pas acheter une Maruti. Conséquence, le crédit proposé de 700 000 DA - à charge d'apporter la différence avec ses propres deniers - se rembourse par grosses traites de près de 20 000 DA par mois. Dans le cas du délai de cinq années, le plus long. Tout le monde aussi n'est pas contraint d'acheter un véhicule à ce prix. La logique du marché, celle du salon, est qu'il est difficile d'y résister dès lors que l'on pense s'en sortir avec moins de 40% de son salaire disponibles. Invitation à la banqueroute des ménages ou lecture hardie et justement optimiste de la conjoncture économique de son pays ? Le fait est là. Les bons de commande qui se signent par centaines dans les stands rutilants des Pins maritimes sont autant de coups de canif dans la paix sociale. Il faut rembourser. Il faut plus de revenus. Car bien sûr il n'est pas possible de résister très longtemps avec son salaire fût-il de 40 000 DA, amputé de sa moitié. Le taux de recouvrement demeure correct admettent les banques qui pratiquent encore les crédits automobiles. La pompe est donc bien amorcée et même si elle ne débite pas comme un TDI de 150 chevaux, elle propulse tout de même un gigantesque marché. Le problème est que l'acheteur d'automobile neuve moyen est exclu de la consommation de masse pendant son purgatoire. Pas de nouveaux produits électroniques, pas de vacances avec nuitées, pas de restaurants en famille en fin de semaine. La faute au crédit ? Non la faute au salaire. Il est trop bas. Chaque année, c'est au salon de l'automobile que l'on s'en rend compte.