Venus en Algérie en touristes, les milliers de Syriens ayant fui leur pays risquent de ne pas bénéficier du statut de réfugiés étant donné que leur cas se rapproche plus de celui des demandeurs d'asile. Seules quelques familles ont accepté de quitter le square Port-Saïd pour rejoindre le centre d'accueil de Sidi Fredj, pourtant doté de toutes les commodités nécessaires pour une bonne prise en charge. Depuis deux jours, le Croissant-Rouge algérien (CRA) peine à les faire venir vers ce premier centre mis en place par l'Etat pour les prendre en charge. Au-delà du caractère humanitaire, la situation des milliers de Syriens qui se sont réfugiés en Algérie constitue un vrai casse-tête pour les autorités algériennes. Si l'on se réfère aux modalités prévues par la convention de 1951, ces Syriens ne peuvent prétendre au statut de réfugiés. En effet, cette convention définit clairement les situations dans lesquelles un Etat accorde ce statut aux personnes qui en font la demande, ainsi que les droits et les devoirs de celles-ci. Venus par avion en tant que touristes, ils ne peuvent ouvrir droit qu'à une demande d'asile déposée avant l'expiration du délai de séjour légal, qui est de trois mois. Dans le cas contraire, ils tomberont sous le coup du délit de l'émigration clandestine et, de ce fait, risquent d'être placés dans des centres de rétention en attendant l'expulsion. Même complexe, cette situation interpelle à plus d'un titre les organismes humanitaires dans la mesure où ces Syriens ne peuvent plus retourner chez eux eu égard à la situation critique que traverse leur pays. Dans pareil cas, la mission de prise en charge humanitaire incombe en premier lieu au CRA qui, faut-il le préciser, bénéficie du statut d'auxiliaire de l'Etat. Son président, Hadj Benzeguir, affirme que cette situation est unique : «Les Syriens ont opté pour l'Algérie, un pays très loin des frontières de leur pays, en faisant le voyage par avion. Sont-ils là pour une période indéfinie ou limitée ? Nous n'en savons rien. Pour l'instant, ils sont là mais ils ont peur de se retrouver en situation irrégulière une fois le délai du séjour légal de 3 mois expire. Ils ne peuvent prétendre au statut de réfugiés tel que défini dans la convention de 1951. Des volontaires à pied d'œuvre Cela étant, il y a une situation humanitaire qui nous interpelle en tant qu'ONG humanitaire. L'Etat a décidé d'ouvrir, dans un premier temps, un centre d'accueil pour ces personnes en difficulté, notre mission est de gérer la situation. Le CRA dispose des moyens humains et matériels pour assumer ce rôle. Nous allons faire appel à tous nos comités au niveau national, car le problème touche d'autres wilayas du pays.» Chargé de ce dossier, le secrétaire général du CRA, Lahcène Bouchakor, précise pour sa part que «plus d'une vingtaine de volontaires sont à pied d'œuvre» à Alger, et ce, depuis des semaines. «Nous n'avons pas attendu le feu vert du gouvernement pour assister les Syriens qui ont rejoint l'Algérie. De par notre mission humanitaire, nous étions les premiers à aller à l'aéroport d'Alger pour nous enquérir sur leur situation. Au début, ils n'étaient pas nombreux. Ils disaient être venus en Algérie en tant que touristes, d'autant que c'est l'un des rares pays qui n'exige pas de visa. La majorité ont été hébergés dans des hôtels ou des familles, y compris à l'intérieur du pays», dit-il. Néanmoins, précise-t-il, quelque temps plus tard, voyant l'expiration du délai de leur séjour en Algérie approcher, beaucoup ont eu peur de se retrouver dans des centres de rétention pour clandestins ou sous le coup d'une expulsion vers leur pays. «Avec le mois de Ramadhan, comme il n'y a pas de restauration dans les hôtels où ils logent, ils ont préféré se regrouper au square Port-Saïd, à Alger, en espérant toucher la sensibilité des Algériens et, en même temps, pousser les autorités à leur trouver une solution après l'expiration du délai de leur séjour. Quotidiennement, en plus de l'aide procurée par le CRA, ils bénéficient d'une grande solidarité des citoyens.» M. Bouchakor estime, en outre, que la complexité de la situation réside également dans l'éparpillement de ces ressortissants à travers le pays. «Nous avons eu des appels de nos comités à Ouargla, Djelfa, M'sila, Tiaret, etc. pour signaler la présence de groupes de Syriens démunis. Pour l'instant, dans une première étape, seul le centre de Sidi Fredj a été mis à leur disposition par l'Etat. Il s'agit d'un centre d'accueil et non pas de rétention ou de réfugiés. Il peut accueillir jusqu'à 250 personnes et tous les moyens nécessaires pour assurer des repas chauds, la literie, l'hygiène et même l'animation pour les enfants sont mobilisés (…). J'ai longuement discuté avec ceux qui ont pris place au square Port-Saïd. Ils craignent de subir le même sort que leurs compatriotes qui ont fui vers la Turquie. Selon eux, ils ont été enfermés dans des centres, privés de toute liberté. Ce ne sera pas le cas. Tant qu'ils n'ont pas dépassé les trois mois de séjour légal, personne ne peut les priver de leur liberté. Ils ont besoin d'une aide humanitaire, nous faisons tout pour leur permettre de traverser cette rude épreuve sans toucher à leur dignité», déclare notre interlocuteur. Il regrette, néanmoins, que seules quelques familles aient accepté de rejoindre le centre de Sidi Fredj. «C'est la meilleure structure au niveau d'Alger. Elle dispose de tous les moyens pour rendre le séjour des familles, surtout les enfants, plus ou moins agréable. Malheureusement, les gens ont peur. Ils pensent qu'ils vont être enfermés à l'intérieur et ne plus pouvoir sortir. Ce n'est pas le cas. Le centre sera géré par le CRA et, de ce fait, il aura un règlement qu'il faudra respecter. Ce sera une meilleure situation que celle d'occuper un espace public et de tomber sous le coup de la loi», note M. Bouchakor, affirmant avec regret que des réfugiés ayant été installés, mardi dernier en fin de journée, au centre, avaient rejoint le square Port-Saïd dès le lendemain matin. «Pourquoi ? Nous n'en savons rien. Pourtant, ils disposaient de toutes les commodités pour une prise en charge convenable. Nous sommes en train d'insister sur la sensibilisation des pères de famille pour qu'ils évitent à leurs enfants la rue. Dans le centre, ils pourront les préparer à une éventuelle scolarisation, mais aussi leur assurer une prise en charge sanitaire», conclut M. Bouchakor.