Après avoir dénoncé la bureaucratie qui bloquait le programme de mise à niveau des petites et moyennes entreprises, le président du Conseil national consultatif pour la PME, Zaïm Bensaci, revient dans cet entretien sur l'évolution constatée depuis quelque temps sur la mise en application de ce programme. - Depuis que vous aviez alerté les pouvoirs publics sur le blocage qui frappait le programme de mise à niveau des PME, les choses semblent avoir pris une nouvelle tournure…
Effectivement, il y a eu une évolution positive dans le traitement des dossiers d'entreprises concernées par la mise à niveau, et ce, après l'arbitrage du Premier ministre, qui est intervenu pour lever la situation de blocage dans laquelle s'est retrouvé le programme. Il y a eu également un assouplissement des procédures et la mise en place d'un nouveau comité qui se réunit une ou deux fois seulement par an pour effectuer un travail d'évaluation. La contrainte du comité technique est donc levée. Les dossiers déposés au niveau de l'Andpme, au nombre de 2000, sont en train d'être étudiés, complétés et maturés. Il y a une cinquantaine d'entre eux qui ont eu leur dotation budgétaire. Tout ceci est bien, mais il ne représente pas ce qui est réellement attendu de l'application de ce programme de mise à niveau. Les résultats réalisés jusqu'ici sont bien en deçà des objectifs arrêtés. Je dois rappeler que le programme cible pas moins de 20 000 PME. C'est pour cela qu'on souhaite arriver à faire passer le plus possible de dossiers, d'autant plus que l'Agence en charge du programme a eu une aide technique de la part du programme européen MEDA II à travers des experts mis à sa disposition. Nous souhaitons donc que la phase diagnostic soit concrétisée le plus rapidement possible pour lancer les opérations des bureaux d'expertise. J'espère qu'on aura assez d'experts spécialisés dans les différentes disciplines pour qu'il y ait véritablement une réelle mise à niveau des entreprises. On ne peut pas parler de mise à niveau, somme toute des plus normales, sans toucher aux différentes disciplines allant du management jusqu'aux normes de production, en passant par l'équipement et l'outil de production. Je dis cela, parce qu'il y a des échéances qui vont arriver et ça sera une catastrophe pour l'économie nationale si l'on ne parvient pas à réussir la mise à niveau de nos PME et TPE, surtout si l'on sait que l'Etat a consacré un budget colossal pour ce programme. Mais, dans le cadre de sa mise en œuvre, je crois qu'il faudrait qu'il y ait un peu plus de rigueur en arrêtant, par exemple, un échéancier pour chaque étape à réaliser.
- Il reste aussi que d'autres propositions émanant de votre établissement ou des organisations patronales ne sont toujours pas prises en considération. C'est le cas, notamment, du statut de l'Andpme…
Il est vrai que le statut de l'Andpme, érigée en EPA, rend difficile l'exécution des programmes dans les meilleures conditions. Nous avons discuté justement de cette question et des propositions ont été faites dans ce sens et je pense qu'elles seront prises en considération. Il faudrait attendre quelque temps pour voir quels seront les résultats, à travers les dossiers effectivement engagés et les budgets affectés. Quant à la proposition de création d'une banque dédiée spécialement au financement des PME, nous l'avons écartée après avoir constaté que dans certains pays, ce genre de banque est devenu un prétexte aux autres institutions financières pour ne pas financer les PME. Aujourd'hui, la PME est en train de vivre les aléas de ce que peut être, en général, le financement en Algérie.
- Quelle est la nature de ces entreprises bénéficiant du programme de mise à niveau et quels sont les critères sur lesquels se fait l'opération de sélection ?
Ce sont des critères tout simples qui ne présentent pas une grande rigueur. Mais il faudrait que l'entreprise soit déjà fiable et qu'elle ne présente pas une quelconque difficulté dans son exploitation. Quant à la nature de ces entreprises, nous avons constaté que nous avons beaucoup plus de TPE (très petite entreprise) que de PME. C'est la raison pour laquelle, au sein du CNC, nous militons pour qu'il y ait un véritable tissu de PME. Il est inadmissible que l'économie algérienne évolue avec seulement 600 000 PME dont la majorité ne sont, en fait, que des TPE.
- Quel est le taux de mortalité parmi ces PME ?
Je déplore justement l'importance du taux de mortalité à ce niveau, puisque sur les 50 000 TPE créées en 2011 à la faveur des mesures incitatives initiées par l'Etat, 35 000 sont mortes pour diverses raisons, notamment le manque de formation et d'engouement, ainsi que la faiblesse du niveau du management chez l'entrepreneur.
- Il semble aujourd'hui qu'un certain intérêt soit accordé par les pouvoirs publics aux PME spécialisées dans la sous-traitance. Qu'en est-il exactement ?
Nous avons toujours appelé, en tant que conseil consultatif, à ce qu'il y ait des entreprises évoluant dans le secteur de la sous-traitance, notamment dans la sous-traitance mécanique. Je dois signaler ici, que les seules entreprises relevant de ce secteur sont celles qui travaillent avec la SNVI qui a réussi à créer autour d'elle un réseau de sous-traitants. Mais la sous-traitance ne se décrète pas, et ne devient pas sous-traitant qui le veut. C'est pourquoi il est nécessaire aujourd'hui que les pouvoirs publics prennent des mesures pour apporter certaines conditions de facilitation permettant la création de nouvelles entreprises dirigées vers la sous-traitance. Si on prend le cas du futur projet de partenariat avec Renault, par exemple, ce dernier est connu pour être un fabricant très exigeant et très regardant sur les normes et les délais de fabrication. Ni lui ni aucun autre constructeur automobile ne va agréer une entreprise sous-traitante s'il n'est pas sûr que l'entreprise est à même de lui fournir les pièces nécessaires, sachant que ces constructeurs travaillent a flux tendu. Il faut donc régler une multitude de problèmes et réunir un certain nombre de conditions pour que l'on puisse mettre en place un véritable réseau d'entreprises sous-traitantes dans le domaine de la mécanique, notamment dans le secteur automobile. A mon avis, il faut que les sous-traitants qui existent aujourd'hui soient soutenus par la partie algérienne pour demander au constructeur partenaire de les accompagner.