Alors que la phase d'urgence du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur de La Casbah a été achevée hormis quelques pâtés de maisons, la phase de restauration tarde à voir le jour. L'ampleur des dégâts occasionnés par les intempéries aux bâtisses, conjuguée à l'incurie de l'homme, nous renseignent sur la détérioration du patrimoine. Un SOS vient d'être lancé pour la énième fois par les habitants de La Casbah, notamment les propriétaires, au nombre de 140, qui veulent bénéficier d'aides pour la restauration de leur maison. La moudjahida, Djamila Bouhired, fait partie de ceux dont la bâtisse menace ruine. Elle crie sa colère, car la belle demeure des Bouhired, sise au 3, impasse Lavoisier à La Casbah, théâtre de hauts faits d'armes, qui a vu défiler les Hassiba Ben Bouali, Larbi Ben M'hidi, Ali Amar, dit Ali la Pointe, Houria et les frères Othmane et Noureddine Ramel, Zohra Drif, Yacef Saâdi, etc., se dégrade au fil des jours. «Depuis la visite des architectes restaurateurs de l'OGBEC, il y a cinq ans, pour expertiser notre demeure, c'est le black-out. Aucune action n'a été entreprise depuis», diront les membres de la maisonnée Bouhired, qui nous font faire le tour du propriétaire. Plusieurs pièces, aussi bien celles qui entourent le patio que celles de l'étage supérieur et El Menzah risquent de céder d'un moment à l'autre. Djamila, pincement au cœur, s'élève dans des termes crus contre l'apathie des autorités compétentes qui se résume, selon elle, dans l'abandon d'un patrimoine matériel et immatériel qui va à vau-l'eau. Un étaiement de fortune soutient les planchers des chambres et quelques éléments architectoniques que les Bouhired tentent tant bien que mal de sauver des aléas du temps. Mais réussiront-ils le pari sans le concours des pouvoirs publics ? En tout cas, seule «la mauvaise volonté peut défaire le bonheur», pour reprendre en substance la citation d'Emile Chartier, laisse entendre Djamila, qui éprouve un haut-le-cœur de voir la demeure des Bouhired, chargée d'histoire et de mémoire et tant d'autres bâtisses, s'effilocher.