Taoufik Makhloufi a donné à l'Algérie sa première médaille d'or des Jeux olympiques de Londres 2012. Cette performance le place au même niveau que ses illustres aînés qui ont réussi l'exploit de décrocher une médaille d'or dans cette grande manifestation sportive, à savoir Noureddine Morceli (1996 à Atlanta), Hassiba Boulmerka (1992 à Barcelone) et Benida Merrah (2000 à Sydney). Hier soir au stade Olympique de Londres, notre nouveau champion olympique a dominé ses adversaires du 1500 m avec maestria. Les millions de téléspectateurs algériens rivés sur le petit écran n'ont pas douté un seul instant de sa victoire finale, tellement son aisance dans la course, ses foulées franches et sereines, son sens tactique étaient au-dessus des capacités de ses rivaux, notamment les Kényans qui ont fait une course tactique pour «ferrer» l'enfant de Souk Ahras. En vain. C'est la seconde fois en l'espace de trois ans qu'un sportif de cette ville fait vibrer l'Algérie. La première fois c'était en novembre 2009 à Khartoum, à l'occasion de l'historique match de barrage Algérie-Egypte (1-0). Antar Yahia est entré dans la légende du football et du sport et du football algérien en inscrivant l'unique but de la partie.Hier soir, Taoufik Makhloufi lui a emboîté le pas et offert à l'Algérie la médaille d'or que tout le monde attendait. Le mérite de cet athlète est incommensurable. La veille de la finale de l'épreuve reine de l'athlétisme, il n'était pas sûr de prendre le départ, suite à sa disqualification par les juges arbitres de la course du 800 m qu'il n'a pas terminée, lundi matin, en raison d'ennuis musculaires qui l'ont contraint à abandonner la course au bout de 200 m au grand dam des arbitres qui ont estimé «qu'il n'avait pas fait montre de combativité». Sur le champ, ils ont décrété son exclusion et par ricochet l'impossibilité pour lui de prendre part à la course du 1 500 m. Son entourage et les spécialistes avaient craint que sa fin avait sonné. Durant toute la journée (lundi), il a été soumis à une terrible pression. Il ne savait pas s'il allait défendre ses chances au 1 500 m. A priori, cet épisode l'a surmotivé. Au lieu de s'effondrer en voyant s'éloigner son rêve de victoire sur le 1500 m, Taoufik Makhloufi a gardé espoir. Il a puisé dans cette adversité des ressources et une motivation incroyable qui lui ont permis en définitive de s'adjuger l'or devant des adversaires qui ne manquaient pas de talent. Le brillant parcours de Makhloufi est le fruit d'un dur labeur accompli sous les ordres d'un coach somalien, Jama Adam, qui l'entraîne avec un groupe d'athlètes arabes venus du Qatar, du Soudan, d'Arabie Saoudite, et qui se prépare en Suède. Durant la phase préparatoire aux Jeux de Londres, Taoufik Makhloufi s'est préparé durant plusieurs jours en Ethiopie. C'est dans ce pays et en Suède qu'il a préparé son exploit de Londres. Faut-il rappeler qu'avant le départ de la délégation pour Londres, Taoufik Makhloufi était cité comme l'un des potentiels médaillés avec Soraya Haddad et les boxeurs. Les prévisions le concernant se sont vérifiées. En lui, le demi-fond algérien détient enfin le digne successeur du trio médaillé d'or aux Jeux olympiques (Morceli, Boulmerka, Benida Merrah). Au-delà de la victoire personnelle de l'Algérien Makhloufi, c'est le demi-fond maghrébin qui vient rappeler au monde que cette spécialité est redevenue l'apanage des athlètes maghrébins. Hier, les champions avaient pour nom Hassiba Boulmerka, Benida Merrah, Noureddine Morceli (Algérie), Saïd Aouita, Hicham El Guerroudj (Maroc) qui peuvent être satisfaits de voir que la relève est assurée avec Taoufik Makhloufi et Abdelaatif Iguider (Maroc) en champion du monde cadet de la distance. A présent, il s'agit de se projeter vers l'avenir, d'établir un bilan de la participation algérienne aux Jeux de Londres, sans passion, ni polémique. L'exploit (attendu) de Taoufik Makhloufi ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt, ni servir d'alibi à ceux qui ont une responsabilité dans la déconfiture enregistrée à Londres. Makhloufi ne doit pas être l'hirondelle qui fait le printemps. Pris en charge dès l'entame de leur carrière sportive, bien accompagnés, les sportifs algériens peuvent rivaliser avec leurs homologues des autres pays. Il y a des sportifs qui ont des prédispositions pour briller dans des disciplines qui jadis nous ont valu beaucoup de joie à l'instar du hand-ball, du judo, de la boxe, qui continue à donner satisfaction, malgré le peu de moyens mis à sa disposition, sans oublier le football, cette discipline «carnivore» qui malheureusement échoue aux épreuves qualifications aux JO avec la régularité d'une montre suisse. Les pouvoirs publics doivent prendre à bras le corps la problématique de la formation et la préparation de l'élite représentative dès les premières heures de l'initiation et de la pratique du sport. Sur ce chapitre, l'Algérie accuse un retard qui sera difficile à combler sans une réelle volonté du sommet de l'Etat de doter le sport algérien des moyens qui peuvent garantir sa réussite à travers une stratégie résolument engagée vers l'avenir et définitivement «libérée» des «bras cassés» qui parasitent le mouvement sportif national depuis des années. Les sportifs algériens et leur nouvelle idole ont besoin d'engagements suivis d'actes de la part de ceux qui ont le pouvoir de leur offrir les moyens de gagner des titres et du bonheur aux Algériens, bien plus que des messages de félicitations (de circonstances) même émanant du président de la République. Le sport algérien a besoin d'une seconde réforme. Sa prise en charge ne doit plus être confiée aux trabendistes qui dilapident les deniers publics au su et au vu de tout le monde. Une médaille en or aux Jeux olympiques, ce n'est pas beaucoup, mais ce n'est pas rien aussi. La performance de Taoufik Makhloufi a le mérite de mettre en exergue la vérité suivante. Lorsqu'ils sont placés dans d'excellentes conditions, bien, pris en charge pendant des années, les athlètes algériens, toutes disciplines confondues, peuvent nous valoir d'immenses satisfactions. Il suffit, pour cela, tout simplement le mettre le paquet pour extirper le sport algérien du marasme dans lequel l'ont confiné des apprentis sorciers.