L'artiste est la guest-star incontestable parmi la constellation de chanteurs qui se sont produits à l'occasion des soirées qu'organise la direction de la culture durant ce mois de Ramadhan. Le chanteur algérien d'expression kabyle, Takfarinas, a animé, jeudi, un spectacle explosif dans la ville de Tizi Ouzou où il a su subjuguer les milliers de personnes qui ont pris d'assaut le stade Oukil Ramdane. Il s'est produit dans un stade archicomble. Il était d'ailleurs quasiment impossible de gérer tout l'afflux du public, n'était la présence d'un important dispositif sécuritaire. Dès la rupture du jeûne, la ville de Tizi Ouzou était inondée de monde. C'est une marée humaine qui a déferlé sur la capitale du Djurdjura. Ils sont venus de partout. Des villages de la Kabylie, de Boumerdès, d'Alger et même d'Oran. Nous avons remarqué aussi, dans la rue menant vers le stade, deux heures avant le début du gala, une impressionnante foule qui nous a rappelé les grandes marches populaires qu'a connues la ville de Tizi Ouzou. A 21 heures, les guichets étaient déjà fermés. «Il n'y a plus de tickets», lançaient les préposés aux centaines de personnes qui arrivaient sans discontinuité. «Le stade est archicomble. Il n'y a plus de place dans les gradins», dira un père de famille, essayant de convaincre un agent de l'ordre de le laisser rentrer par le portail réservé à la presse et les musiciens. C'est vraiment historique, car, depuis des années, aucune manifestation n'a pu drainer autant de monde. C'est impressionnant. «Aucun autre chanteur ne peut rassembler autant de personnes, à part Matoub Lounès, qui avait rempli ce stade lors de son dernier gala, à Tizi Ouzou, en 1995», commentait un quinquagénaire qui cherchait, dit-il, ses enfants «noyés» dans la foule. 22 heures, les fans de Takfarinas continuaient d'affluer vers le lieu du spectacle, alors que l'intérieur du stade était carrément bondé. A l'exception d'un petit périmètre autour de la scène, même la pelouse était totalement occupée par le public. La soirée de jeudi sera certainement mémorable pour bon nombre de personnes qui voulaient surtout voir pour la première fois leur idole se produire sur scène. «On est venus de Bouzeguène pour assister à ce spectacle. On s'attendait à cette affluence. D'ailleurs on a acheté les tickets deux jours à l'avance et on est venus avant la rupture du jeûne pour trouver des places», nous diront trois personnes dont la moyenne d'âge ne dépasse pas 30 ans. Des jeunes, des moins jeunes, des pères de famille, des femmes au foyer, de vieilles dames et même des chérubins qui n'ont même pas atteint l'âge scolaire ont convergé vers le stade Oukil Ramdane, qui était la destination incontournable des fans inconditionnels du fondateur de la Yal musique. Ce dernier a, faut-il le dire et le redire, de quoi se frotter les mains, compte tenu de la réussite de son rendez-vous à Tizi Ouzou. 22h40, Takfarinas fera son entrée tonitruante sur scène. Le public explose en criant, haut et fort, «Takfarinas, Takfarinas…» Un accueil chaleureux lui a été réservé. L'artiste amorce son concert avec Azul, Azul, une chanson rythmée, suivie d'un mixage de musique. Il annonce ainsi la couleur pour une soirée fantastique, dans la mesure où il tentait continuellement à mettre la barre très haut. Il a passé en revue les meilleures mélodies de son large répertoire. «Je suis revenu, aujourd'hui, au bercail. Après 22 ans d'absence, je chante dans ma région. C'est magnifique de retrouver ce beau public. Donc, on ne doit pas rater cette occasion pour faire une fête grandiose. Soyez rassurés, on va chanter jusqu'à l'aube», lance-t-il à l'adresse de l'assistance qui répliquait par des ovations. Sans trop tarder, il enchaîne, tel un magicien, avec la chanson Azar Azar (les origines, les origines) qui a emporté le public dans une atmosphère de joie indescriptible. Tout le mode s'est mis à danser, même dans les gradins. Des images de joie extrêmement belles. Le chanteur a fait vibrer le stade, à coups de décibels, par ses tubes très fascinants. Il n'a rien perdu de son dynamisme puisqu'il chantait, dansait en jouant à la guitare comme un maestro. Il enchaîne, ensuite, par A Yahviv (Cher ami), un texte qui a mis le feu aux poudres. Le public explose. Takfarinas n'a ménagé aucun effort pour agrémenter l'assistance d'autres mélodies envoûtantes. Il interprétera, entre autres, Dunith (La vie), Lezzayer Achu Itsyoughen ? (Que se passe-t-il en Algérie ?), Uliw (Mon cœur) et Ouiza, Ouiza. Puis, il frappera fort avec Zaâma, Zaâma, son fameux tube qui s'est distingué à l'échelle internationale. A chaque intervalle d'une série de chansons, l'artiste essaye de parler à son public. «Je suis heureux et très ému aussi de voir tout ce beau public à Tizi Ouzou, le bastion de toutes les luttes pour la démocratie, la liberté et la revendication identitaire. Je ne peux pas faire un concert sans rendre hommage à celui qui a donné beaucoup pour la culture berbère. C'est un honneur pour moi de chanter devant la mère et la sœur de Matoub Lounès qui mérite un grand hommage», dira-t-il à la foule où on a remarqué des larmes couler des yeux de Nna Aldjia, mère du Rebelle. Une image qui a ému Takfarinas, qui invitera ensuite le public à observer une minute de silence à la mémoire de tous les martyrs des causes justes. Sans trop tarder, il continue son show avec Aya Lounès. L'assistance reprenait en chœur «Matoub yela yela» (Matoub est immortel). Il terminera son spectacle en apothéose avec le sentiment d'un pari très réussi. «Je reviendrai à Tizi Ouzou pour animer un autre gala au stade de 1er Novembre afin de permettre à tous mes fans d'y assister», promet-il au public avant de quitter la scène.