En remontant sur scène pour la soirée, jeudi dernier, avec un spectacle extraordinaire, le chanteur Takfarinas a vite fait oublier au public de Tizi Ouzou sa longue absence de 21 années. Mais avec son retour sur une scène «élargie», au stade Oukil-Ramdane de la ville des genêts, c'est la «Yal music» qui rentre à la maison pour se ressourcer. L'époustouflant spectacle de Takfarinas a nécessité des mesures de sécurité impressionnantes, vu le nombre de fans qui ont fait le déplacement vers cette enceinte sportive. Un stade plein comme un œuf (gradins et pelouse) où quelque 10 000 personnes entre jeunes et familles se sont bousculées pour ne pas rater l'événement majeur que constituait le spectacle du phénoménal Takfarinas.Excité rien que pour avoir vu le chanteur, le public sera complètement ensorcelé par les œuvres que l'enfant de Tizi N'Tghidet (Yakouren) a choisies pour son spectacle de Tizi Ouzou. Aysiyi a Yemma, Lwaldin, Way telha, Lwisa, A'asas n zehriw, Tebbeg riri et bien évidemment Zaama zaama ont fait un plaisir immense au public de Tizi Ouzou dont une bonne partie est venue des localités les plus éloignées de la wilaya. Quand il introduit du son flamenco avec guitare sèche dans Lwiza, c'est la «yal music» (concept créé par Takfarinas) qui prend tout son sens, et quoi de plus normal que l'artiste implique le public, en l'exhortant à rétorquer avec des olé.«Cette musique est à vous ! Là où je l'ai chantée dans le monde, les gens l'ont aimée, ont été séduits», a lancé Takfarinas à l'adresse d'un public en délire. S'il a fait danser les jeunes pendant pratiquement toute la soirée, il fera également pleurer son public avec la chanson dédiée au rebelle Lounès Matoub et dans laquelle l'artiste a mis toute son émotion. A Lwennas fera briller de larmes les yeux de nombreux spectateurs, en commençant par la mère du rebelle présente à ce spectacle, en compagnie de Malika, la sœur du défunt Lounès. Avec deux bendirs, un violon et son mythique mandole à deux manches -fabriqué sur commande par un luthier d'Alger-, Takfarinas rendra un hommage appuyé à l'artiste assassiné avec une belle chanson chargé d'émotion, une belle œuvre mi-religieuse, mi-rock. A la fin de la chanson, et cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie oblige, il demandera aux 10 000 personnes présentes au stade Oukil-Ramdane d'observer une minute de silence à la mémoire de ceux qui sont morts pour libérer le pays et pour la liberté, la paix et la démocratie. Une démarche risquée mais Takfarinas réussira à imposer un silence religieux à une foule en transe quelques minutes plus tôt. «Vive l'Algérie ! vive l'Algérie ! vive Tamazgha». En lançant ces vivats, Takfarinas a montré non seulement son attachement à l'Algérie, mais a signifié aux partisans de l'autonomie qu'au lieu de chercher à émietter l'Algérie, il serait plus judicieux de rassembler tous les Imazighen du monde autour de Tamazgha, cette terre amazighe qui a enfanté l'Algérie.Quand il entonnera Zaama, zaama, cette chanson qui a traversé les frontières et les océans, c'est le délire qui reprend au sein d'un public qui dansait comme dans une chorégraphie, mais qui chantait aussi en compagnie de l'artiste, créant ainsi une osmose extraordinaire. Takfarinas, phénoménal qu'il est, achèvera cette chanson supposée être un tube d'été, par un morceau hard-rock qui donnera la chair de poule au public. En somme, la prestation de Takfarinas, la première depuis 1991, a été tout simplement magique pour le public mais aussi pour l'artiste qui n'a trouvé qu'un mot pour qualifier sa soirée et sa communion avec son public : «Magnifique !» Et pour rattraper le retard, il annoncera un autre gala dans la ville des genêts pour l'autonome prochain. «Ce sera le premier novembre au stade du 1er-Novembre», lancera-t-il en direction d'un public ravi. Une date et un lieu qui ne seront pas du goût de certains apprentis-sorciers.