Mémorable. C'est le moins qu'on puisse dire du concert de Takfarinas, animé jeudi soir au stade Oukil-Ramdane de la ville de Tizi Ouzou. Une marée humaine a envahi la capitale du Djurdjura une demi-heure seulement après la rupture du jeûne. C'est que personne ne voulait rater ce rendez-vous artistique de haute facture. Jamais de mémoire un chanteur n'a été accueilli de la sorte en Kabylie. Il n'y avait que Matoub Lounès qui drainait autant de monde dans les stades. Une heure avant le début du gala, l'arène Oukil-Ramdane était déjà pleine comme un œuf. Les tribunes et le terrain sont noirs de monde. Des milliers de personnes, tickets à la main, n'ont même pas pu y accéder. Hommes et femmes se sont entassés comme des sardines sans se plaindre. Les services de sécurité ont eu toutes les peines du monde à gérer cette déferlante humaine venue assister au gala de leur idole, Takfarinas, qui n'a pas chanté à Tizi depuis 21 ans. Le retour du fils prodige dans sa région natale a constitué, pour ainsi dire, l'événement de ce mois de Ramadhan. Comme il fallait s'y attendre, la soirée a été remarquablement chargée d'émotion. Elle sera à jamais intégrée dans les annales des manifestations culturelles à Tizi Ouzou. Après plus de deux heures d'attente, le King de la chanson yal apparaît enfin en sur la scène. Le public a été pris d'une émotion qui ne finira pas de monter toute la soirée. C'est avec des applaudissements, youyous stridents et cris de joie que Takfarinas a été accueilli par le public de sa région. L'enfant prodige de Tixeraïne, primé au même titre que Michael Jackson en Afrique de Sud par Nelson Mandela en 2001, a répliqué à ses fans par sa célèbre chanson Azul. Il n'a rien perdu de sa verve artistique. Il chante, danse, swingue toute la soirée au grand bonheur de l'assistance qui a été à son tour emportée dans une véritable overdose de plaisir. En chantant Douga Douga, chanson dans laquelle Takfarinas exprime l'embarras du choix pour quel parti politique opter en Algérie, il a voulu rappeler sa neutralité politique depuis le début de sa carrière artistique à son public. Une manière pour lui de répondre à ses détracteurs suite à la polémique suscitée après son appel au vote pour les dernières législatives. Tabagriri, tube de l'année 1996, interprété magistralement par son auteur dans un timbre de voix unique, a mis le feu au stade. Arouh, Ouiza, Roza, Waytelha, Inid ih, autant de chansons qui ont envoûté l'assistance. Puis vint le moment fort de la soirée. C'est lorsque Takfarinas a chanté sa chanson Ouminghrargh (je ne crois pas) en hommage au Rebelle Matoub Lounès que le public s'est levé comme un seul homme pour reprendre en chœur cet hymne consacré au Rebelle. Une minute de silence a été également observée à la mémoire de Lounès. Le stade a été illuminé par des milliers de bougies. La scène était émouvante. Na Aldjia, la mère de Matoub et sa sœur Malika, qui étaient présentes, ont versés des larmes. Assa Azeka, Lounès yella yella (aujourd'hui et demain Lounès est toujours présent) scandait à tue-tête le public, plusieurs minutes durant. «On peut pas oublier un homme comme Matoub Lounès», déclara Takfarinas. Nna Aldjia lui a remis un bouquet de fleurs et un burnous blanc. Tel un cavalier sur sa selle, le chanteur Takfarinas avait interprété ses vieilles chansons qui ont marqué ses premiers succès durant les années 1980. Pour les chansons de son nouvel album, il n'a pas omis d'interpréter Mazal oumazal dans laquelle il dénonce ceux qui ont renié leurs origines amazighes. Dans l'un des refrains, il indiquera que le peuple berbère résistera et sauvegardera sa culture et sa langue jusqu'à l'éternité quel que soit le prix à payer. «Des milliers de Berbères naissent chaque jour», chante-t-il. La chanson El waldine (les parents) a agrémenté le spectacle. Par respects pour les parents, tous les présents se sont assis par terre. En somme, la soirée de ce jeudi restera parmi l'un des plus importantes haltes artistiques de ces dernières années.