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«Les Syriens qui débarquent à Alger seront transférés directement au centre d'accueil»
Samir Satouf. Coordinateur de la communauté syrienne en Algérie
Publié dans El Watan le 11 - 08 - 2012

Membre fondateur du Conseil national syrien qu'il représente au niveau du Maghreb et coordinateur de la communauté syrienne en Algérie, Samir Satouf affirme que les réfugiés qui préfèrent la mendicité au centre d'accueil doivent avoir des objectifs malsains. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il annonce que les autorités algériennes ont pris plusieurs mesures, dont la délivrance de titres de séjour provisoires aux réfugiés, le transfert de tout Syrien arrivé en Algérie vers le centre d'accueil et l'inscription des enfants dans des écoles.
-Le ministre de l'Intérieur a avancé le nombre de 12 000 Syriens qui ont fui la guerre dans leur pays pour venir s'installer en Algérie et vous-même, vous aviez parlé de 25 000. Qu'en est-il au juste ?
En l'absence de statistiques fiables, nous sommes dans l'obligation de prendre en compte le nombre annoncé par le ministre de l'Intérieur. Il se pourrait que 12 000 Syriens aient pu franchir les frontières de l'Algérie depuis un peu plus d'une année. Mais sont-ils tous des sinistrés ? La question reste posée. Il faut savoir que la communauté syrienne résidente en Algérie compte 8000 ressortissants qui reçoivent régulièrement leurs familles respectives et qui se déplacent aussi vers la Syrie. Lorsque le ministre de l'Intérieur parle de 12 000, c'est certain qu'il se réfère à une donnée fiable.
Mais peut-on considérer tous les Syriens rentrés par les postes-frontières comme étant des sinistrés ? Je ne le pense pas. La question des chiffres et des mendiants est devenue un sujet politique qui suscite une vive polémique que ce soit en Algérie ou ailleurs. Comment autant de personnes ont-elles pu rejoindre l'Algérie, un pays qui n'a pas de frontière avec la Syrie, sachant que le voyage est quand même un peu cher ? Il se peut que le chiffre de 12 000 dont parle le ministre de l'Intérieur soit celui de tous les Syriens rentrés en Algérie depuis un peu plus d'une année. Les sinistrés pourraient atteindre les 4000 à 6000 personnes.
-Nous sommes loin des 25 000 ressortissants syriens présents en Algérie que vous avez évoqués lors de votre rencontre avec Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de défense des droits de l'homme…
Ce chiffre nous a été donné par une autorité officielle algérienne. J'avais un peu de doute sur sa fiabilité et j'ai d'ailleurs dit à Me Ksentini, qu'en l'absence de statistiques fiables, nous ne pouvons le remettre en cause. Mais le nombre avancé par le ministre de l'Intérieur reste le plus proche de la réalité, mais en ayant à l'esprit que les sinistrés représentent une partie seulement de ce chiffre. En tout état de cause, le nombre de ces gens importe peu. Ce qui compte pour nous, c'est le traitement qui leur est accordé. En tant que membre du Conseil arabe syrien et représentant pour la région du Maghreb, nombreux de mes compatriotes m'interpellent parfois pour me faire état d'un dérapage, parfois pour me demander ce qu'il faut faire, etc. J'ai constaté que beaucoup ont subi des maltraitances dans les aéroports. Cela peut être le comportement individuel d'un agent, mais le fait est là.
Enfin, j'ai également remarqué que cette question des réfugiés ou plutôt des sinistrés syriens suscite de vives polémiques. Je refuse catégoriquement qu'elle soit utilisée pour nuire à l'Algérie ou à la Syrie.
-Selon vous, comment tous ces Syriens sont-ils venus de Syrie ?
Je pense qu'il y a une forte proportion, peut-être la majorité, qui est venue par route et non pas par avion. Ils ont traversé l'Egypte et la Libye avant de rejoindre le territoire algérien. Il est possible qu'ils aient réellement fui la violence qui sévit dans le pays, mais il se peut également qu'il y ait parmi eux des personnes malintentionnées qui profitent de la situation pour s'infiltrer dans les rangs des sinistrés. Il faut savoir qu'en Syrie, il y a une communauté de gitans et de Turkmènes des régions frontalières avec la Turquie qui font de la mendicité leur profession quels que soient l'endroit ou le pays où ils s'installent. Ces derniers sont rentrés en Egypte, puis en Libye, mais les autorités des deux pays les ont démasqués. Ils se sont déplacés en Algérie, notamment à Alger, où leurs activités ont exacerbé les autorités.
Lorsque les services de sécurité ont commencé à réagir, ils ont rejoint Oran, où ils ont été signalés ces derniers jours. Demain, s'ils sentent qu'ils ont été encore une fois démasqués, ils iront au Maroc. La mendicité, c'est leur métier. Le Syrien qui vit dans la rue et qui refuse un toit suscite des interrogations. Pour moi, il a une arrière-pensée. Qu'il soit Turkmène, gitan ou Syrien tout court, il a le droit à une aide, mais si celle-ci est refusée pour continuer à fréquenter les mosquées, les marchés et les places publiques dans le but de s'enrichir, cela devient inacceptable. Depuis plus de 6 mois, j'essaie de traiter les problèmes administratifs qui sont plus importants que la nourriture et le toit.
-De quels problèmes s'agit-il ?
En fait, je voulais dire qu'il est plus facile de trouver des solutions aux problèmes de prise en charge, comme le toit et la nourriture, qu'à ceux des papiers. Je m'explique : avec les gestionnaires du centre d'accueil, nous nous sommes entendus sur les repas, parce que comme vous le savez, notre gastronomie diffère totalement de celle de l'Algérie. Un adulte peut se forcer à manger ce qu'il ne connaît pas, ce qui n'est pas le cas pour les enfants qui souvent préfèrent ne pas manger que d'avaler un plat qu'ils n'ont jamais goûté. Le problème a été résolu. D'ailleurs, je dirais même que le Syrien qui refuse de rejoindre le centre doit avoir un plan dans sa tête. Les gitans ont droit à une aide, mais avec les autres et dans un cadre organisé. Le régime syrien tente d'utiliser tous les moyens pour terroriser sa population.
Fort heureusement, les services de sécurité algériens ont pu neutraliser certains agents du régime qui se sont infiltrés avec de faux passeports turcs et qui avaient pour mission la liquidation d'opposants syriens activant en Algérie. Revenant aux problèmes administratifs, il faut savoir que l'ambassade de Syrie est devenue celle du régime et non pas celle de l'Etat. Elle refuse de prendre en charge les préoccupations de ses ressortissants. Ceux qui sont en Algérie ne sont pas tous contre Bachar Al Assad, mais également des gens qui n'ont rien à avoir avec la politique. Ils ont fui la guerre en attendant des jours meilleurs. L'ambassade n'a pas le droit de fermer ses portes à ses ressortissants. En France et en Grande-Bretagne, lorsque les chancelleries syriennes faisaient le chantage aux Syriens, les ministères des Affaires étrangères des deux pays ont réagi et mis un terme à ces agissements. A Alger, l'ambassade joue un rôle malsain.
Lorsqu'un de nos compatriotes la sollicite pour un quelconque document, elle lui confisque le passeport. C'est très grave. Il faut que les autorités algériennes interviennent elles aussi. Un acte de naissance est un droit. Même les résidents ne peuvent plus avoir de documents pour les inscriptions scolaires de leurs enfants. L'ambassade a créé une situation très complexe qui nous a poussés à solliciter les autorités algériennes afin qu'elle facilite l'obtention des titres de séjour provisoires et les inscriptions des enfants dans les écoles. Nous avons eu des promesses pour que des titres de voyage soient délivrés, mais aussi pour que tous les enfants soient inscrits à l'école à la prochaine rentrée scolaire.
-Confirmez-vous que le délai de séjour sera prolongé pour tous les réfugiés ?
Je peux vous dire que les autorités ont instruit tous les walis pour que les délais de séjour soient provisoirement prolongés jusqu'à ce que la situation en Syrie s'améliore. Nous attendons que cette décision soit entérinée par voie légale. L'autre problème qui a été discuté est celui lié à la scolarisation des enfants, non seulement des réfugiés, mais également des résidents qui n'arrivent plus à obtenir leurs papiers auprès de l'ambassade. Les autorités ont promis de permettre à tous les enfants de rejoindre les bancs de l'école.
-Les réfugiés ou les sinistrés, comme vous les appelez, sont-ils des demandeurs d'asile ou cherchent-ils le statut de réfugiés ?
Rares sont ceux qui demandent le statut d'asile politique, parce qu'ils ont peur de l'avenir. Ne pensez pas que ceux qui ont fui sont tous des révolutionnaires. Il y a aussi ceux qui ont peur de ce que peut leur réserver l'avenir après la chute du régime, ceux qui veulent préserver juste leur vie.Le régime a suscité la terreur chez les gens. En Syrie, vous pouvez violer toutes les lois, pourvu que vous ne fassiez pas de politique. Lors de nos discussions avec les autorités en ce qui concerne l'asile politique, nous nous sommes rendus compte qu'il n'y a pas de cas référentiel pour nous guider. Ça sera discuté au cas par cas. De toute façon, nous savons que le nombre de ces demandeurs est infime et leurs dossiers seront traités au cas par cas. En fait, lorsque tous les problèmes administratifs seront résolus, le nombre de demandeurs d'asile serait vraiment insignifiant.
-Le ministre de l'Intérieur a mis en garde les réfugiés contre toute persistance à occuper les espaces publics et menacé de recourir à la loi. Comment trouvez- vous cette décision ?
Pour moi, tous ceux qui refusent de rejoindre les centres d'accueil sont suspects. Ceux qui refusent de se soumettre à la loi et aux structures qui organisent l'aide humanitaire ont d'autres objectifs en tête, et l'Algérie est en droit d'utiliser tous les moyens pour les remettre à leur place.
-Y a-t-il encore des Syriens qui arrivent ?
Oui, certainement. Ce qui pose problème, c'est qu'il n'y pas de structure qui puisse suivre tout le monde et avoir les informations en temps réel. Lors des discussions avec les autorités, j'ai compris qu'une décision a été prise pour que dans les aéroports, à chaque fois qu'un Syrien arrive, il sera pris en charge par les volontaires du Croissant-Rouge algérien pour être transféré directement au centre d'accueil de Sidi Fredj. Nous avons quelques informations sur ceux qui sont à l'intérieur du pays. Ils ont très peur de se déclarer et préfèrent rester dans l'anonymat. Même les Syriens qui ont plus de 30 ans ici en Algérie ont peur de prendre contact avec moi. Ils sont terrorisés par ce régime.


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