La situation des Syriens en Algérie se complique davantage. Ces derniers préfèrent occuper la rue que de rejoindre le centre d'accueil de Sidi Frej. Jusqu'à hier, seules deux familles ont accepté de s'y installer et deux autres devaient le faire en fin de journée. Pour le Croissant-Rouge algérien et le coordinateur de la communauté syrienne en Algérie, les raisons de ce refus sont inexplicables. «Nous avons engagé tous nos moyens humains et matériels pour assurer une bonne prise en charge d'au moins 250 personnes, constituant les capacités du centre, mais jusqu'à présent, les familles préfèrent rester au square Port-Saïd, profitant de la générosité des Algériens», déclare Lahcène Bouchakor, secrétaire général du CRA. Il précise que les autorités «ont mis le paquet pour garantir aux familles un toit et la nourriture, mais également une assistance sanitaire. Il s'agit d'une solidarité au sens large du terme. L'Etat s'est engagé à mettre en œuvre toutes les conditions nécessaires pour une vie décente jusqu'à ce que la situation dans leur pays s'améliore. De ce fait, l'opération de prise en charge n'a pas été limitée dans le temps». Et d'ajouter : «Tous nos efforts sont concentrés sur la sensibilisation des adultes, sur la nécessité de mettre les enfants dans le centre afin que nous puissions les recenser dans la perspective d'une scolarisation. La rentrée scolaire est pour bientôt, il est important d'avoir la liste des enfants à scolariser afin de les inscrire dans les établissements», explique M. Bouchakor. Tout le monde sait maintenant que le nombre de ces réfugiés est loin d'être connu. Si le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, parle de 12 000 réfugiés, Samir Satouf, coordinateur de la communauté syrienne en Algérie, avance un chiffre de 25 000 Syriens ayant fui leur pays, entre ceux qui étaient présents en Algérie et qui ne peuvent plus rentrer chez eux et ceux qui sont venus depuis la guerre en Syrie. «Personne ne peut estimer le nombre de Syriens réfugiés, parce qu'ils sont éparpillés un peu partout sur le territoire algérien. Beaucoup ont été pris en charge par leur famille, d'autres sont dans des hôtels, et rares sont ceux qui ont opté pour la mendicité. Nous pensons que ces derniers sont des gens manipulés par les services syriens. Ils sont là pour faire des problèmes aux vrais sinistrés qui arrivent en Algérie, depuis plus d'une année. Ils sont tétanisés par la peur. Les services algériens ont été informés et restent d'ailleurs très vigilants sur cette question», déclare M. Satouf, précisant que les rencontres avec les autorités algériennes ont permis de régler de nombreux problèmes, notamment administratifs. «Nous avons eu des promesses pour que les Syriens, qui dépassent les 3 mois de séjour légal, puissent avoir des documents pour circuler jusqu'à ce que la situation au pays soit plus calme. Des centres d'accueil ont été mis en place et nous espérons que tous ceux qui n'ont pas les moyens de vivre décemment rejoignent ces structures et ne restent pas dans la rue», conclut M. Satouf. M. Bouchakor, quant à lui, estime que les discussions qu'il a eues avec les réfugiés lui ont permis de comprendre, quelque peu, la réaction des réfractaires. Il affirme : «Beaucoup de Syriens ont peur de se retrouver privés de leur liberté dans un centre de rétention comme cela a été le cas pour bon nombre d'entre eux en Turquie, non loin de la frontière avec la Syrie. D'après les discussions que nous avons eues avec les familles, certains Syriens ont peur de faire l'objet d'une procédure d'expulsion étant donné l'expiration de leur délai de séjour de trois mois, vu qu'ils sont venus en touristes. D'autres, plus nombreux, craignent une éventuelle infiltration par leurs compatriotes pro-Bachar Al Assad, alors qu'une autre catégorie, composée de gitans, préfère la rue et la mendicité à la sécurité d'un centre d'accueil. Nous avons réussi à sensibiliser quelques familles qui ont promis de rejoindre Sidi Fredj. Nous ne pouvons pas assurer une quelconque aide humanitaire si les gens ne sont pas regroupés dans des structures. Des consignes ont été données à tous nos comités dans toutes les wilayas où des Syriens ont été signalés afin qu'ils les regroupent pour les prendre en charge totalement dans des centres d'accueil. Pour l'instant, seul le centre de Sidi Fredj a été ouvert en attendant que les familles se fassent connaître. Nous faisons tout ce qui est de notre ressort pour leur expliquer qu'il ne s'agit pas d'un centre de rétention, ou de privation de liberté, mais plutôt une structure d'accueil où les enfants et les personnes vulnérables puissent trouver toutes les conditions pour une vie décente en attendant des jours meilleurs», souligne M. Bouchakor.