Mouloud Aounit, ancien président du MRAP et conseiller régional d'Ile-de-France, est décédé hier matin à l'âge de 59 ans, des suites d'une tumeur au cerveau, à l'hôpital Salpêtrière l Issu de l'immigration algérienne en France des années 1950, Mouloud Aounit a consacré sa vie à la lutte contre le racisme, les discriminations et pour l'égalité de droits des immigrés dans une société où ils ont fait le choix de s'enraciner. Paris De notre correspondante M ouloud Aounit était de tous les combats, de toutes les causes pour la justice, la dignité et le respect des droits et libertés humains sans distinction de race, de religion ou d'origine, de la marche des beurs à la défense des sans-papiers, pour l'abolition de l'apartheid en Afrique du Sud, pour la défense de la cause palestinienne, au sein du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) dont il a été secrétaire général puis président durant de nombreuses années. Il a aussi soutenu les Algériens qui avaient fui le terrorisme des années noires. Il avait, avec d'autres enfants d'immigrés comme Mehdi Lalaoui ou Samia Messaoudi – à l'origine de l'association Au Nom de la mémoire – œuvré inlassablement à la reconnaissance par l'Etat français du 17 Octobre1961. Mouloud Aounit estimait «que l'égalité doit être une pratique et non un slogan» ; il n'avait de cesse de dénoncer «une France figée, bloquée, qui refuse de s'accepter telle qu'elle est» (interview à El Watan le 13 mars 2011). Dans cet entretien, il dénonçait «l'instrumentalisation et le piège que peut représenter ce concept de diversité qui, de fait, n'est qu'un alibi et un faire-valoir au détriment d'un traitement égalitaire de l'ensemble des citoyens français. La faiblesse de la représentation de la diversité à l'Assemblée nationale, aux élections régionales, dans la haute fonction publique, de manière générale dans les lieux de pouvoir, valide une France figée, bloquée, qui refuse de s'accepter telle qu'elle est et de traiter de manière équitable en termes de droits l'ensemble de ses citoyens. Pour preuve, outre les discriminations que vivent ces jeunes Français issus de l'immigration algérienne (4e génération) et malgré des réussites significatives au prix d'efforts colossaux, il se trouve, fait révélateur, des personnes touchant le grand public qui livrent sans retenue le positionnement de la France vis-à-vis des populations algériennes et leurs enfants». Mouloud Aounit a été le premier à utiliser le terme «islamophobie», définissant celle-ci comme une nouvelle forme de racisme. Dans ce même entretien, il nous expliquait que l'islamophobie a en partie remplacé le racisme traditionnel antimaghrébin : «L'islamophobie a remplacé en partie le racisme traditionnel. On n'attaque plus tellement le Maghrébin parce qu'il est Maghrébin, mais parce qu'il est musulman. Nous vivons la banalisation de ce racisme depuis le 11 Septembre 2001. Pourtant, les rapports de l'ONU et de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance ont tiré la sonnette d'alarme sur la montée du racisme et l'islamophobie en Occident. Pour notre part, depuis 2003, face à un développement inquiétant des passages à l'acte islamophobes (discriminations, provocations publiques, injures, profanation de lieux de culte, de cimetières), nous n'avons eu de cesse d'alerter les pouvoirs publics sur l'impérieuse nécessité d'une mobilisation contre l'expression de cette forme nouvelle de racisme. Force est de constater que 7 ans après, le gouvernement reste sourd à cette exigence de réparation, de justice, de dignité. Immobilisme vénéneux qui de fait participe à la banalisation et au passage à l'acte islamophobe.» Né le 23 février 1953 à Timezrit, Mouloud Aounit était arrivé à l'âge de trois ans à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), ville où il a fait toute sa carrière. Il avait été élu au conseil régional d'Ile-de-France, à la tête de la liste présentée par le Parti communiste français en Seine-Saint-Denis. Il avait été président du MRAP de 2004 à 2008, et président de l'Association 93 au cœur de la République. Le cinéaste Jean-Michel Riera avait commencé à réaliser un documentaire sur cette grande figure de l'antiracisme. Marié et père de deux enfants, Mouloud Aounit était chevalier de la Légion d'honneur et de l'Ordre national du mérite.