On s'attendait à ce que le long entretien accordé à la chaîne de télévision privée Ennahar TV par le général-major à la retraite Khaled Nezzar suscite un large débat public dans les médias, au sein de l'opinion et de la classe politique de par les informations de première importance et les révélations faites sur la période sensible durant laquelle il avait assumé de hautes fonctions au sein de l'armée et au Haut-Conseil d'Etat (HCE), instance présidentielle collégiale mise sur pied après le départ de Chadli Bendjedid. Pour l'heure, il n'en est rien. Pourtant, des noms de personnalités politiques et militaires de haut rang sont cités – certains nommément mis en cause pour leur duplicité avec les islamistes – dans sa présentation des faits ayant marqué cette période tourmentée de l'Algérie des années 1990 en proie à la violence islamiste. Des documents inédits sous forme de rapports internes de la hiérarchie militaire, des analyses personnelles sont produits pour étayer ses propos ; autant de matériaux de première main qui auraient pu et dû contribuer à ouvrir un débat public contradictoire pour faire la lumière sur cette page sombre de notre histoire. D'autant que, fait inédit, c'est la première fois que des sujets tabous sont abordés publiquement sur une chaîne de télévision algérienne par un ancien haut responsable militaire, de surcroît, acteur de premier plan dans la gestion de la donne sécuritaire durant la décennie noire qu'avait vécue notre pays. Médiatiquement, Khaled Nezzar a marqué des points en faisant montre d'une infinie disponibilité à répondre à toutes les questions du journaliste, même celles qui pouvaient paraître particulièrement embarrassantes. A-t-il convaincu ? La réponse à cette question est diversement appréciée selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre de la barrière par rapport à l'appréciation que l'on se fait des événements de cette période. Mais la première question qui vaut d'être posée concernant cette sortie cathodique de Khaled Nezzar – lequel n'a jamais été aussi loin en confidences et révélations, allant pour la première fois jusqu'à faire part d'une conversation entre lui et le général Toufik, sorti de l'ombre à propos d'un voyage que projetait d'effectuer au Maroc l'ancien président Mohamed Boudiaf – c'est bien celle-là : qu'est-ce qui a poussé le général-major à faire un tel déballage maintenant ? Le choix du support médiatique est un autre élément que ne manqueront pas d'exploiter ses adversaires pour crier à la manipulation et accuser le général d'avoir été envoyé au charbon en mission commandée. De par les responsabilités qu'il a eu à assumer, il est d'une certaine manière l'avocat commis d'office pour toute l'équipe qui a eu à gérer les affaires du pays durant cette période. Sur un autre plan, certains y voient un lien direct entre sa plaidoirie sur la chaîne privée Ennahar et ses démêlés avec la justice suisse. Une plaidoirie qui résonne comme une bataille judiciaire menée à distance à partir de l'Algérie. Pour le reste, est-ce que dans ses confidences, Khaled Nezzar a dit des vérités, toutes les vérités, sans chercher à dédouaner qui que ce soit ou tirer la couverture à soi ? Chacun appréciera selon ses convictions et sa propre grille de lecture.