Le talk-show très attendu du général-major Mohamed Touati a été une minutieuse plaidoirie de l'interruption du processus électoral de 1991. L'intervention du général-major Mohamed Touati, conseiller aux affaires de défense à la présidence de la République, a été le troisième point fort de la troisième et dernière journée du colloque international d'Alger sur le terrorisme, qui a clôturé ses travaux hier à Club des Pins. Le premier a été celui, en début d'après-midi, d'Yves Bonnet, préfet honoraire et ancien directeur de la DST française, sur «les exigences d'une coopération internationale de lutte contre la déstabilisation des Etats par la violence et leur implication dans la politique internationale». L'ex-homme fort du renseignement français a longuement parlé des mérites de la coopération bilatérale des services spéciaux et de la capacité de ceux-ci de transcender, dans le bien des deux pays, des pesanteurs diplomatiques. «La coopération en matière de sécurité entre la DST et les services algériens remonte au début des années 80, et a donné d'excellents résultats», a-t-il dit. La seconde allocution de l'après-midi a été donnée par Ali Tounsi, directeur-général de la Sûreté nationale, lequel a fait un large survol de la situation sécuritaire durant la dernière décennie et l'évolution de la police au gré de cette tragédie. A 16h 30, le général-major Mohamed Touati faisait son entrée dans la salle. Très attendue par les uns, appréhendée par les autres, l'intervention du conseiller aux affaires de défense à la présidence a été une longue plaidoirie de près d'une heure pour l'armée et le rôle joué par celle-ci depuis l'arrêt du processus électoral. Pour Touati, dont l'intervention s'intitulait: «L'Armée nationale populaire face au danger d'effondrement de l'Etat-nation», les décisions entreprises par les militaires depuis 1991 «avaient été dictées par le devoir et par des mobiles supérieurs». Selon Touati, «Chadli n'avait pas été soumis à des contraintes», et tout ce que le Président, démissionnaire le 11 janvier 1992, avait entrepris, «il l'avait fait de son plein gré, libre de ses mouvements et exerçant pleinement ses prérogatives présidentielles». L'interruption du processus électoral et la confiscation de la victoire du FIS ont constitué le point fort de son intervention. Pour le général-major, les troubles dus à l'effervescence islamiste ont fait que beaucoup de personnes, devant la «fin de règne» du régime, avaient commencé à diriger leur regard du côté de l'autorité militaire. «Le danger de troubles graves était certain et le gouvernement en était conscient, ainsi que les autorités militaires vers lesquelles les regards se tournaient de nouveau.» Pour ceux qui étaient conscients des enjeux en cause et des périls menaçants, l'entre-deux tours fut une période infernale. Et le général-major d'ajouter: «Je vous assure que si le mot ‘'paroxysme'' existe en matière de stress et de dilemme, c'est à ce moment-là que nous l'avions atteint.» «Le FIS, en fait, ne voulait pas de la Constitution», a-t-il clamé, alors que l'armée n'a pas transgressé, a-t-il dit, les lois de la République. «Remarquez que la démission du Président de la République n'a pas entraîné le départ du gouvernement, qui est resté en place pratiquement dans sa totalité jusqu'en août 1992.» La constitution du HCE, son départ, l'instauration d'un HCS puis le cheminement vers l'élection présidentielle de 1995 ont été autant d'étapes où l'armée a démontré qu'elle «n'était ni une dictature ni une junte». Aussitôt sa mission arrivée à terme, le général-major Khaled Nezzar a cédé la place et est parti, comme tous les autres membres du HCE sans aucune autre faveur pour lui. Revenant au terrorisme que représentait la violence armée liée à l'islamisme, Touati dira: «Zeroual avait fini par s'apercevoir que le dialogue avec le FIS ne menait à rien». Quant à la déferlante terroriste qui s'abattait sur le pays, il dira: «Cela est une caractéristique du précédent algérien: il n'y avait pas de limite, pas d'échelle, de cibles au terrorisme algérien. C'était une guerre totale de type terroriste, inconnue jusqu'ici». En clair, Touati a disculpé l'armée de toute action totalitaire ou dérivante, et, au contraire, a tenté de démontrer que tout, pratiquement tout, est venu avec l'entrée en lice de l'islamisme politique. Dur exercice de style dont il est sorti indemne. Dans son point de presse qu'il a organisé en fin de journée, le général-major souligne que la concorde civile est du ressort du Président de la République et que c'est l'armée qui était l'auteur originel de l'idée, le Président ayant donné une couverture juridique à cette action. Néanmoins, devant l'insistance des journalistes, il exprime le fond de son souci: «C'est au Président d'expliquer les contours de la concorde civile.» Ces affirmations mettront-elles un terme pour autant aux thèses, véhiculées et amplifiées sur d'éventuelles divergences de vue au plus haut palier de l'Etat?