Mettez côte à côte le document remis à la commission des réformes de Bensalah par le général-major et ancien ministre de la Défense nationale, Khaled Nezzar, au titre de ses propositions au débat et un autre projet de société d'un parti d'opposition ayant boycotté les consultations, et cherchez l'erreur ! Il n'y en a presque pas. Du moins du point de vue du fond doctrinal des changements démocratiques que Nezzar propose. Quand on égrène les axes de réflexion de la feuille de route pour une Algérie «démocratique et républicaine» que le général-major Nezzar soumet à la commission et, au-delà au président Bouteflika, on a du mal en effet à croire que le document émane d'un haut gradé de l'ANP qui a occupé les plus hautes fonctions au sein de la hiérarchie militaire et au sein de l'Etat, en tant que membre du Haut comité d'Etat ( HCE ), au niveau de la direction collégiale mise en place après l'assassinat de Boudiaf. A chaque fois que le général Nezzar s'invite ou est invité au débat public, à l'occasion d'un événement politique ou culturel dans le cadre de ses activités nouvelles d'écrivain, la même interrogation fuse : le général parle-t-il pour lui même ou bien n'est-il que le poste avancé de forces, de lobbies engagés dans des luttes de sérail ? Autrement dit, les changements auxquels appelle le général Nezzar procèdent-ils d'une conviction démocratique profonde ou bien d'un jeu d'appareil dont on dit qu'il est difficile d'en sortir après avoir fait comme le général Nezzar une longue carrière à l'ombre du système en place ? Une certitude, c'est que quand on a le parcours de Nezzar, qui fut l'homme fort du régime dans les moments difficiles qu'a eu à traverser l'Algérie où il a eu à jouer un rôle capital dans la sauvegarde des valeurs républicaines du pays, on ne prend jamais de retraite. Le janviériste d'hier qui a pris la responsabilité de donner un coup d'arrêt au projet islamiste a-t-il gardé l'arme au pied ? Depuis l'arrivée de Bouteflika aux commandes du pays, Nezzar s'est imposé comme règle cardinale de ne pas chasser sur ses terres, connaissant la personnalité de l'homme et ses capacités de nuisance quand on se frotte à lui un peu trop à son goût. Depuis les propos peu gratifiants qu'il avait tenus sur Bouteflika après son élection en 1999, le qualifiant de «canasson», ses commentaires sur l'homme et son action sont devenus rarissimes. Les conditions politiques internes et externes sont-elles aujourd'hui plus favorables au général pour repartir à l'assaut et remettre en mouvement le projet républicain dont il s'estime, d'une certaine façon, le garant moral en tant qu'acteur de premier plan du coup d'Etat constitutionnel de janvier 1990 qui a barré la route du pouvoir au parti islamiste dissous ? Même les sujets qui fâchent le président Bouteflika y figurent dans le document remis à la commission tels que la limitation du mandat présidentiel, l'alternance au pouvoir, la primauté de la légitimité constitutionnelle sur la légitimité révolutionnaire... En acceptant de répondre à l'invitation au dialogue, Nezzar n'ignore pas qu'il joue sa crédibilité. A-t-il reçu des garanties de Bouteflika selon lesquelles il serait prêt à aller loin dans les réformes ? A-t-il été chargé d'un travail de génie civil (militaire ?) pour déblayer et baliser le terrain devant conduire aux réformes ? Avec le général-major à la retraite, Mohamed Touati, désigné comme membre de la commission Bensalah et la sortie politique et médiatique remarquée du général- major Khaled Nezzar beaucoup se posent déjà la question de savoir si ce n'est pas l'armée qui pilote le débat sur les réformes politiques.