Le président du Syndicat national des magistrats (SNM), Djamel Aïdouni, a déclaré hier, lors de son passage au forum d'El Moudjahid, que les plus grandes contraintes auxquelles font face les magistrats restent le volume important des dossiers qu'ils traitent. Il a expliqué cette situation par le manque flagrant des juges au nombre de 2800, pour une population de 32 millions. Le premier responsable du syndicat est revenu sur l'assemblée générale de son organisation tenue, il y a une semaine, ainsi que l'élection d'un nouveau bureau exécutif, les modifications du statut de l'organisation et les recommandations qui ont sanctionné les travaux de cette rencontre. « Nous avons amendé notre statut dans le but de donner plus de prérogatives au conseil national, notamment dans le contrôle du bureau exécutif dont le mandat a été revu à trois ans, au lieu de deux ans. Nous avons également demandé à ce que les nominations aux fonctions judiciaires relèvent du CSM, au lieu de la chancellerie, que le syndicat soit impliqué dans la formation des magistrats et que le bureau permanent du CSM soit installé et bénéficie d'un siège. » Interrogé sur le projet de la charte d'éthique et de déontologie, préparé par la chancellerie, M. Aidouni a répondu que cette tâche a été confiée au CSM, qui a déjà installé une commission chargée de préparer les grandes lignes de ce code. « Même si la mouture a été élaborée par le ministère de la Justice, le dernier mot revient au CSM. » Sur les nombreuses sessions disciplinaires du CSM, et les sanctions prises à l'encontre des magistrats, M. Aïdouni a estimé que « pour la première fois, cette institution a traité les dossiers, et les décisions prises étaient vraiment à la hauteur. Il fallait qu'elle assainisse la situation ». Pour lui, la corporation des juges est la seule qui exige la déclaration des biens sous peine d'une suspension. Sur la question de l'abolition de la peine de mort, M. Aïdouni a déclaré que les avis sont partagés sur le sujet, précisant toutefois que celle-ci a été abolie en ce qui concerne les crimes économiques. Le président du SNM a déclaré que la justice algérienne est souveraine, et « ne peut accepter que des magistrats britanniques suivent les islamistes algériens extradés vers l'Algérie pour voir s'ils sont bien jugés ou non. ». Au sujet des rapports établis par les ONG internationales, et même par la Commission nationale des droits de l'homme, qui ont dressé des tableaux noirs sur la situation de la justice marquée surtout par le recours systématique à la détention provisoire et la partialité des juges, il a noté que leurs contenus n'étaient pas objectifs. « Les ONG n'écoutent que ce qu'elles ont envie d'entendre. Pour ce qui est de la détention provisoire, elle reste du ressort exclusive du juge et de la chambre d'accusation, et sa durée est limitée par le code de procédure pénale. Avec un taux de 11%, soit entre 4000 et 5000 détenus, nous sommes vraiment dans les normes ». A propos des procès en cascade contre les journalistes, il a affirmé que les citoyens sont en droit de déposer plainte lorsqu'ils se sentent diffamés. « Aucun juge ne peut refuser une plainte. Néanmoins, de nombreux journalistes ont été acquittés ou relaxés au niveau de la cour, mais la presse n'en parle pas. Elle s'attarde beaucoup plus sur les condamnations. » Interrogé sur son avis en tant que syndicaliste à propos de l'incarcération des journalistes pour leurs écrits, il a déclaré : « C'est prévu par la loi, et la loi est faite pour être appliquée. Il faut peut-être appeler à ce que cette loi change. » Le magistrat a appelé les journalistes à se joindre à son organisation pour débattre de la question de la diffamation. « Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions. Une justice sans presse forte n'est pas une justice et une presse sans justice forte n'est pas une presse. Il faut conjuguer les efforts pour renforcer la justice. » A propos de l'application des dispositions de la charte, M. Aïdouni a tout simplement indiqué qu'il s'agit d'une loi, adoptée par le peuple, et doit être donc appliquée. « Nous ne pouvons plus rester continuellement à voir qui a tué qui. Nous mêmes avons perdu 47 de nos magistrats et nous pensons qu'il est temps de regarder vers l'avenir. » Pour ce qui est de l'absence de femmes dans le nouveau bureau exécutif, M. Aïdouni a noté : « C'est la démocratie qui a exclu les femmes et personne d'autre. »