Alors que Washington condamne le film qui a mis le feu aux poudres, le qualifiant d'écœurant, les protestations se sont poursuivies dans plusieurs pays musulmans. A Alger, les appels à manifester de groupes salafistes restent, pour le moment, sans écho dans la rue. En Libye, la population, quant à elle, préfère prendre ses distances avec les radicaux. La majorité des Libyens sont plutôt compatissants avec les Américains et prennent nettement leurs distances par rapport aux groupes islamistes radicaux suite aux incidents de Benghazi ayant coûté la vie à l'ambassadeur américain et trois de ses collaborateurs. Au moment où Mustapha Abou Chagour vient d'être élu Premier ministre de la nouvelle Libye et a promis de la rigueur en matière de sécurité, la rue politique et citoyenne libyenne se focalise plutôt sur la question sécuritaire et continue à discuter la manière adéquate pour faire face au terrorisme rampant en Libye. Plusieurs alternatives sont proposées, dont une intervention sur le terrain de forces étrangères pour éradiquer ce danger et épauler le gouvernement, encore fragile, dans sa lutte contre ce fléau. Mahmoud Jibril avait dévoilé de telles propositions lors de la présentation qu'il a faite des esquisses d'un éventuel programme gouvernemental. Les positions des partis politiques, de la société civile et des citoyens divergent, certes, par rapport à cette question bien qu'ils soient unanimes dans leur condamnation de toute atteinte au sacré. Comment se présente cet éventail de positions ? Malgré le large spectre des positions politiques exprimées par rapport aux incidents de Benghazi, notamment pour expliquer l'incapacité des forces sécuritaires à y faire face, nul n'a défendu de tels actes, même pas les islamistes radicaux de Ançar Charia. «Même si certains des partisans de notre mouvance ont été devant le consulat américain pour condamner l'atteinte au sacré, notre groupe n'était pas derrière l'organisation de cette manifestation et n'a jamais appelé à la violence contre les Américains», a affirmé Ali Sallabi, l'un de ses leaders les plus virulents. Il a rappelé que «le Prophète n'a jamais prêché la violence contre ceux qui lui étaient différents et les a ménagés». Si la position des islamistes radicaux est conciliante, celles des politiques et de la société civile sont bienveillantes envers les Américains. Ainsi, le populaire député de Benghazi, Salah Jaouda, a salué la mémoire de l'ambassadeur américain assassiné. «C'était un grand ami de la Libye qui s'est toujours tenu dans le camp du peuple, notamment dans la phase de la révolution. Il était à Benghazi pour assister à l'ouverture d'un centre culturel américain. Chris a d'ailleurs insisté à ce que ce centre soit ouvert à Benghazi et non à Tripoli. Il a voulu faire ce geste à cette ville symbole. Que Dieu ait son âme», a-t-il dit. Dr Slah Chérif, président de l'association d'amitié américano-libyenne, a rappelé que «le gouvernement des Etats-Unis a accordé 60 bourses à des étudiants libyens pour aller étudier dans les universités américaines, ce qui constitue le plus important lot de bourses par pays dans le monde et c'est grâce à Chris». Il a attiré l'attention sur le fait que près de 2000 étudiants libyens poursuivent leurs études aux USA, notamment dans des branches techniques et médicales. En plus, c'est la première fois que des manifestants sont descendus dans la rue en Libye pour condamner la violence islamiste radicale. Plusieurs centaines de manifestants ont investi la rue à Benghazi, la ville qui a vécu l'attaque du consulat américain 24 heures plus tôt. «Pour ce qui est de l'éventuelle intervention américaine en Libye, la rue libyenne n'en parle même pas. Elle est plutôt avide de se sécuriser et semble prête à payer le prix qu'il faut», pense le journaliste Ahmed Fitouri, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Mayadine.