En élisant avant-hier soir le pro-islamiste Mustapha Abou Chagour à la tête de l'Exécutif en Libye, le Conseil national général est allé contre la volonté du peuple qui a plébiscité les listes de Mahmoud Jibril lors des élections du 7 juillet 2012. Le vice-Premier ministre Mustapha Abou Chagour a en effet battu au cours du 2e tour et d'une courte tête le dirigeant de l'Alliance des forces nationales, Mahmoud Jibril dans la course à la présidence du gouvernement. Abou Chagour a obtenu 96 voix contre 94 voix pour Jibril. Le bureau du Conseil national général a eu recours à un deuxième tour pour départager les deux candidats arrivant en tête car aucun candidat n'a réuni la majorité absolue au premier tour. Mahmoud Jibril est arrivé premier avec 86 suffrages, Mustapha Abou Chagour est arrivé deuxième avec 55 voix, devant le candidat des Frères musulmans, Awadh Baraâssi, arrivé troisième avec 41 voix. Les cinq autres candidats n'ont obtenu que neuf voix ensemble. Lors du 2e tour, le report discipliné des 41 voix du candidat des islamistes, Awadh Baraâssi, au profit de Mustapha Abou Chagour l'a propulsé à la première place, alors que Mahmoud Jibril n'a récupéré que huit voix provenant des autres candidats.
Calculs politiques La réaction immédiate du camp de Mahmoud Jibril fut, certes, de féliciter Mustapha Abou Chagour, dans une logique de respect des règles du jeu démocratique. Toutefois, le vice-président de l'Alliance des forces nationales, Issam Mouay, n'a pas manqué d'exprimer son amertume, considérant que son parti est victime de « calculs politiques qui n'ont rien à voir avec la volonté du peuple ». « Plus d'un million de citoyens (sur les 1,7 million votants) ont choisi notre parti lors des élections du 07 juillet dernier », a-t-il rappelé, en exprimant sa déception que « ce choix populaire n'a pas été pris en ligne de compte». A une question sur la réaction de Jibril si jamais Abou Chagour lui propose le poste de vice-Premier ministre, le vice-président de l'Alliance a émis des doutes sur l'éventualité d'une telle proposition. «Ils sont plutôt occupés à une répartition partisane, plutôt qu'à une alliance nationale sur la base d'un programme politique», a-t-il regretté. De toutes les façons, il est encore tôt pour examiner une telle proposition. L'élection du chef du gouvernement est passée presque inaperçue dans la rue libyenne en raison de l'attaque terroriste perpétrée à Benghazi contre le consulat des Etats-Unis, qui a pris le devant de la scène. Ceci n'a pas empêché plusieurs parmi les manifestants de la place d'Algérie à Tripoli, venus pour condamner le terrorisme, d'exprimer leur déception. «Il aurait mieux valu respecter la volonté du peuple qui a voté massivement pour Jibril lors des dernières élections », a regretté l'universitaire Fatima Ghandur qui était «presque» sure du choix de Jibril. «Il s'agit d'une confiscation de la volonté populaire», a-t-elle déploré. Ces Libyens se consolent toutefois en insistant sur le fait que «c'est une deuxième étape de transition qui ne saurait s'étendre sur plus d'une année», comme l'a rappelé l'universitaire ex-membre du CNT, Mansour Younes.