Le procès Khalifa a repris hier au tribunal criminel de Blida avec l'audition des accusés et d'un témoin. Des détails surprenants sur les dépenses farfelues ayant causé un préjudice énorme à la caisse principale. Des dépenses de Abdelmoumen mais que personne n'a voulu créditer sur son compte, y compris l'administrateur principal. L'accusé Toudjane Hamou, recruté en avril 1999, est passé de chef de service central avant d'être installé en tant que directeur général adjoint de la comptabilité à El Khalifa Bank en 2000. A la barre, il déclare que durant les exercices de 1998, 1999 et 2000, des rapports sur la situation comptable ont été déposés sur le bureau du chef de l'inspection d'El Khalifa Bank mais également transférés à la Banque d'Algérie : « A travers les accusés de réception qui me revenaient. » L'accusé affirme que sa mission consiste à contrôler les journées comptables des agences et son travail dépendait donc des données qui lui sont transmises non seulement par ces dernières mais aussi par le réseau informatique. Les transmissions comptables se faisaient tous les jours. Il s'agit de l'arrêté de caisse, des brouillards de caisse, du journal de l'agence, de la balance, c'est-à-dire des soldes par compte », déclare l'accusé. Ce qui pousse la présidente à lui demander si les relevés des comptes lui arrivaient quotidiennement. « Oui, à part la caisse principale qui accusait toujours un retard. Mais Akli Youcef nous disait à chaque fois qu'il n'avait pas de comptable pour se justifier », dit-il. Interrogé sur sa réaction face à ces blocages, l'accusé précise avoir écrit à plusieurs reprises au directeur général de la banque, feu Aloui, son responsable hiérarchique, auquel il a fait état des difficultés qu'il rencontrait, « mais aucune réponse ne m'est parvenue. Il me disait à chaque fois qu'il allait régulariser, mais rien ». Il relève qu'à chaque fois qu'il remarquait que ces pièces comptables ne sont pas transmises, « ce manquement fait l'objet d'une réclamation par correspondance ». La présidente lui demande si l'écrit est suffisant. « Je ne peux rien faire. Ma tâche consiste à faire état de la situation, la suite n'est pas dans mes prérogatives. » Mme Brahimi revient sur la question des écritures entre sièges (EES) et lui précise qu'elles doivent être impérativement suivies d'un mouvement de fonds. « Oui Mme la présidente. Mais j'envoyais chaque fin de mois des suspends aux agences. » La juge l'interroge alors sur les informations documentaires qu'il est censé transmettre à la Banque d'Algérie. « Je transmets les modèles 10, le bilan mensuel de la banque. Mais pas directement. Je les envoie d'abord à la direction générale d'El Khalifa Bank qui les examine et peut même apporter quelques rectificatifs, mais en m'informant, et c'est à elle de les envoyer à la Banque d'Algérie. » La magistrate revient sur la caisse principale pour lui faire savoir que son bilan ne peut refléter la réalité, à partir du moment qu'il ne recevait pas la situation de la caisse principale. « Je recevais mais toujours en retard, du fait du travail du service informatique. Je fais trois mois pour récupérer l'information du réseau. Lorsqu'il y a un retard, cela voudrait dire que l'information va être soit erronée soit imprécise. Pour qu'elle soit réelle, il faut qu'elle soit fraîche, c'est-à-dire transmise en temps réel. » La juge veut savoir comment se fait-il que l'accusé ne s'est pas rendu compte des trous enregistrés. « La première fois que je l'ai constaté, c'était lorsque j'ai appris l'établissement des 11 EES. J'ai informé le PDG et je lui ai même parlé des problèmes que je rencontrais, mais en vain. Ma mission consiste à collecter l'information et la transmettre à qui de droit. » Il raconte avoir été mis au courant de ces EES par Nekkache Hamou et Akli Youcef, lesquels l'ont appelé. « C'est Hamou qui me les a montrées et quand je les ai vues, j'ai dit qu'elles n'étaient pas justifiées. J'ai été surpris par les montants en devises et en dinars qui étaient élevés. » La juge lui demande d'expliquer pourquoi des correctifs ont été apportés aux montants en devises pour les rendre en dinars. « C'était un problème d'application dans le logiciel informatique. Comment cela a été fait et qui les a introduits dans le système, je ne sais pas. Je sais juste qu'il a rétabli l'application et a saisi les montants. » A ce moment, la présidente l'interroge s'il a bénéficié d'un crédit. « Oui, un prêt social de 500 000 DA, puis de 90 000 DA que j'ai remboursé. C'était avec un contrat comme cela a été le cas pour beaucoup d'employés. » « Est-ce qu'il existe une procédure d'octroi de crédit ? », demande la présidente. « Elle existe et les remboursements se faisaient avec un prélèvement sur le salaire », répond l'accusé tout en déclarant ne pas connaître le seuil des montants accordés. Revenant sur la comptabilité bancaire, Toudjane affirme qu'effectivement les états qui lui parvenaient comportaient des erreurs. La magistrate insiste sur les 11 EES. « Pourquoi le DG a appelé Nekkache Hamou et pas toi, alors que vous occupez le même poste ? » L'accusé dit ne pas pouvoir répondre, du fait qu'il avait une relation professionnelle avec Hamou. « Combien de fois avez-vous vu Moumen ? », lui demande la juge. « Trois fois. C'est à la troisième réunion avec le commissaire aux comptes pour la certification des bilans, dans sa villa de Hydra, que je lui ai parlé de la situation comptable peu reluisante. Je lui ai dit qu'il y avait un risque majeur et évident sur la banque et s'il était de mon devoir de l'informer. Il m'a dit oumbaâd (on verra après). » Devant ces propos, la présidente lui demande d'expliquer ce qu'était la gestion des risques. L'accusé lui fait savoir qu'il existe une direction chargée de cela, dirigée par M. Hamdane. « As-tu demandé des explications sur ces erreurs ? » L'accusé répond par l'affirmative, précisant qu'il envoyait à chaque fois un courrier. « Et les sanctions disciplinaires contre ceux qui étaient défaillants ? », lance-t-elle. « Cela ne relève pas de mes prérogatives. ». La juge l'interroge si le réseau informatique pouvait faire ressortir les vraies situations. « Je peux connaître la situation de la caisse principale sur micro, mais je ne peux connaître le trou physique », dit-il. La juge lui rappelle les propos de Youcefi la veille, selon lesquels les prêts étaient accordés sur simple bouts de papier signés par le DG. « Lui, il rend compte des anomalies trouvées au PDG », affirme-t-il. La magistrate s'interroge pourquoi est-ce au PDG qu'il les transmettait et pas au DG qui était le défunt Aloui à l'époque. « Avant, c'était Aloui qui recevait les rapports, mais après l'avoir démis de ce poste en 2002, c'était le PDG qui les recevait. » La présidente revient sur les propos de l'accusé devant le juge d'instruction, selon lesquels il y avait des agences qui ne répondaient pas à ses ordres. Il confirme ces dires, tout en précisant avoir aussi déclaré que le défunt Aloui n'avait rien à avoir avec les banques, du fait qu'il était pharmacien et qu'une gestion de banque relève exclusivement d'un banquier. La présidente fait savoir à l'assistance qu'elle ne posera plus de questions sur le défunt Aloui, du fait qu'il n'est plus de ce monde. Il est décédé, rappelons-le, à la prison des suites de sa maladie. Elle revient à la charge sur les retards enregistrés dans les envois des modèles 10 à la Banque d'Algérie, qui font état du bilan d'El Khalifa Bank. « C'est à cause de la direction de l'informatique. Nous dépendons des données que ce service nous transmet », déclare-t-il avant d'être interrompu par la présidente. « Mais tu les faisais sans la situation de la caisse principale ? » L'accusé répond : « Je prenais en compte la balance des comptes. » « Et les EES ? », lui demande la juge. « C'est Akli Youcef qui les a apportées. Nekkache m'a appelé pour me dire qu'elles sont arrivées et qu'il fallait que j'aille à son bureau. » La juge l'interroge sur la procédure d'envoi de ces documents. « Normalement par courrier et avec accusé de réception, puis renvoyés toujours par courrier et accusé réception. » Sur la question de la comptabilité de la banque en 2002, l'accusé affirme qu'il y avait trop de charges qui arrivaient à échéance, la masse salariale qui augmentait continuellement, la balance était déséquilibrée et les dépenses étaient énormes. Il reconnaît que si Abdelmoumen lui avait demandé de régulariser les 11 EES, il ne l'aurait pas fait sans pièces justificatives et que même les autres n'avaient pas à le faire. L'accusé estime que la procédure d'envoi des modèles 10 à la Banque d'Algérie enregistrait des retards et qu'elle comportait des informations non précises, parfois même non fiables. Il tente d'expliquer ce retard par des événements indépendants de la volonté de la banque, comme par exemple la crise en Kabylie qui a paralysé les agences dans cette région. La présidente lui fait remarquer qu'il s'agit d'un cas particulier, qui ne s'applique pas à l'ensemble de la situation. Elle lui demande s'il savait que les sorties étaient de loin plus importantes que les entrées. « Même lorsqu'ils ne me donnent pas les états, je pouvais le savoir à travers les états sur micro. Mais je vous ai dit que j'ai écrit à ce sujet aux responsables. » Me Meziane, avocat de Khalifa en liquidation, lui pose une question pertinente. « Si ces 11 EES avaient été régularisées dans le compte de Abdelmoumen Khalifa, l'auriez-vous auriez su ? » L'accusé lui répond : « Oui, j'aurais eu le détail de chaque dépense. » L'avocat l'interroge alors : « Pourquoi n'avoir pas utilisé cette méthode ? » L'accusé déclare : « Je ne peux donner un tel ordre, les 11 EES étaient injustifiées. » Son avocate, Me Ouaâli, lui demande si un jour la Banque d'Algérie l'a saisi pour un non-envoi des modèles 10. « Jamais, si elle le fait, c'est à la DG qu'elle transmet la réclamation », dit-il. Me Bourayou, l'avocat d'Akli Youcef, interroge l'accusé sur les grandes dépenses dont il a parlé et lui dit de citer des exemples. Il cite les cas des sponsorings des clubs sportifs, dont les montants étaient, selon lui, énormes. « Les salaires des joueurs des équipes du Mouloudia, du CRB, de l'USMA, pour ne citer que ceux-là, sont inscrits au chapitre de la direction des ressources humaines et des moyens », affirme-t-il. Me Bourayou : « Combien ? » L'accusé répond : « Parfois, ils atteignaient les 400 000 DA par mois. J'ai dit que c'était important, mais ils n'ont rien fait. Il y a aussi les intérêts des bons de caisse à terme souscrits et qui arrivaient à échéance. » Me Bourayou revient à la charge : « De combien ? » Toudjane déclare : « Jusqu'à 10 millions de dinars d'intérêts. » La présidente intervient : « Pour une somme de 100 000 DA, on reçoit 10 millions de dinars ? » Me Bourayou reprend la parole et interroge l'accusé sur le sponsoring de l'équipe de l'Olympique de Marseille. La juge fait savoir à l'accusé que Guellimi Djamel avait déclaré que le contrat a été signé à Paris, mais l'argent a été versé par El Khalifa Bank. « Je ne sais pas. C'était Guellimi et Abdelmoumen qui s'occupaient de cette affaire. Ces sommes ne passaient pas par la comptabilité. » L'avocat insiste. « Voulez-vous nous donner les dépenses de la venue de l'OM au 5-Juillet ? » L'accusé : « Cette somme n'est pas passée par moi. » Toudjane affirme néanmoins que les bilans comptables étaient transmis chaque six mois pour publication au BOAL de la Banque d'Algérie, précisant que cette mission relevait du PDG. A cette question, l'accusé semblait hésitant, mais c'est l'avocat qui l'a poussé à donner une réponse en affirmant que l'Union Bank a été fermée parce qu'elle n'a pas publié ses comptes au BOAL. Il déclare n'être pas au courant du salaire de Abdelmoumen. Agaoua Madjid, l'inspecteur qui en savait trop Le tribunal appelle à la barre le témoin Agaoua Madjid, un retraité du CPA, recruté en 1999, qui a occupé la fonction d'inspecteur en 2000 et a été chef de mission de la commission d'inspection installée par l'administrateur provisoire en mars 2003. « Cette mission composée de Amrouche, Zizi, Lamouche Boualem et moi-même a été installée par Djellab et Aloui en tant que DG d'El Khalifa Bank. Ils m'ont signé un ordre de mission pour inspecter la caisse principale. C'était le 12 mars 2003. J'ai été à la caisse principale, mais Akli Youcef n'était pas présent. Il était à l'agence de Hussein Dey pour le transport des fonds. J'ai constaté qu'il y avait un seul micro pour faire la comptabilité, une quinzaine de caissiers, une petite salle des coffres et les fonds n'étaient pas entièrement sur place. Une partie était à Hussein Dey. Il devait la ramener pour alimenter les agences. » La présidente l'interroge si c'est Akli qui était chargé d'aller ramener ces fonds. « Oui, parce qu'il est responsable de la caisse principale. Il est le seul à avoir la clef de la salle des coffres. La caisse principale ne pouvait contenir les montants très élevés qui arrivaient. » Le témoin indique que le lendemain, lorsqu'il s'est déplacé une seconde fois à la caisse principale, Akli Youcef s'est déclaré prêt à coopérer et à mettre à la disposition de la mission toutes les pièces relatives aux fonds transférés aux agences. « Ce n'est que le 15 mars que nous avons commencé notre travail réel, à savoir le contrôle de la balance des comptes en dinars et en devises. En fin de journée, nous avions tous les chiffres, les montants comptables et les existences physiques. Il y avait conformité, mis à part pour les dinars où nous avons enregistré un manque de 1200 DA et pour les devises un excédent de 400 francs suisses. J'ai rendu compte au défunt Aloui, DG de la banque, et il m'a demandé de remonter les écritures jusqu'au 28 février 2003. Aloui servait d'intermédiaire entre la commission et M. Djellab. » La présidente l'interrompt pour lui demander pourquoi M. Djellab l'a choisi pour être le chef de mission. « M.Djellab était DGA du CPA à l'époque. Il me connaissait, puisque je suis un retraité du CPA. Il m'a fait confiance. J'avais refusé au début parce que ce genre d'enquête suscite des réactions. Il m'a convaincu et j'ai fini par accepter. » La présidente l'arrête : « Vous avez eu un incident en 2000. » Le témoin : « Je voulais vous parler de la mission avant de revenir sur cet incident. J'ai été donc voir la direction de la comptabilité où j'ai vu M. Nekkache, DGA, et je lui ai demandé les situations des écritures entre sièges au 31 décembre 2002. C'était volumineux. Je rends compte le lendemain de ce que nous avons constaté au défunt Aloui. » La présidente : « Pourquoi à Aloui ? » Le témoin répond : « Il est le directeur général chargé par l'administrateur d'être notre intermédiaire. C'est à lui par la suite de transmettre les conclusions à Djellab. » Le témoin précise qu'au moment de prendre la situation comptable, Nekkache est venu le voir et lui a dit qu'il avait quelque chose à lui révéler parce que, dit-il, il savait qu'il allait le découvrir à la caisse principale. « Quand il m'a présenté les 11 EES et que j'ai vu les montants, je n'ai pas compris. Je pensais qu'il y avait des erreurs. Nekkache m'a dit non, c'est du vrai. Je lui ai dit : je vais les prendre. » La juge lui demande pourquoi Nekkache lui a remis les 11 EES. « Certainement pour me montrer qu'il y avait un trou dans la caisse principale qui dépassait les 3 milliards de dinars. Lorsque j'ai parlé à Aloui, il m'a dit de continuer à piocher dans les écritures entre sièges. Dans le compte rendu que je lui ai remis, j'ai signalé tous les détails. Par la suite, on m'a demandé de venir à la DG où il y avait Aloui, Nekkache, Chebli et Akli Youcef. Ces trois derniers ont reconnu dans un procès-verbal d'audition qu'ils ont signé et mis leurs empreintes dessus. » La juge : « Pourquoi uniquement ces trois ? Et les trois autres Chaâchouâ Sid Ahmed, Krim Smaïl et Baïchi Faouzi, qui étaient au courant de ces EES ? » Pour le témoin, sa mission se limitait à faire un contrôle, la suite n'était pas de son ressort. Il précise avoir poursuivi son enquête sur la situation des EES et la mission a constaté qu'il y avait des écritures anormalement en suspens, notamment entre les agences des Abattoirs, de Hussein Dey et d'Oran. Il explique : « Un de mes collaborateurs m'a dit avoir enregistré plus de 200 envois en suspens uniquement pour trois agences : les Abattoirs, Hussein Dey et Oran. A partir de là, nous avons informé le défunt Aloui et M. Djellab du nombre de ces situations et de leurs montants et dont le destinataire était la caisse principale. » La présidente : « A qui incombe la responsabilité ? » Le témoin est un peu gêné. Il précise seulement que la direction de la comptabilité ne pouvait pas savoir, parce que c'était le service informatique qui lui transmettait les données. La magistrate lui demande de revenir sur l'incident qui a eu lieu en 2000. Le témoin était chargé par Youcefi, l'inspecteur général d'El Khalifa Bank, sur ordre du patron de la banque, le défunt Aloui, d'aller inspecter l'agence Khalifa de Chéraga et la caisse principale, avec trois autres inspecteurs Nechehoum, Barki et Ghanem (témoins absents hier et convoqués pour aujourd'hui). L'équipe est reçue à Chéraga par Mir Omar, le directeur de l'agence, qui les a orientés vers la caisse de celle-ci. « C'était le 6 août 2000. Nous avons pris les données comptables et les espèces. Il y avait un manque par rapport au solde comptable. Je lui ai demandé des explications, il m'a exhibé des bons, des bouts de papier, comportant la signature du directeur d'agence qui signale avoir remis des sommes d'argent à des personnes dont je ne me rappelle pas les noms. Le manque était estimé à près de 2 millions de dinars. Une autre différence a été enregistrée au niveau des devises. J'ai relevé qu'il y avait des incohérences dans la comptabilité. Le lendemain, nous nous sommes présentés, Ghanem et Mir Ahmed et moi, à la caisse principale. Pour y aller, nous passons par l'agence, parce que ce sont des structures mitoyennes. Akli Youcef nous a demandé nos ordres de mission et, quelques minutes plus tard, il est venu me dire que j'avais un appel téléphonique du siège. C'était le défunt Aloui qui était dans tous ses états. Il m'a demandé de remonter tout de suite au siège avec l'équipe et qu'après Benyoucef se chargera de m'expliquer. Toute l'équipe est rentrée et, une fois au bureau, j'ai demandé à Aloui pourquoi. Il m'a répondu : j'ai des ordres d'en haut. Là j'ai compris. Benyoucef m'a dit je vais régler cela, car je ne sais pas ce qui s'est passé. Il a fait un écrit au PDG pour dénoncer cette décision. La mission s'est terminée. Benyoucef est parti le soir, en me disant continue à faire ton travail et fais attention à toi. » La juge : « Que voulait-il dire par là ? » Le témoin : « J'avais compris qu'il y avait un dysfonctionnement dans la gestion de la banque qu'il voulait cacher. » Il précise que cet événement l'a beaucoup touché et qu'il a informé Djellab de cet incident. « Mais pourquoi avoir fait confiance après à Aloui, lui qui vous a freiné dans votre inspection en 2000 ? » Le témoin répond : « En fait, j'en ai déduit que ce n'était pas lui qui était contre, mais les plus hauts responsables, parce que c'était lui-même qui nous avait signé les ordres de mission en désignant l'agence de Chéraga et la caisse principale comme premiers points. » Interrogé sur la participation de Mir Ahmed à cette mission, il déclare qu'il ne faisait rien. « Kane idour (il tournait en rond) », affirme-t-il. Après cet incident, le témoin est marginalisé pendant des mois. Il en parle à son directeur général, le défunt Aloui, qui lui précise qu'une nouvelle organisation avec de nouveaux types de contrôle allaient être installés. « J'avais compris qu'il n'avait pas besoin de moi. Ils m'ont muté à la structure de l'informatique, avant d'être nommé au service exploitation. Dans ce département, il est créé une cellule d'assistance aux agences, pour régler leurs problèmes. J'ai fait quelques travaux pour le service du commerce extérieur, puis on m'a désigné pour installer l'agence du Mercure. J'ai refusé au début, mais on m'a promis que ce n'était que provisoire. » Le témoin affirme n'avoir jamais vu, depuis qu'il a commencé en 1999, les inspecteurs de la Banque d'Algérie. Il reconnaît que le système informatique permettait de faire sortir toutes les données comptables. Il précise au tribunal avoir compris pourquoi l'administrateur a trouvé les 4 milliards de dinars devant être versés à la Banque d'Algérie. « Parce que le rôle de la caisse principale est de récupérer les fonds des agences et de déposer l'excédent à la Banque d'Algérie. Ce qui n'a pas été fait. » La présidente lui demande s'il a interrogé Akli Youcef sur la différence entre le physique et le réel. « Oui, il m'a répondu qu'il a des dépenses liées à des retraits en espèces au profit de Abdelmoumen et sur ordre donné par téléphone. » La juge l'interroge sur la différence entre l'inspection de 2000 et celle de 2003. « La première, il y avait des responsables qui voulaient empêcher la mission et, en 2003, il y avait d'autres qui voulaient assumer entièrement la responsabilité. » Me Meziane, l'avocat de la partie civile, El Khalifa Bank en liquidation, lui demande de donner le montant du solde de la caisse : « 200 millions de dinars. » Sur la question de savoir pourquoi le débouclage n'a pas été fait, Agouaoua répond : « Je ne sais pas, ce n'était pas notre rôle. » Il explique que le sens réel, c'est qu'ils ont débité la comptabilité par le crédit caisse. « Pourquoi ces EES n'ont pas été débitées sur le compte de Abdelmoumen ? » Le témoin : « Peut-être que Djellab ne voulait pas. » Mir Ahmed, l'accusé trompé par son PDG L'accusé intègre El Khalifa Bank en 1999. Il venait de rentrer du Canada, où il a eu ses diplômes et travaillé dans des boîtes d'assurance. Il envoie sa demande de recrutement, elle est acceptée et c'est Rachid Amrouche, alors directeur général d'exploitation, qui le reçoit et lui passe l'entretien. Il le charge d'un poste assez particulier, celui d'attaché d'administration avec un salaire de 50 000 DA. Il voulait voir comment fonctionnent les banques en Algérie. « C'est différent de l'étranger. Ici on manipule beaucoup les chèques et l'argent, alors qu'ailleurs on travaille plus avec des papiers et du plastique. » Quelque temps plus tard, il est nommé adjoint de l'inspecteur général, qui était Youcefi Benyoucef. Il revient sur l'inspection de 2000 qu'il a faite avec son responsable à l'agence de Chéraga. « On s'est présenté à la caisse de l'agence et tout s'est bien passé. Le contrôle a eu lieu normalement. Le lendemain, on s'est présenté à la caisse principale. Agaoua est venu me dire que Aloui l'a appelé pour lui dire qu'il fallait quitter les lieux et rejoindre le siège. » La présidente revient sur la somme de 5 millions de dinars qui lui a été remise par Akli Youcef, le caissier principal, au profit de Abdelmoumen. « J'étais dans mon bureau. Moumen m'appelle au téléphone et me demande si je pouvais aller récupérer une commission chez Akli Youcef, à la caisse principale, et de la lui ramener à sa villa à Hydra. Une fois là-bas, Akli m'a dit qu'il était au courant, puisque Moumen l'a aussi appelé. Il m'a tiré un sac. Je lui ai dit : c'est quoi ça ? Il m'a répondu : c'est de l'argent, 5 millions de dinars. Je lui ai dit qu'il n'était pas question que je transporte cette quantité sans documents. J'ai pris une feuille et j'ai rédigé une décharge que j'ai laissée chez Akli à la caisse. J'ai amené l'argent à Moumen dans sa villa à Mackley. » La présidente lui fait savoir que cette décharge n'a aucune valeur juridique, de plus elle n'existe pas dans le dossier. « En tant qu'inspecteur qui a été empêché de contrôler la caisse principale, pensez-vous que c'est une pratique normale de prendre l'argent de la caisse ? », lui demande la juge. « Madame, il faut voir le contexte. C'est mon PDG qui m'appelle à mon bureau. Je pars du principe que je travaille dans un rapport de confiance, pas dans une atmosphère de criminels. Ce n'est pas une pratique normale, la preuve j'ai laissé une décharge. » Elle lui demande ce qu'il avait constaté lors de l'inspection de 2000 à l'agence de Chéraga. « Des anomalies et des dysfonctionnements. Nous avons proposé à travers les recommandations du rapport un ajustement. » Le procureur lui demande si le fait que Moumen lui demande d'aller chercher de l'argent de la caisse, auprès de celui qui était censé être contrôlé, n'était pas une atteinte à sa crédibilité, l'accusé répond : « Pour moi, la commission n'était pas de l'argent. J'ai été étonné de trouver cela une fois chez le caissier principal. » La juge : « Qui prouve que vous l'avez remis à Moumen ? » Mir Ahmed : « Lui-même, puisqu'il n'a pas dit que je l'ai volé. » La présidente lui déclare : « Abdelmoumen n'est pas là pour le dire aujourd'hui. » Elle appelle Akli Youcef, le caissier principal, et lui demande de confirmer. « Oui, il est venu prendre de l'argent pour Moumen, mais une seule fois. Il m'a laissé une feuille pour attester qu'il l'a pris pour Moumen. » La juge : « Pourquoi tu n'as pas versé cette feuille pour te défendre et dire que l'argent a été donné à Moumen sur son ordre ? » Akli Youcef répond : « J'ai laissé la feuille à la caisse principale. » La juge se retourne vers Mir Ahmed et lui demande s'il en a informé sa hiérarchie. « Oui, j'ai informé le défunt Aloui et il m'a dit que c'était une affaire entre lui et le caissier principal. » L'accusé affirme ne pas pouvoir certifier que l'argent remis à Moumen provenait de la caisse. Lorsqu'il est arrivé, le sac était déjà prêt. Le procureur lui rappelle ses auditions devant le juge. Il reconnaît avoir beaucoup voyagé dans le cadre du travail en 2002. Mais le procureur veut l'amener à parler de son passage à Frankfurt. « Etais-tu chargé d'ouvrir une représentation de Khalifa sur place ? » L'accusé répond par l'affirmative. Il dit qu'il avait un projet d'ouverture avec une banque allemande. Cela n'a pas marché, parce que, explique-t-il, les négociations entre les deux banques centrales n'avaient même pas été engagées. « Khalifa Construction a-t-elle racheté les actions d'une société de construction allemande ? », lui demande le procureur. « Je ne sais pas », répond l'accusé. Sur la question des anomalies qu'il a enregistrées à l'agence de Chéraga, il déclare qu'il y avait des crédits irréguliers et des dépassements des facilités des caisses. La veille, un des accusés avait déclaré qu'il a pris une villa, alors que celui-ci n'a pris que trois voitures, des Passat Bora, pas pour lui, mais pour nécessité de service. Il les aurait rendues après. L'audience est levée dans l'anarchie la plus totale. Les accusés quittent la salle avant même que le tribunal ne se lève.