Après douze longues heures de vol en partance d'Alger, via Paris, nous foulons le sol sud-coréen pour la première fois. En guise de bienvenue, cette expression qui orne les murs du majestueux aéroport international d'Incheon : "Welcome to the best city in the world". Première vitrine du pays, l'aéroport international d'Incheon constitue en soi une attraction touristique. Il concentre à lui seul tout le génie, le talent et l'esprit de créativité des Sud-Coréens. Ce monument titanesque a été pourtant réalisé en un temps record et a été ouvert au trafic aérien il y a seulement 4 ans. A la sortie, une charmante jeune Asiatique nous attend depuis une quarantaine de minutes. Contente de nous recevoir, elle le fait savoir par des mots de bienvenue dans la langue de Molière. Elle s'appelle Min Jeong-Hee, diplômée en interprétariat, et sera notre guide tout au long de notre séjour au pays du Matin calme. Nous rallions la capitale Séoul par une voie express de 40 km. C'est la seule route (à péage) pour se rendre à l'aéroport international. Notre trajet vers Séoul a pris beaucoup plus de temps que prévu en raison de grands embouteillages, aggravés par la grève générale des cheminots. Un mouvement de grève auquel ont appelé les puissants syndicats du pays décidément non satisfaits des conditions socioprofessionnelles des travailleurs. Contrairement à notre chauffeur visiblement harassé par l'interminable embouteillage dans lequel il s'est engouffré, nous étions plutôt satisfaits de pouvoir rouler au ralenti pour contempler et admirer tout ce qui pouvait entrer dans notre champ de vision. Edifices, buildings, tours d'habitations, hôtels, boulevards, ruelles, magasins, ponts suspendus, enseignes internationales..., tout est grand, majestueux et imposant. Au centre-ville de Séoul, le trafic est dense mais les boulevards, construits à l'américaine, sont tellement larges qu'ils peuvent contenir encore plus de trafic. Les feux de signalisation, respectés, règlent la circulation comme une horloge suisse. Sur les 49 millions d'habitants que compte la Corée du Sud, plus de 10 millions résident dans l'agglomération du grand Séoul. D'où une forte densité d'habitants par km2, l'une des plus élevées au monde. La sidérurgie, premier jalon de l'industrie Sud-Coréenne Notre escale à Séoul fut de courte durée. A peine remis de notre long voyage, nous nous sommes rendus à l'aéroport Kimpo pour les lignes domestiques afin de rallier la ville d'Ulsan, à 400 km de la capitale Séoul puis la petite ville de Pohang où nous avons passé notre première nuit en terre coréenne. Le lendemain matin, nous entamions notre programme de visite en nous rendant au site de l'un des plus grands sidérurgistes au monde, le géant sud-coréen POSCO (Pohang Iron & Steel Co) pour la production et la transformation de l'acier. C'est le Hadjar de la Corée du Sud. Etendue sur une superficie de 2200 ha, l'usine, qui emploie près de 70 000 salariés, fait vivre toute la région côtière de Pohang. Elle représente l'une des plus anciennes entreprises sud-coréennes. Construite à la fin des années 1960, elle n'a commencé à produire qu'en 1973. Cette usine de sidérurgie est pour beaucoup dans le développement industriel que connaît la Corée du Sud aujourd'hui en ce sens qu'elle a été créée exclusivement pour alimenter en matières premières les différentes usines industrielles. Aujourd'hui encore, POSCO consacre 75% de sa production au marché domestique. Seulement 25% sont exportés vers la Chine et le Japon. Financée au départ par des fonds japonais, cette entreprise a été par la suite reprise par des actionnaires privés sud-coréens. Grâce à POSCO, la Corée du Sud est le 5e producteur mondial d'acier avec 78 millions de tonnes. Nous quittons la ville de Pohang pour nous diriger vers Ulsan. Ce trajet d'à peu près une heure et demie nous a permis de constater l'importance accordée par les autorités sud-coréennes aux moyens de communication, notamment les routes. Toutes les villes coréennes sont reliées par des voies express où la moyenne de la vitesse autorisée est de pas moins de 100 km/h. La densité du trafic constaté par ailleurs sur les différents axes routiers que nous avons empruntés dénote le niveau élevé du développement atteint par ce dragon asiatique. Après une deuxième nuit passée à Ulsan, une autre visite guidée nous attendait pour la journée tout aussi intéressante et instructive que la précédente. Il s'agit de la visite du plus grand chantier naval du monde détenu par le groupe Hyundai Motors. 70 bateaux entre méthaniers, commerciaux (traders) et transport de voyageurs, sortent annuellement de ce chantier titanesque. D'après notre guide, le chantier qui dispose de 40 quais construit simultanément six bateaux. Les délais de réalisation sont l'un des points forts de ce chantier naval puisque 8 à 10 mois seulement sont nécessaires pour la construction d'un bateau commercial. Secret professionnel oblige, deux tiers de ce chantier sont interdits aux visiteurs. Ce chantier naval du Groupe Hyundai à Ulsan fait de la Corée du Sud le premier constructeur mondial de navires devant le Japon qu'elle a dépassé en 2002. Le pays assure 34% de la production mondiale de navires en 2004. Toujours à Ulsan et non loin du chantier naval se dresse un autre fleuron de l'industrie mécanique sud-coréenne et appartenant au même groupe Hyundai Motors. Hyundai : après les voitures, les navires C'est la filiale de fabrication des véhicules légers située également à quelques mètres du port. Le site de l'usine est impressionnant par sa surface. A l'entrée, la sécurité est fortement renforcée. Avisé de notre arrivée, c'est un responsable de la division marketing qui est venu nous accueillir à l'entrée de l'usine. Les présentations échangées, place à la visite guidée à commencer par une virée au bloc de la direction de marketing où nous avons eu droit à une présentation des différents compartiments de l'usine sur maquette, puis à un visionnage sur grand écran d'un film publicitaire sur la filiale Hyundai véhicules légers. Avant de passer à la visite sur terrain, nous avons été priés de remettre tout ce qui est caméra, appareil photo, ou téléphone portable équipé de caméra. L'usine aurait été, nous fait savoir le responsable de marketing en guise de justification, victime auparavant d'un acte d'espionnage industriel par le biais de photographies prises par des visiteurs étrangers équipés d'appareils photos et de caméra. Construite à la fin des années 1960, l'usine s'étale sur une superficie de 1200 ha et compte aujourd'hui près de 4000 employés qui travaillent en deux brigades, à raison de 10 heures chacune. 1600 véhicules sont fabriqués chaque jour par cette seule usine dont la production annuelle atteint aujourd'hui les 1,6 million véhicules. 77% de la production de l'usine d'Ulsan sont exportés vers les Etats-Unis et le Canada. Le reste est destiné au marché local. Pour les marchés d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, Hyundai Motors exporte à partir de ses usines installées en Turquie, en Chine et en Inde. Nous quittons l'usine et la ville d'Ulsan pour rallier, en fin d'après-midi, la deuxième plus importante ville de la Corée du Sud : Busan. A l'instar de la capitale Séoul, la ville de Busan se distingue également par sa forte densité et son architecture moderne. Mais à la différence de la capitale sud-coréenne, le côté touristique de Busan est bien mis en évidence à travers notamment les majestueux hôtels de luxe qui donnent tous sur le front de mer et son célèbre parc. Busan est aussi la ville du cinéma. Plus de 200 films sont produits et projetés annuellement dans cette ville. Notre programme de visites dans cette ville, nous l'avons entamé dès le lendemain matin en nous rendant d'abord au nouveau port de Busan. Lancée en 1995, la construction de ce nouveau port devra s'achever en 2011. Coût de la construction : 9,2 milliards de dollars. Au total, ce sont 30 quais à containers qui seront construits pour s'ajouter au 22 quais du l'ancien port de Busan classé à la cinquième place au monde. Parmi les 30 quais à containers, 13 sont construits pour des privés. Le financement et la construction de ce nouveau port sont supportés par des consortiums d'entreprises, à l'instar des deux géants coréens Samsung et Hyundai ainsi que 8 autres entreprises. Busan, 5e port mondial La Corée du Sud compte, avec la construction du nouveau port de Busan, rivaliser avec les leaders mondiaux en trafic portuaire qui sont tous des Asiatiques comme c'est le cas pour Singapour, premier port mondial, suivi de Shanghai et de Hong Kong. Le deuxième site visité à Busan est Asiad Stadium, un véritable chef-d'œuvre architectural. D'une capacité de 50 000 spectateurs, cet édifice sportif a été réalisé en un temps record en perspective de l'organisation de la Coupe du monde 2002, conjointement avec le Japon. Il a fallu seulement 2 ans pour sa réalisation, souligne Jeong-Hwa Kim, directrice exécutive à Space Group, le plus ancien et important bureau d'études sud-coréen. C'est ce groupe même qui a réalisé l'étude technique du Stade Busan mais aussi du Stade Olympique de Séoul. Spécialisé dans les études, le management de la construction et sa supervision, Space Group est par ailleurs l'un des bureaux d'études internationaux qui ont soumissionné pour l'étude et la réalisation de la nouvelle ville de Sidi Abdellah à Alger. Seulement, regrette Mme Kim, "10 ans après son lancement, on ne voit toujours pas de progrès". Après Busan et les visites marathoniennes des sites industriel, nos compagnons sud-coréens nous ont programmé une autre visite, touristique cette fois-ci, manière de marquer une pause. Nous nous sommes alors dirigés vers l'ancienne ville de Gyongju, à une soixantaine de kilomètres de Busan. Nous avons pu, le temps d'une journée, plonger dans l'histoire de ce pays qui remonte à plus de cinq mille ans. Ville de la dynastie Chilla, Gyongju se distingue surtout par son temple perché au sommet des montagnes, son parc, son musée mais aussi son cimetière abritant les tombeaux des rois ayant régné dans la région. Plusieurs dynasties brillantes ont progressivement, du début de l'ère chrétienne au 14e siècle, unifié le pays sur le territoire de la péninsule tout en subissant des invasions chinoises et mongoles. Pendant la dynastie Yi (1392-1910), également appelée époque Joseon ("matin clair" ou "matin calme"), la Corée se replie sur elle-même et prend le nom éloquent de "Royaume Ermite", tout en restant influencée par la culture chinoise. Le confucianisme devient alors le modèle dominant de l'organisation politique et sociale. Nous quittons la sérénité de la ville ancienne et son matin calme pour replonger encore une fois dans les paysages urbains et la vie moderne de la capitale Séoul que nous avons ralliée tard dans la soirée. Samsung : « grand, fort et éternel » Le lendemain matin, nous continuons notre programme de visite en nous rendant, cette fois-ci, au site d'un autre mastodonte industriel sud-coréen, Samsung, situé à Souwons, à une vingtaine de kilomètres du centre-ville. A l'instar des autres groupes sud-coréens qu'on a visités, le site de Samsung est tout aussi impressionnant. Aujourd'hui leader mondial dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), Samsung, qui veut dire en coréen "trois étoiles (grand, fort et éternel)", a été fondé en 1969 par Byung-Chull Lee, décédé en 1987. Ayant démarré avec seulement 36 personnes en 1969, Samsung compte aujourd'hui plus de 101 000 salariés. Une visite guidée nous a permis de voir tous les produits fabriqués jusque-là par Samsung ainsi que les toutes dernières nouveautés de la maison. Divisé en cinq sections d'affaires (électroménager, semi-conducteurs, LCD et informatique et communication), le groupe sud-coréen dispose de 8 usines en Corée et 54 dans le monde. Les écrans TFT, LCD, CDMA et télévision couleurs font partie des 9 produits de Samsung. En 2005, le géant sud-coréen a exporté à lui seul 46 milliards de dollars, soit 16% de la part du marché sud-coréen. Présent sur le marché algérien depuis déjà quelques années, à travers des représentants pour la vente des téléphones mobile, audio-vidéo système, et les téléviseurs, Samsung, note son responsable de marketing, souhaite vivement passer à autre chose en Algérie. Il nous annoncera à cet effet qu'une étude est en cours pour développer les activités de Samsung en Algérie à travers notamment un projet de réalisation d'usine. Nous quittons Samsung vers la ville de Jeonju où est implantée une autre filiale du groupe Hyundai Motors (HMC), celle des poids lourds. L'Algérie est le premier client de cette filiale en région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). 4500 véhicules lourds (bus et camions) ont été exportés par HMC en Algérie en 2005. Etalée sur une superficie de 1,28 million de mètres carrés, l'usine de Jeonju emploie 4200 salariés et produit annuellement 125 000 unités dont 107 000 camions et 17 400 bus. Notre programme de visite arrive à sa fin. Il a été surtout riche en enseignements. Les entreprises qu'on a visitées ont été à l'origine de l'essor fulgurant de la Corée du Sud. Un pays qui, dans les années 1960, était au même niveau de développement que l'Algérie, voire même à un niveau plus bas. Ne disposant de surcroît d'aucune ressource naturelle, la Corée du Sud n'a pu devenir ce qu'elle est aujourd'hui que grâce à un seul et unique élément : l'homme.